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Pelléas et Mélisande

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21 février, Opéra Comique

 

Ma première rencontre avec Pelléas et Mélisande, c'est dans Proust, Mme Cambremer parle d’un voyage à Paris « on donnait Pelléas et Mélisande, c’était affreux, » et c’est de la création Salle Favart dont elle parle. En réalité, Proust avait une réelle admiration pour l’œuvre de Maeterlinck et Debussy.

 

L'œuvre touche le spectateur comme quelque chose de cristallin. Tout y est fragile, symboliste et exquis. La direction de Langrée réussit à sortir de la partition cet aspect parfait qui porte le chant, l'oeuvre et le drame. Entre autres, la sensualité de l’œuvre ressort particulièrement.

 

Il semblerait que Debussy ait choisi de revenir vers son œuvre quelques années après sa création pour combler les intervalles entre les scènes par des instants musicaux, et heureusement que Langrée nous offre ces concerts, car les changements sont parfois bien longs. Ces espacements sont partie intégrante de l'œuvre (allongés d'ailleurs par quelques problèmes techniques sur le plateau) et accentuent ses traits principaux: le temps qui s'écoule très lentement, l'ennui, le vide et la mort du royaume d'Allomond.

 

L'intrigue relève presque d'un mythe originel à la Wagner: un vieux roi mourant mais qui ne meurt pas, ses deux fils réellement mourants, les deux petits fils, en réalité demi frère par la même-mère, qui ne s'entendent pas. Golaud a été marié mais est maintenant veuf et a trouvé Mélisande, une princesse en fuite, dans une forêt du royaume. Pelléas semble être le seul à ne pas s'ennuyer à mourir dans ce château au pied duquel les paysans viennent mourir. Geneviève, leur mère à tous les deux, est aussi une étrangère qui s'est habitué à ne pas voir le soleil bien souvent, à cette obscurité, à cette violence de la Terre et de la Mer. Elle voit donc dans Mélisande une sœur, une descendante qu’elle peut préparer.

 

Ainsi, Golaud est superbe dans ce rôle d'Abel, le mauvais frère calculateur, qui renie presque son fils, tue son frère, par amour pour Mélisande. Dans la première scène, il semble attachant, comme dans la dernière, où l'émotion est peut être la plus forte. Il ne sait juste pas comment faire, il est rongé par le doute. Laurent Alvaro a les capacités de tenir superbement ce rôle, c'est-à-dire comme une sorte de loser déprimé qui ne sait faire que le mal. Arkel est également superbe, un de ces rôles patriarcales, de roi, de spectre, mais qui ici à l'inverse des Godounov et autres, est pourtant bienveillant. Il semble donc presque s'excuser de vivre encore et entoure ce qui reste de sa famille de ses conseils. Je regrette de ne pas entendre plus Sylvie Brunet en Geneviève, qui a donné de beaux moments.

 

Du couple principal, je retiens surtout Karen Vourc’h en Mélisande, qui réussit à paraitre telle que j'imaginais le rôle, une femme moderne, rousse, les longs cheveux. Elle est le reflet du spectateur dans la pièce, elle se sent aussi perdue et dérangée que nous dans cette atmosphère lugubre et fermée. Le Pelléas de Philip Addis a notamment le mérite de paraitre vraisemblable, un jeune premier heureux (ou au moins plus heureux que la moyenne de la population d'Allomond), amoureux et naturel. Sa voix de ténor a les variations et la couleur nécessaires pour nous émouvoir. Si je n’avais pas été aussi fatigué, j’aurais bien fondu en larmes.

 

Braunschweig nous offre une mise en scène sobre, qui implante l'œuvre dans ce qu'on attend tout à fait d'elle. Cette pièce qui me paraissait un peu vieillie gagne ici en modernité, sans choquer, tant cela parait évident. Des habits simples pour chacun, un décor qui oscille entre le huis clos du château avec ses stores qui s'ouvrent parfois timidement. La lumière entre de temps à autres suivant les stagnations dramatiques. Sinon, en dehors, les scènes se situent sur un plateau dangereusement en pente, avec tantôt une fontaine miraculeuse qui a perdu ses pouvoirs, tantôt un phare qui rappelle la falaise. Tout y est simple (et diablement plus sobre que La Fanciulla le soir précédent à Bastille) et bien efficace, on ne s'insurge pas et on ne s'endort pas. Seule la mélodie nous porte parfois dans l'enchantement d'Allomond, monde qui, comme celui de Parsifal, semble voué à la mort et à la famine, en attendant un chevalier qui, ici, n'arrivera sans doute jamais.

Pelléas et Mélisande

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