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Channel: La Loge d'Aymeric
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Les Ballets Russes à Garnier

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Opéra Garnier
27 mai 2013
Direction musicale : Vello Pahn
Oiseau de Feu (Stravinsky/Bejart) : Florian Magnenet et Jérémy-Loup Quer
L’Après-midi d’un Faune (Debussy/Nijinski) :Jérémie Bélingard et Eve Grinsztajn
Afternoon of a Faun (Debussy/Robbins) : Matthias Heymann et Myriam Ould-Braham
Boléro (Ravel/Cherkaoui et Jalet) : Aurélie Dupont, Marie-Agnès Gillot, Alice Renavand, Muriel Zusperreguy, Letizia Galoni, James O’Hara, Vincent Chaillet, Marc Moreau, Alexandre Gasse, Daniel Stokes et Adrien Couvez

 

 

Cent ans après le scandale du Sacre du Printemps, l'Opera rend hommage à la fameuse compagnie des Ballets Russes en proposant un programme varié sur trois pièces et les différentes interprétations qui ont pu en être données.


Le meilleur rendu est indéniablement ce doublé de Faune, la version originale de Nijinski avec celle de Robbins: comment un chorégraphe moderne réussit-il à s'approprier une pièce si connue? Robbins nous livre une œuvre qui rend hommage à l'originale, mais en lui donnant une toute autre approche, la mise en abyme du danseur.

Quand Heymann se réveille de son sommeil et commence à regarder le public qui lui sert de miroir, il ne se regarde pas lui en tant que personne, mais plutôt en tant que danseur. Son regard n'est pas celui d'une personne assurée et narcissique, mais plutôt d’un danseur apeuré et stressé, obsédé par son travail. Finalement, on n'est pas bien loin des Chaussons Rouges et de Black Swan.

Et quand la délicieuse Ould Braham entre dans la salle, il voit en elle une rivale et décide de sortir. Mais elle est bien attirante, et pour une fois Heymann pense a autre chose. Pendant dix minutes, c'est la longue hésitation. Ils dansent ensemble, toujours en regardant le public, ils réalisent qu'ensemble ils dansent bien, même mieux. Les longues jambes d’Ould-Braham se déplient, portées par un Heymann toujours aussi présent sur scène. Puis un instant enfin, ils se regardent l'un après l'autre, s'embrassent. Mais l'art doit primer et telle une nymphe Myriam finit par s'en aller, laissant Mathias se rendormir à terre, ayant rêvé un instant de mêler sa passion à de l'amour.

Avant Robbins, Grinsztajn et Bélingard nous ont présenté l'original de Nijinski, celui la même qui avait choqué le Tout Paris au Théâtre du Chatelet en 1912. Et Bélingard se remet tout à fait dans la peau de Nijinski, jouant à fond l'animal pervers et lubrique. Son regard est direct et parle pour lui, son râle de fin résume à lui seul sa prestation. Ses gestes rappellent les vases grecs de l'époque géométrique que le chorégraphe avait vu au Louvre, marchant le torse en avant mais les jambes et la tête sur le côté.

Grinsztajn reste comme toujours altière et impériale et semble à la fois offusquée et attirée par cette étrange bête. Elle semble un instant sombrer dans les bras du Faune, mais finit par partir, lui laissant cependant un châle en guise de souvenir. Une prestation qui relève autant de la danse que du théâtre.

Si ce doublé nous montre le succès de la reprise du Faune, la dernière pièce nous montre les limites des réécritures.

Grand fan de Lelouch, j'ai eu les images du Boléro de Béjart sur la place du Trocadéro bien longtemps avant de m’intéresser à la danse. La partition et la chorégraphie sont pour moi indissociables. Est ce donc la nouvelle chorégraphie qui m’a ennuyé ou suis je trop influencé?

Les éléments étaient pourtant rassemblés et très (trop?) VIP: le duo de chorégraphes à la mode, THE scénographe Abramovic, le designer fashion Riccardo Tisci. Mais il y avait surtout l'ombre Béjart-ienne que j'ai vu flotter tel le fantôme de l'Opera sur la scène de Garnier.

J'ai trouvé la scénographie et surtout les lumières très séduisantes, avec ce grand miroir incliné, ses lumières qui dessinaient des vortex un peu angoissants. Les costumes y sont très biens, même s'ils m’avaient effrayé en photo, ils s'adaptent tout à fait au contexte une fois sur scène.

Je retrouve les éléments de Béjart ici démultipliés et inversés, les cercles de danseurs sont vides et répandus sur la scène, à l'exception du début et de la fin ou les danseurs sont tous rassemblés autour d'une figure phare. Comme s'il n'y avait pas eu d'évolution drastique, à l'exception des capes qui ont tournoyé pendant que les danseurs les enlevaient. Où est le climax que la musique semble appeler? Si ce spectacle m’a certes plu d’un point de vue esthétique, je n’ai pas ressenti de forts sentiments.

Enfin, la soirée a ouvert avec une reprise de l'Oiseau de Feu de Béjart, un ballet qui choisit de ne reprendre que la partition et non pas la trame narrative. Les danseurs habillés simplement dansent en groupe tout d'un coup éclairé par une étrange lumière rouge qui les attire. Lorsque soudain, Magnenet sort du lot, et affiche un costume à la Béjart comme celui d'Arepo. Du leader révolutionnaire qui rejoint sa troupe d'oiseaux voilant et entrainant ses anciens camarades, je ne vois pas grand chose. Magnenet n'est pas du tout dans le bon esprit de Béjart, sa danse est trop française, trop pointilleuse. Mais l'œuvre reste un joli spectacle que j'ai apprécié.


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