6 février 2014
Palais des Congrès
Saint Pétersbourg Ballet Théâtre.
Kitri: Iana Salenko; Basilio: Daniil Simkin.
Après l'overdose de Don Quichotte la saison dernière (Opéra de Paris et de Vienne), il fallait se forcer pour retourner voir la version du Saint Pétersbourg Ballet Théâtre. Mais vu les têtes d'affiches, Simnkin et Salenko, se forcer pouvait faire du bien. Je les avais déjà vus au gala des étoiles du TCE et je n'attendais que de les revoir dans un ballet complet. Dommage que cela soit tombé sur cette compagnie.
L'avantage du SPBT est qu’ils sillonnent la France dans des grandes salles plus populaires, comme ici au Palais des Congrès, et ont une volonté de donner accès au grand public à un art jugé élitiste. Ainsi, régulièrement, on voit des affiches de Casse-Noisette, La Belle, La Bayadère, Le Lac des cygnes, Don Quichotte. Le contre point principal est que ces productions sont bien souvent kitsch, mal arrangées et simplifiées, et franchement décevantes. Se voulant populaire, le prix des places restent pourtant élevé.
Kolesnikova, la star de cette compagnie, avait été refusée du Mariinsky et du Mikhailovsky et s'était donc mis dans une compagnie dont elle a rapidement pris la direction. Elle a un talent certain, que j'avais pu voir déjà dans La Belle, Casse-Noisette et Le Lac. Un petit côté diva que j’apprécie chez les russes, et une technique assurée. Mais le corps de ballet était souvent catastrophique, avec des demi-solistes qui rattrapaient quelque fois la soirée. Les costumes et les décors sont dans l'ensemble kitsch et parfois passés (permettant d’ailleurs à l'inverse de mettre en valeur les productions de l'Opéra dont on oublie parfois la qualité).
Cette soirée n'a fait que confirmer ces idées. Don Quichotte est un long ballet et il faudrait donc que ce qui se passe sur scène fasse passer agréablement le temps, seulement ici c'est un échec et on attend avec hâte les prochains moments où les solistes apparaitront. L'histoire ne se suit même pas facilement ; la scène des Dryades semblait ainsi sortie d'un chapeau.
Et le Palais des Congrès n'est vraiment pas la salle adaptée pour de la musique ou de la danse. Les changements de décor durent bien trop longtemps, les lumières font rapidement show à l'américaine. Et quand l'orchestre est passablement passable, l'acoustique n'aide pas vraiment à le mettre en valeur.
En allégeant la chorégraphie (et la partition), on évite donc le prologue, mais le corps de ballet est trop souvent sans pointes et les lignes sont mal réglées, bref tout ce qui énerve n'importe quel balletomane. Heureusement Salenko et Simkin arrivent, sauvant la première partie. Ils s'insèrent dans l'ambiance du ballet sans snobisme. Seul leur danse et leur talent d'acteur leur permettront par la suite de se distinguer largement. Ils sont jeunes, petits (1m70 pour lui, encore moins pour elle), tout mignons. Leur complicité évidente rend contagieux leur enthousiasme. Son ballon époustouflant entraine des applaudissements furieux, ses pointes de même. Il est rare de voir une telle osmose entre deux danseurs et un tel désir de danser, Don Quichotte était un choix évident pour les voir ensemble. Seulement, une fois qu'ils s'assoient, le terrible Ennui revient. Je remarque néanmoins que, si la danseuse des rues est plutôt faible et danse peu (et "danse" autour de verres plutôt que de couteaux), Espada est particulièrement bien choisi pour ce rôle: viril, imposant.
Noureev avait eu la bonne idée de rajouter un pas de deux sur la musique de Bayadère au deuxième acte qui donnait un peu de danse à la scène des gitans, ici narrative et ennuyeuse. Après une longue attente dans le noir, on arrive dans un monde des Dryades qui fait exception au reste du ballet, le corps de ballet est dans l'ensemble correct (sans doute car il sert plus de cadre que de danseurs), mené par une Reine, Tkachenko, qui semble plus âgée mais à la technique solide et majestueuse. Cupidon est plus reconnaissable que dans la version Noureev, mais parait un peu trop enfant et instable ici. Salenko est brillante, ses développés et ses bras flottent sur la scène. Puis l'Ennui reprend jusqu'au mariage, avec toutefois un regain d'intérêt lors de la scène du suicide.
Le pas de deux du mariage justifie à lui seul l'ensemble du spectacle, les applaudissements ne s'arrêtent pas. Pour autant, Simkin n'est pas (plus ?) une bête de cirque, leur adage n'est pas explosif mais juste ; il laisse de la place à Salenko pour un ensemble équilibré. Il fait ensuite penser à de mythiques icônes du ballet masculin lors de sa variation, le public reste scotché. Salenko offre une variation de l'éventail toute en finesse, narguant le public avec ses piqués, avant le grand feu d'artifice de la coda, sous un tonnerre d'applaudissements.
J'espère maintenant revoir ces solistes avec une grande compagnie derrière eux