Titre : Le Nain/ L’Enfant et les Sortilèges
Date : 11 février 2013
Lieu : Palais Garnier
Direction musicale : Paul Daniel ; mise en scène : Richard Jones et Anthony Mcdonald
Le Nain : Donna Clara : Nicola Beller Carbone ; Ghita : Béatrice Uria-Monzon ; Don Estoban : Vincent Le Texier ; Der Zwerg : Charles Workman.
L’Enfant et les Sortilèges : L’enfant : Gaëlle Méchaly ; Maman/Tasse chinoise/Libellule : Cornelia Oncioiu.
Alors que la Tétralogie commence à Bastille, Garnier choisit la page de l’originalité avec Le Nain accompagné de L’Enfant et les Sortilèges, deux œuvres qui ne parlent pas forcément au grand public mais qui montrent quand même un désir de cultiver le répertoire de l’opéra. Certes les mises en scène semblent un peu vieilles, datant pourtant seulement de 1998. La découverte de ces œuvres a été un grand plaisir, mais l’ensemble n’a pas contribué à une super soirée.
Le Nain est l'histoire affreuse de l’anniversaire des dix-huit ans d’une princesse espagnole qui casse ses jouets. Alors que les rois d’Europe lui ont envoyé les plus somptueux cadeaux, le Sultan lui a envoyé un nain. Rien de bien étonnant pour une infante d’être accompagnée de nains (entre Velasquez et La Folie des Grandeurs, les exemples se multiplient), mais celui-ci est bien spécial. Il ne connait pas son extrême laideur, et pense que les gens s’amusent de son esprit et de ses traits d’humour. La princesse feint alors de l’aimer, lui offre une rose blanche et danse avec lui (comme le répète le nain en chantant pendant toute la dernière scène de l’opéra). Elle demande ensuite capricieusement à sa gouvernante de faire comprendre sa laideur au bonhomme. La pauvre femme ne réussit pas et le nain finit par réaliser lui-même, s’effondrant aux pieds de l’ingrate princesse.
Une histoire donc bien terrible, et l’émotion se ressent dans cette musique de Zemlinsky que j’ai bien du mal à qualifier, y trouvant des ressemblances avec Strauss ou même Prokofiev. Une partition très dense et remplie, qui fait plus qu’accompagner l’œuvre mais joue un rôle parallèle en accentuant chaque déroulement. Une musique qui m’a donc enchanté, pas forcément comme tous les chanteurs.
C’est bien dommage d’ailleurs, si le chanteur du nain avait été bien, cela aurait évidemment enchanté ma soirée. Mais Workman chante sur une tangente légèrement dangereuse, oscillant entre le correct, voire le bon, et un niveau clairement non suffisant. Il semble manquer de souffle et de régularité lors de son monologue sur scène. Les bonnes impressions viennent des deux femmes. Donna Clara la superbe et digne peste, qui malgré ses dix huit ans reste aussi bête que lors de ses dix ans. Sa voix m’a vraiment plu, son soprano rime avec son enfance. Mais ma meilleure impression est venue du personnage de Ghita, autant pour la dramaturgie que pour les qualités vocales. Son personnage est le seul à évoluer, développant une affection pour le nain.
Mais dans l’ensemble, la mise en scène fait vraiment datée. Les couleurs rappellent de vieux films kitschs des années 80, et je ne m’étends pas sur la forêt d’asperges en arrière fond, ni d’ailleurs sur le fait que le miroir du nain soit installé par les femmes de chambre de la princesse. La dernière scène cependant, où Ghita tient le pantin du Nain serré dans ses mains et semble au bord des larmes alors que la Princesse dans sa grande robe à la madrilène décide de retourner danser pendant que le nain meurt, seine weisse Rose dans les mains.
Les sales enfants continuent avec Ravel, dans un tout autre univers, celui de Colette, où nous passons dans l’univers fantastique un peu à la Alice aux pays des merveilles. Un sale enfant casse tout dans le salon à musique lorsque sa maman lui demande de travailler. Il tombe et se relève avec une taille lilliputienne. La personnification de la bergère et du fauteuil commencent alors à s’énerver contre l’enfant qui les frappait avec ses talons. Les objets se succèdent : l’horloge, la théière et la tasse chinoise, le feu de la cheminée, le chat et sa compagne. Un très beau moment de chœur où des pastourelles ou des pasteurs de papier peint se disent adieux, séparés par une déchirure que l’enfant a causée. Puis c’est la princesse du livre qu’il a déchiré qui apparait en deux parties, la tête et le buste d’une part, le bas d’un autre côté, elle se meurt alors que l'enfant aurait pu être son prince. Il atterrit également dans une salle d’arithmétique avec un professeur tyrannique et une chorale d’élèves. La dernière partie dans le jardin m’a paru moins féérique, avec les racines, les libellules, l’écureuil et les grenouilles. Une fois qu’il a pansé la patte de l’écureuil, tous les objets et animaux ne le détestent plus et appellent sa maman. L’enfant finit par se réveiller et se mettre au travail dans les bras de sa maman.
Comme dans l’Amour des trois oranges de Prokofiev, ce conte m’a ramené en enfance et j’étais ravi de ce spectacle. La musique, très ravel-ienne, accompagne très bien cette fantaisie servie par des chanteurs de très bons niveaux aux voix pour la plupart aigues et claires. J’aime de plus en plus le chant français, et celui-ci a réussi à me paraître naturel. La mise en scène minime n’est pas extraordinaire mais très correcte, ornée de toiles qui ornent toute la scène ou sinon carrément sans décors, comme dans le jardin.
Les enfants terribles ont donc assailli Garnier, sans trop faire de ravages mais en me distrayant bien.