Don Carlo, Verdi
Metropolitan Opera
16 mars 2013
Direction musicale: Lorin Maazel; Mise en scène: Nicholas Hytner; Don Carlo: Ramon Vargas; Elisabeth de Valois: Barbara Frittoli; Un Moine: Miklos Sebestyen; Rodrigo: Dmitri Hvorostovsky;
Philippe II: Ferruccio Furlanetto; Princesse d’Eboli: Anna Smirnova; Le Grand Inquisiteur: Eric Halfvarson.
4h de Verdi, c'est long et un peu frustrant. Surtout quand l'œuvre est très inégalement repartie et qu'il faut attendre le quatrième et cinquième pour arriver à de véritables beaux moments.
Don Carlo, c'est donc le plus long opéra de Verdi, et celui avec le livret le plus sérieux et historique. Don Carlo, fils du roi Philippe
d'Espagne, était destiné à Elisabeth de Valois, fille d'Henri de France. Les deux jeunes gens se promettent un amour éternel. Mais les changements du traité d'amitié entre les deux nations
entrainent un nouveau mariage: Philippe et Elisabeth. Vous imaginez la suite de l'histoire romantique qui rappelle Phèdre et se soldera par la mort du personnage éponyme.
Connectez la grande Histoire à la petite en illustrant les révoltes flamandes dont Don Carlo devient tout d'un coup le leader politique ainsi que le pouvoir de l'Inquisition qui ose rivaliser
avec la couronne espagnole. Ce joli cocktail consiste donc le livret.
Image may be NSFW.
Clik here to view.
Finalement cet opéra rassemble plusieurs thématiques, plusieurs genres avec des scènes très différentes dans leur esprit pourtant rassemblées
par la trame dramatique.
Le premier acte est à lui seul une mini tragédie, à la Traviata: la rencontre anonyme des inconnus, leur promesse d'amour et leur terrible
séparation. Le tout dans une mise en scène sobre d'un jardin sous la neige. Dommage de commencer par cela, nous n'avons pas eu le temps de s'attacher aux personnages et la tragédie ne fonctionne
pas. Je reste tout à fait passif devant ces déchirements.
Le deuxième acte semble une peinture de l'Espagne de l'époque. Un aspect tout d'abord très mystique devant la tombe de 'Carlos', ou Charles Quint, grand-père du personnage central. Puis s'ensuit
une peinture plus Don Quichotte
avec des éventails rouges et des scènes de flirt sur une musique de guitare avec une chanson plus légère. La première partie est très sombre et rivalise avec les couleurs de la seconde pour un
acte globalement acceptable.
Les scènes grandioses me rappellent Khovantchina, en plus light. Ainsi celle de l'autodafé qui
illustre le pouvoir ecclésiastique au troisième acte. Des grands chœurs puissants, des figures religieuses et politiques charismatiques, des hommes brulés: un bien beau tableau.
En ce qui concerne les actes 4 et 5, j'ai plus de mal à les rattacher à d'autres opéras que j'aurai pu voir. Et donc c'est peut être pour cela que je les ai le plus aimés. Ils ont permis aux
incroyables solistes de briller totalement.
Image may be NSFW.
Clik here to view.
Mon gros coup de cœur de la soirée est pour le Rodrigo de Hvorostovsky. En ami de Don Carlo, j'ai parfois du mal à savoir à savoir de quel
côté il est, ces subtilités lui apportent tout le piment nécessaire. Sa voix de baryton est un vrai délice.
Les deux basses qui se confrontent dans l'acte 4 relèvent du combat de titans, le roi contre l'Inquisiteur. Le premier a parfois une voix un
peu nasillarde et le deuxième m'insupporte à être constamment porté par deux sbires. Mais cela importe peu par rapport à leur talent. Une impression de grandiose et de pouvoir englobe
soudainement la salle du Met.
Finalement celui qui m'inspire le moins dans les rôles masculins est Don Carlo, piètre rôle dans l'opéra qui me laisse assez indifférent, à
l'inverse du reste du public visiblement conquis. Les derniers instants réussissent néanmoins à me séduire, mais c'est surtout grâce à la fabuleuse Elisabeth de Barbara Frittoli.
Je l'avais déjà vue en Comtesse de Figaro il y a quelques années à Bastille en face de Tézier, et j'en avais gardé la meilleure des impressions. Ici, même si de mon très très haut balcon je ne la
reconnais que difficilement, elle ne me déçoit pas. Beaucoup de finesse, de grandiose même dans son malheur. Une voix juste et forte.
En face Smirnova n'a rien à voir, sauf le talent. Eternel combat de la brune contre la blonde finalement. Elle campe une Eboli fièrement espagnole, qui sait jongler entre la sage femme d'atours,
la maitresse du roi et la femme vaincue. Sans doute la meilleure tragédienne de cette soirée. Une voix violente et assurée, à la hauteur du rôle.
Un bon spectacle dans une sage mise en scène, servi, comme souvent au Met, par des chanteurs de grand talent.