Palais Garnier
7 juin 2013
Musique de table : Thierry de Mey
Trio per Uno : Nebojsa Jovan Zivkovic et Sébastien Bertaud.
Soi-Atman : Sébastien Escobar et Bruno Bouché.
Music for Pieces of Wood: Steve Reich et Bruno Bouché.
Clapping music : Steve Reich
Musiciens : Christine Lagniel, Jean-Baptiste Leclère, Damien Petitjean, Tsuey Ying Taï, Christophe Vella.
Danseurs : Amandine Albisson, Aurélia Bellet, Audric Bézard, Bruno Bouché, Vincent Chaillet, Adrien Couvez, Alexandre Gasse, Aurélien Houette.
Il avait fallu attendre un tweet de Sébastien Bertaud pour que les balletomanes se penchent sur cette soirée cachée classée dans la catégorie concert/récital à l'Opéra. Un concert de percussions ne rentrait pas dans ma programmation de l'année à Garnier et j'ai finalement eu bien tort de ne pas le repérer avant. Si j'y allais comme bon nombre d'entre nous pour découvrir les chorégraphies de Bertaud et Bouché, je leur ai finalement préféré la musique, illustrée certes par de jolie œuvres dansées.
La première œuvre Table Music se présente de façon étonnante, une femme et deux hommes derrière un bureau. Ils commencent à frotter puis frapper une boite, et les sons commencent à sortir. Leurs mains et cette boite sonorisée sont leurs instruments. Étonnante d'abord, la musique qu'on perçoit devient rapidement entrainante. Leurs gestes commencent à ressembler à ceux de dactylo tapant sur une machine, triant et découpant des feuilles et recommençant inlassablement. Ces minutes relèvent autant de la musique que du spectacle vivant, c’est innovant et amusant !
C’est ensuite le moment le plus attendu et réussi de la soirée, la création de Sébastien Bertaud sur une musique de Zivkovic. Trois mouvements, trois groupes d’instruments, trois musiciens et trois danseurs. Le premier mouvement est violent, Bézard et Chaillet en boxers [certaines dans la salle n’ont pas survécu] semblent s’affronter. Au début, ils dansent l’un avec l’autre, répondant à leurs mouvements respectifs, puis chacun sort du carré de lumière et danse indépendamment de l’autre. Ils finissent par se retrouver, comme un miroir, une réconciliation.
Le deuxième mouvement arrive avec la charmante Amandine Albisson, qui sur une partition beaucoup plus légére et aigue apporte de la douceur dans ce monde de brut. Un premier solo sur un fil, puis elle danse avec l’un et l’autre de ses camarades. Bertaud dit avoir choisi ses danseurs pour leur complémentarité entre langage classique et force contemporaine. Il n’aurait pas pu mieux choisir, chaque mouvement est gracieux. La pièce s’achève sur de fort jolies musiques d’instruments comme des xylophones, qui sont tout à fait adaptés au monde chorégraphique.
Après un entracte où je réalise que le parterre est composé de Gilbert, Martinez, Cozette, Paul, Lefèvre, Hilaire, nous retrouvons un chorégraphe plus habitué en Bruno Bouché. Ici, impossible de ne pas penser à Béjart. Quatre emplacements de tambours ou autres instruments sont placés géométriquement sur la scène. Aurélia Bellet une fois entrée sera la Musique, la Symphonie qui relie ces quatre musiciens entre eux. Après quelques instants de percussions plutôt classiques, deux musiciens s’approchent du fond de la salle d’où un panneau monte, dévoilant alors un grand récipient d’eau. Ils y plongeront des gongs après les avoir frappés, arrivant ainsi à des sonorités étonnantes. Une belle découverte musicale, même si la chorégraphie m’a paru un peu en retrait. Je suis trop occupé à regarder chacun des musiciens plutôt que de contempler sa gestuelle qui se traine d’un bout à l’autre de la scène.
La dernière pièce dansée est sur une musique de Steve Reich que j’apprécie beaucoup depuis le Rain de Keersmaeker. Les musiciens tapent le rythme sur des claves sur l’espace scénique, ils ne sont pas placés sur le côté mais intégrés au processus même du spectacle. Chaque danseur est rattaché à un percussionniste qu’il suit, jolie symbolique. Puis les quatre danseurs se mettent à danser en cercle autour des cinq percussionnistes. Quelques mouvements plus tard et les cercles se sont inversés. Une percussionniste centrale, les danseurs puis un cercle de musiciens. Qui du musicien et du danseur entraine qui ? C’est la poule et l’œuf.
L’ultime morceau est le plus amusant, encore plus étonnant que le premier. Les danseurs, les musiciens et les chorégraphes avancent du fond de la scène en applaudissant. Le public commence à faire de même, sans vraiment comprendre. Et c’est en réalité une pièce de Reich. Les musiciens regardent attentivement la partition (à laquelle j’aimerais bien jeter un coup d’œil) et les danseurs les suivent, dans une très bonne ambiance. Le rythme est répétitif et entrainant, finissant ainsi de bonne humeur cette sympathique soirée !