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Channel: La Loge d'Aymeric
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Kontakthof de Pina Bausch

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Théâtre de la Ville
11 juin 2013
Tanztheater Wuppertal

 

Kontakthof ou la cour des contacts. Au fond du décor, il y a un théâtre. Est-il utile? Non, le rideau ne s'ouvrira pas, a une exception prés. Pourquoi regarder à travers le prisme d'un théâtre alors que finalement tout ce que l'on recherche se trouve dans la salle même. Et que cherchons-nous? Ce que Pina cherche souvent à nous montrer: les sentiments humains, le plus naturellement du monde mais pourtant sans donner d'expressions aux danseurs. Ou alors parfois cet étonnant sourire en coin que l'on voyait sur la chorégraphe.

Comme dans le Sacre, je suis émerveillé par le naturel de la compagnie. Ils ne sont ni beaux ni moches. Ils sont humains, endimanchés ici dans des robes et des costumes pour cet étrange bal. On oublie toute idéalisation de l'homme ou de la société. Les rapports sont francs, poussés à l’extrême et le public se sent engagé dans ces conflits perpétuels de la société.

Une vingtaine de danseurs commencent par se présenter, se mettre à nu pour indiquer l'absence de faux-semblant: visage, dents, seins, fesses. Les relations des couples se découpent, se recréent, s'améliorent ou empirent. Ils se caressent, s'embrassent, mais tout devient vite violent. Ils défilent et s'agressent calmement l'un l'autre. A chaque frappe, les autres assis sagement au fond applaudissent. Et ce jusqu’au moment où l'une frappe le sexe de l'autre, déclenchant alors une violente et animale opposition homme femme. Comme une absence de surmoi qui laisse libre à toutes les expressions physiques. Un court extrait de ce spectacle de trois heures qui s'écoule aussi vite (ou presque) que le Sacre.

La sexualité est évoquée, une danseuse demande des pièces dans la salle pour actionner un cheval de manège. Il est d'abord débranché, elle ne comprend pas, elle ne sait plus déclencher sa libido. La solitude, le commérage, les vieilles filles, l'hypocrisie de la galanterie. Ou encore les premiers amours: un homme et une femme assis sur des chaises se regardent en se déshabillant, gênés mais intrigués. Autour d'eux commence cette étonnante ronde des danseurs que les autres finiront par rejoindre. Chacun s'y épie, s'attire, se caresse sur un même rythme.

Alors qu'ils dansent de lentes valses, un homme prend les couples en photo, distribuant les clichés à quelques chanceux membres du public. Mais avant, c'est une histoire d'amour de chacun que nous entendons dans sa langue natale (français, anglais, allemand, espagnol, coréen...). Puis la musique s'arrête, nous découvrons un documentaire sur le développement de nouvelles espèces de canards dans un étang artificiel. Ou comment un nouveau milieu social se crée. On n’est pas loin du documentaire su la langouste de Mission Cléopâtre!

Le public n'hésite pas à rire, même lorsqu’il entend cette pauvre femme crier 'Darling' avec toutes les intonations possibles jusqu’aux pleurs. Tous les autres l'abandonnent alors, la regardant avec mépris et dédain.

Pina réussit a nous interloquer. Comme dans la version jeune (immortalisée dans le Tanzträume, film que je vous recommande), on est ému. Quel rôle jouons-nous dans cette ronde incessante? Celui qui abandonne, qui frappe, caresse, court après, déchire? Elle s'oppose à la séparation Tanz et Theater, réunissant les deux dans un spectacle déconcertant mais profondément humain.


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