A l'occasion de la huitième édition de Tous à l'Opéra, les salles lyriques parisiennes ouvraient leurs portes pour différentes activités. Je me suis rendu au concert de Philippe Jaroussky au Théâtre des Champs des Elysées.
Parrain de l'association, il donnait un récital avec différents partenaires: Julie Fuchs, Chantal Santon et Marie-Nicole Lemieux. Le programme a parcouru l'histoire de l'opéra, de Monteverdi à Bizet. Il a été très intéressant de voir l'évolution de la musique et de la diction sur plusieurs siècles.
Beaucoup de bonne humeur sur scène. L'idée étant d'attirer un public plutôt néophyte, les chanteurs ont commencé avec un certain formalisme (avec l'élégante Julie Fuchs, Zürich et Louboutin) pour les airs les plus anciens avant de s'amuser de plus en plus en arrivant au XIXème siècle.
Fuchs et Jaroussky commencent par le 'créateur de l'opéra' Monteverdi, avec un duo extrait de Poppea plutôt sérieux, mais finissant dans une ambiance plus tendre. C'est dans son air de lamentation de Didon (Purcell) que Fuchs m'a le plus impressionné avec des Remember me qui pourraient s'avérer larmoyants dans une version complète de cet opéra.
Jaroussky chante un air de Haendel (Rinaldo), son répertoire de prédilection, et quel plaisir de l'y entendre, il reflète toute la colorature et les variations de sa voix.
Il commence ensuite à s'amuser avec Chantal Santon dans les airs de Mozart. Santon passe de l'intrigante Vitellia à la (folle) furieuse Electre avant de finir à l'eau de rose dans l'air du couple niais de Titus. Une panoplie des rôles féminins chez Mozart, alors que Jaroussky complète avec un des airs les plus charmants de Mozart, celui de Cherubini. Ces rôles travestis (Sesto, Cherubini) pour lesquels j'avais pu entendre des femmes (d'Oustrac, Deshayes) prennent ici une certaine vraisemblance avec Jaroussky.
Le délire commence alors avec l'arrivée de Marie-Nicole Lemieux. Elle chante le grand air de Tancrède "Oh patria" en jouant la carte de la moquerie, vêtue d'une armure sur le torse et d'une épée. Jaroussky finira par s'interposer pour enlever ces déguisements. Lemieux se recoiffe et s'arrange alors devant la glace. Le plus fort est qu'elle réussit à continuer à chanter brillamment tout l'aria. Ils nous chantent également le duo des chats de Rossini en jouant aux chats sur tout le plateau.
Jaroussky s'est d'ailleurs entre temps glissé au milieu des musiciens avec un tambour pour l'ouverture de La gazza ladra, joli revirement de carrière pour le contre-tenor!
Ils reviennent tous les deux pour les Fleurs de Lakmé (Delibes), plus sérieux, une jolie parenthèse plus calme qui finit en laissant tomber des fleurs sur le plateau pour annoncer la suite: Carmen. Après l'ouverture, l'air le plus connu "L'amour est un oiseau rebelle" qui rassemble les quatre chanteurs sur scène, qui jouent au jeu de la séduction.
Enfin, ils nous appellent à chanter le choeur des hébreux de Nabucco, comme jadis les Italiens à l'enterrement de Verdi et comme ont presque failli faire tous les Italiens depuis la réunification. Le public est un peu timide et se lance au début avant de laisser la place aux chanteurs, qui finissent par recevoir une grande ovation bien méritée.
Violon: Geneviève Laurenceau; Elise Thibaut; Alto: Adrien La Marca; Violoncelle: Christian-Pierre La Marca; Piano: Jérôme Ducros; Clavecin: Yoko Nakamura