Date : 25 Janvier 2013
Lieu : Royal Opera House
Direction musicale : Peter Manning ; Onéguine : Frederico Bonelli ; Lensky : Nehemiah Kish; Tatiana: Laura Morera; Olga: Yuhui Choe; Gremin: Gary Avis
Vous ne pouvez qu’adorer et détester le personnage d’Eugène Onéguine ! Qui peut se permettre d’arriver à un bal d’anniversaire en baillant, en se retournant devant tous les invités qui viennent le saluer ? Ou encore tuer son meilleur ami après s’être amusé à draguer son flirt ? Le tout en se moquant ouvertement d’une jeune fille qui l’a pris pour un personnage romantique, sorti de ses livres. La devise d’Onéguine qui est écrite sur le rideau scène (Quand je n’ai plus d’honneur, l’honneur n’existe plus) résume assez bien le personnage.
Mais plus que le personnage éponyme, tout ce ballet est adorable. Ce fut mon premier ballet d’ailleurs, lors de son inscription au répertoire de l’Opéra de Paris, avec Moreau et Ciaravola dans les rôles titres, je vous laisse comprendre pourquoi j’aime autant la danse depuis ! Lorsqu’il est revenu la saison dernière, les distributions stars se sont bousculées, tout particulièrement McKie-Dupont et Ganio-Ciaravola, deux soirées merveilleuses !
Ce ballet est très accessible à des spectateurs novices, de la danse classique sur pointes, mais sans tutus ou scènes de divertissement qui peuvent casser le rythme de l’œuvre. Si certains gestes peuvent paraitre vieillis, comme lors du pas de deux de Tatiana avec le Prince-Général Grémine, avec des gestes de bras et de regards un peu étranges, cette chorégraphie me parait réellement intemporelle et passionnée. Grémine n’est donc pas un personnage qui m’attire particulièrement, sauf pour sa place dramaturgique évidente et nécessaire qui est d’ailleurs plus effacée chez Pouchkine.
Le couple principal Bonelli et Morera est merveilleux, sans certes le glamour des autres distributions que j’ai pu voir. Lui est un Onéguine tout à fait snob et hautain et réussit à dominer toute la scène (et ce malgré un physique pas tout à fait imposant). Lors de ses premiers solos très égoïstes du premier acte, il campe une technique impeccable avec de très beaux sauts, tout cela avec une force dramatique très théâtrale.
Mais c’est clairement Morera qui m’a le plus impressionné. Pour commencer comme une langue de vipère, elle n’est pas très très jolie. Ses portés sont époustouflants, elle se laisse complètement prendre par sa passion. Je retrouve dans le pas du rêve de la lettre toutes les premières émotions que j’avais eues devant ce ballet. Le corps vole, tourne, elle se donne totalement à Onéguine. Le pas de deux avec Grémine est un peu énervant au milieu de tant de passion, voire de l’affection et de la tendresse d’un couple marié, c’est un peu fatigant. Heureusement tout revient avec une forte dose de sentiments lors du dernier pas, Tatiana a enfin réussi à dépasser son amour pour Onéguine : elle est femme et maîtresse d’elle-même, bien que cela lui coûte l’amour de sa vie.
Une interprétation comme la sienne m’interpelle sur le nom de ce ballet (éternelle question pour les spectateurs de ce ballet), Tatiana est bien le personnage central de l’œuvre, celle qui évolue le plus. La progression d’Onéguine est certes plus marquée par des gestes forts : la froideur apparente et solitaire au premier acte, la passion idéalisée dans la scène du rêve, le sans-gêne au bal, puis les deux prises de conscience successives aux actes deux et trois.
Le couple Olga-Lensky parait un peu en retrait, surtout Kish. Techniquement il me fait un peu peur notamment au début de l’acte 1 avec des sauts et des portés parfois très limites. Il se rattrape par la suite plus heureusement et son solo avant sa mort et particulièrement réussi et émouvant, dommage qu'il meure si tôt. Elle est plus douce et se révèle assez bien dans la scène qui précède le duel, comme après sa première variation très réussie. Très souriante et plein d’entrain, son Olga est amoureuse et rayonnante.
Le corps de ballet est certes bien plus hétérogène physiquement qu’à l’Opéra de Paris, ce qui accentue peut-être la vraisemblance de la scène. Mais son rôle reste néanmoins très limité, les paysans du premier acte paraissent bien niais avec leurs diagonales en couple qui poussent le public à rigoler et les danseurs du bal étant bien absents derrière la forte dramaturgie.
J’ai donc pu retrouver à Londres toute les émotions que j’avais déjà eues devant un tel ballet par un couple bien différent et qui avait beaucoup de choses à y apporter et a su apporter de nouvelles émotions !