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Channel: La Loge d'Aymeric
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Paul Taylor au Lincoln Center

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David H Koch Theater 14 mars 2013 Le Sacre du Printemps (Rehearsal), Last Look et EsplanadePaul Taylor Dance Company Alors que je suis en séjour à New York, la seule compagnie de danse alors en résidence est la Paul Taylor Dance Company. Je l'avais déjà "vue" à Chaillot lors de la dernière[...]

De longues intrigues espagnoles au Met

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Don Carlo, Verdi Metropolitan Opera 16 mars 2013 Direction musicale: Lorin Maazel; Mise en scène: Nicholas Hytner; Don Carlo: Ramon Vargas; Elisabeth de Valois: Barbara Frittoli; Un Moine: Miklos Sebestyen; Rodrigo: Dmitri Hvorostovsky; Philippe II: Ferruccio Furlanetto; Princesse d’Eboli: Anna[...]

Otello, un très bon Verdi au Met

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Metropolitan Opera 20 mars 2013 Direction musicale: Alain Altinoglu; Mise en scène: Elijah Moshinsky; Montano : Stephen Gaertner; Cassio: Alexey Dolgov; Iago: Thomas Hampson; Roderigo: Eduardo Valdes; Otello: José Cura; Desdemona: Krassimira Stoyanova; Emilia: Jennifer Johnson Cano Quelle belle[...]

Nomination d'Eleonora Abbagnato

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Palais Garnier 27 mars 2013 Mon calendrier du mois de mars était très chargé, aussi n'avais-je que la soirée du jeudi 28 au programme pour Roland Petit. Mais le vent tourne et depuis mardi passe une rumeur de nomination d'étoile. Comment? Qui? Finalement on arrive finalement à cerner la belle[...]

Soirée(s) Roland Petit

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Palais Garnier 27 mars 2013 Carmen Carmen : Eleonora Abbagnato ; Don José : Nicolas Le Riche ; Escamillo : Audric Bézard ; Les Brigands : Valentine Colasante, François Alu et Mathieu Botto 28 mars 2013 Le Rendez-vous La plus belle fille du monde : Eleonora Abbagnato ; Le Jeune Homme : Nicolas[...]

Soirée avec Antonacci à Favart

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Il Segreto di Susanna: Wolf-Ferrari La Voix Humaine: Francis Poulenc Opéra Comique 29 mars 2013 Direction musicale : Pascal Rophé et l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg ; Mise en scène : Ludovic Lagarde ; Contessa Susanna-Elle : Anna Caterina Antonacci ; Conte Gil : Vittorio Prato ; Sante[...]

Il Diluvio Universale, Falvetti

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3 avril 2013 Opéra Comique Direction musicale : Leonardo Garcia Alarcon et Cappella Mediterranea ; Noé : Fernando Guimaraes ; Rad : Mariana Flores ; Justice divine : Evelyn Ramirez ; La Mort : Fabian Schofrin ; L’Eau : Magali Arnault Stanczak ; L’Air et la Nature Humaine : Caroline Weynants ;[...]

Prix Martin à l'Odéon

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Théâtre de l'Odéon 7 avril 2013 Mise en scène: Peter Stein; Pionceux: Jean-Damien Barbin; Mme Bartavelle: Rosa Bursztein; M. Bartavelle: Julien Campani; Martinez: Pedro Casablanc; Loïsa: Christine Citti; Groosback: Manon Combes; Le Docteur: Dimitri Radochevitch; Agénor Montgommier: Laurent[...]

Troisième symphonie de Mahler, John Neumeier

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9 avril 2013 Opéra Bastille Direction musicale : Simon Hewett ; Karl Paquette, Isabelle Ciaravola, Eleonora Abbagnato, Stéphane Bullion, Florian Magnenet, Mathias Heymann, Alessio Carbone, Christophe Duquenne, Nolwenn Daniel, Mélanie Hurel, Laura Hecquet Œuvre tout aussi titanesque pour le[...]

Le Ballet Preljocaj à Garnier, entre hélices et divinités.

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Musiques de Karlheinz Stockhausen. Chorégraphies : Angelin Preljocaj. Virginie Caussin, Lorena O’Neill, Nagisa Shirai, Sergio Diaz, Jean-Charles Jousni, Julien Thibault, Gaëlle Chapaz, Natacha Grimaud, Yurie Tsugawa, Sergi Amoros Aparicio, Marius Delcourt, Fran Sanchez.


Preljocaj est un chorégraphe que j'apprécie beaucoup, notamment car il représente un grand nom de la danse française à l’international. Mes avis sont variés quant à ses œuvres. Sa Blanche Neige avait été mon deuxième ballet, m'avait beaucoup impressionné. Siddharta pour le ballet de l'Opéra avait été pour moi une autre bonne soirée. Annonciation m’avait laissé des impressions très partagées. Mais alors que retenir d'Empty Moves? Et l'ensemble de sa pièce sur l'apocalypse, Suivront mille ans de calme, ne tenait pas totalement la route.

Helikopter m'a assommé par sa musique, son visuel et son propos inexistant. Eldorado en comparaison était bien bien meilleur, au moins regardable, et avec un propos que j'ai trouvé un peu traditionnel mais qui a le mérite d'exister.

La musique de Stockhausen pour Helikopter vient d'un rêve du compositeur où il vit des musiciens portés par des hélicoptères. Ca commence bien. La musique se compose donc de bruit d'hélicoptère, du décollage à l’atterrissage et de bruit de sirènes. De temps à autre, une voix compte en allemand. 40 minutes qui font bien mal aux oreilles. Je m'attendais néanmoins à bien pire et ai réussi à survivre. Le silence qui suit paraît bien doux.

Le visuel est également horripilant. Tout se déroule sous les pieds des danseurs. Une image d'hélice qui tourne de plus en plus vite, puis des rayons de lumière qui avancent parallèlement et sont perturbées par les gestes des danseurs qui laissent alors des vagues de lumière à leur pieds. Enfin, le comble lorsque nous entrons dans la Matrice et que des colonnes de chiffres défilent en vert.

http://im.ft-static.com/content/images/b60e1bfe-2a1d-40f2-bd64-54065f57186f.imgEnfin, je ne pense pas avoir jamais aussi peu compris une pièce dansée. Le message se résumerait il à une critique de notre vie en non stop? La voix qui compte arrive péniblement à treize quelque fois. Des hélicoptères qui tournent sans arrêt, seuls, sans regarder les autres. La critique de la mondialisation et de l’hyperactivité, c’est un peu vieillot et fatigant. Ou alors je me trompe totalement et cela se résumait à de la danse pour de la danse. Mais dans ce cas là, et malgré la qualité des danseurs qui me paraissent bien plus humains, je n'ai pas su comprendre. Le corps décomposé, porté par les autres, comme s’il y avait une mécanique de l’anatomie proche de celle des hélicoptères, je ne suis pas très fan. S’il faut forcément acheter le programme pour comprendre un peu une pièce, cela fait bien cher la soirée. La fin souhaitée arrive rapidement sous un unique sifflement et des applaudissements un peu maigres.

S'ensuit Eldorado, tout nouveau genre. La musique met un peu de temps à démarrer après un prélude silencieux où chaque duo se succède.

La scène se passe donc dans une sorte de temple, chaque statue reste figée devant sa stèle qui s'illumine. Quelques divinités esquissent quelques pas, des duos féminins ou masculins. Le tout dans un silence d'or (enfin, accompagné des eternels éternuements et toux du public). Puis la musique apparaît. Les groupes grossissent, prennent de l'espace, de l'énergie, commencent à timidement se mélanger, mais chacun reste bien loin des autres. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

http://www.operadeparis.fr/resources/1213/accueil/Une_Preljocaj.jpgMais l'équilibre de cette cité idéale ne tient pas, ou pas toujours. Un groupe d'hommes et de femmes le brise soudain, et le premier contact entre les sexes est fait. Violence, passion, amour pour quelques instants. Puis les hommes disparaissent. Les femmes retournent alors à leurs stèles, mais ne peuvent tenir de façon aussi hiératique qu'auparavant, elles semblent dominées et dépendantes des hommes. Ces derniers reviennent revitalisés et indifférents aux sorts des femmes. Après une sorte d'orgie, les femmes prennent soudain le pouvoir. Chaque geste de femme, doux puis plus violent se répercute par un mouvement de l'homme. Après quelques pas entre les groupes maintenant aux pouvoirs plus équilibrés. Puis chacun se replace devant sa stèle, enfin droit. Et la lumière s'éteint. Le cycle est terminé. Pour maintenant.

A noter toujours une excellence des danseurs, notamment ce pas de deux final entre les deux femmes. Mais chaque moment avec l'ensemble des danseurs est joli, la danse est fluide et naturelle. J’aime beaucoup ces va et vient des danseurs qui entrent et sortent de la scène tout simplement. Le fait de ne pas avoir forcément des danseuses filiformes rend la pièce décidément plus humaine.

La musique semble ici bien douce comparée à Helikopter, mais semble bien assommante quand même, cette fois ci par sa monotonie. Cette idée de cycle de vie sexuelle plus libérée à un instant donné, avant le retour de chacun à sa place originel, avec une musique qui insiste sur la constance de tels événements, cela me donne un peu le cafard quand même. Finalement cela a un petit côté 1984.

Ces deux pièces m’ont peut être bien semblé un peu vieillies, pour la musique certainement, moins pour la chorégraphie. Je sors de Garnier sans savoir si je suis déçu, interloqué ou satisfait.

La Khovantchina, un grand tableau russe à Bastille

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Direction musicale: Michail Jurowski; mise en scène: Andrei Serban; Ivan Khovanski: Gleb Nikolsky; Andrei Khovanski: Vladimir Galouzine; Golitsine: Vsevolod Grivnov: Chakloviti: Sergey Murzaev; Dosifei: Orlin Anastassov; Marfa: Larissa Diadkova; Emma: Natalyia Tymchenko

 

Après la longue série Don Quichotte, premier opéra à Bastille de la saison. Je reçois quelques heures plus tôt un mail me proposant des invitations pour la générale de La Khovantchina. Sans réfléchir je dis tout de suite oui. Mais qu'est ce que je connais de cet opéra? Rien finalement. Et c'est bien dangereux d'y arriver les mains dans les poches!

Khovantchina, c'est Moussorgski, comme Boris Godounov, deux opéras monuments, glorieux, deux grandes fresques grandioses sur la Russie et son histoire. Il faut en mettre plein la vue du spectateur, l'émerveiller, voire même l'écraser de prestance.

Coup réussi donc. Si je reste complètement ignare face à l'histoire jusqu'à l'achat du programme (et encore) au bout de deux entractes, je me laisse sans souci entrainer par cette œuvre. Il est vrai qu'en relisant l'histoire de façon bien plus approfondie par la suite je comprends beaucoup mieux l'ensemble de l’opéra. Pour les futurs spectateurs donc, attention!

Le mot Khovantchina désigne une révolte mené par le clan des Khovanski à Moscou appuyée par les mousquetaires (les streltsy), sur fond de guerre de succession entre Pierre le Grand et son demi-frère Ivan, tous deux mineurs et sous le joug de la sœur d'Ivan, Sophie. Rajoutez y le point le plus important, le conflit entre les Vieux-Croyants et l'Église orthodoxe officielle, ce que l'on appelle communément le Raskol, ou schisme. Vous êtes déjà perdus? Trouvez-vous une bonne encyclopédie de l'histoire de la Russie.

Mais à quoi mènent ces differents conflits? Comme grand nombre de périodes de trouble, ils entrainent un changement d'ère et d'époque. Ici c'est le passage de la Russie toujours féodale, qui n'a presque pas connu la Renaissance et s'est peu tournée vers l'Europe occidentale, vers la Russie moderne menée par Pierre le Grand. Celui-ci diminua considérablement le pouvoir des boyards, ces chevaliers trop puissants qui remettaient en cause le pouvoir du tsar, et soutint les changements religieux qui modernisaient l'héritage byzantin.

C'est donc bien une fresque historique importante qui s'offre à nous (même si Moussorgski n'est pas tout à fait fidèle à la réalité historique). Ainsi chaque personnage y joue son rôle, sans pour autant que se dégage un personnage principal. Et c'est un des points forts de cet opéra. Aucun personnage n'est suffisamment présent pour qu'on puisse totalement s'y attacher. Ils représentent chacun un cliché: la nonne amoureuse et illuminée, le jeune prince volage avec son père despotique. Marfa seule ferait éventuellement figure d'exception pour attirer la compassion du spectacteur, s'il n'y avait pas Emma, la jeune allemande qui apporte un peu de pathos face à cette nonne assez frigide.

Ainsi, c'est surtout de l'émerveillement devant un tel tableau qui me frappe. Les chœurs sont puissants, comme nous pouvons imaginer les chœurs russes. Ils façonnent la pièce, formant tantôt des masses incontrôlables de la plèbe moscovite, tantôt une compagnie de soldats ivres, enfin des moines convaincus du bien fondé de leur foi.

http://www.operadeparis.fr/htdocs/projects/onp/0910/resize/index.php/video_mini925_587.jpg?width=587&height=330&image=/resources/1213/video/khovantchina.jpg

La mise en scène n’est pas toujours à la hauteur. La première scène se passe au pied du Kremlin, mais j’ai l’impression de voir l’envers du décor devant ce mur en béton qui cache, au loin, les sommets des églises et palais de la forteresse. Cela donne certes davantage une idée de conspiration, d’esprit de complot. Mais cette scène est vite rattrapée par la beauté et le raffinement des costumes : les Khovanski sortis tout droit des peintures russes ou encore Emma sortie d’un tableau de Vermeer.


La deuxième scène dans la maison du ridicule prince Galitzine est très paradoxale. Le personnage du prince est tout bonnement ridicule. Face aux deux princes Khovanski, plein de la noblesse russe des boyards, ce prince qui respire l’occidentalisation avec son manteau vert, ses mouchoirs et ses coquetteries est bien ridicule ! Mais son duo avec Ivan Khovanski puis le trio avec Dosifei le leader des Vieux-Croyants sont parmi les meilleurs moments de la soirée, un conflit entre trois grandes voix, d’une profondeur étonnante. Le décor ne me convainc pas tout à fait : un mur brisé au milieu, un tableau de la tsarevna Sophie se trouvant à l’endroit de la fissure, comme si elle était l’unique responsable de la déchéance à venir du Prince, sert de fond.


Lors de cette scène, Marfa vient annoncer à Galitzine qu’elle voit dans le futur sa fin prochaine comme homme influent. Par la suite, la même Marfa se battra pour récupérer l’homme qu’elle aime. Le personnage de Marfa est donc bien le plus étrange de la pièce. L’aristocrate, maîtresse d’un prince, qui se fait nonne, mais parle avec les morts pour connaître l’avenir et finit par s’immoler dans le feu pour défendre sa foi. Un personnage emblématique et complexe qui pourrait être étudié longtemps. Tout comme Dosifei qui la protège, peut être trop, allant jusqu'à renvoyer une nonne qui la traite de sorcière.


http://www.nouveau-paris-ile-de-france.fr/fichiers/fckeditor/Image/3769/fr/event/original/spectacles-musicaux-la-khovantchina-opera-bastille-paris_2.jpgPassée la scène d’ivrognes des streltsy avec leurs femmes essayant de les raisonner, nous arrivons dans l’écarlate palais d’Ivan Khovanski, sublime de couleurs, de force et de danses persanes. Il y vit tel un pacha entouré de servantes qui l’acclament, de femmes soldats et d’esclaves orientales qui dansent pour lui. Tel un coq enivré par ses divertissements et finit par mourir en ayant refusé de prendre la menace de mort au sérieux.


Cette grande fresque nous apporte certains visuels très forts. Ainsi dans le premier acte, l’arrivée des moines lors du rassemblement des Moscovites autour du prince Khovanski (le cygne blanc qui horrifierait Noureev) rassemble une bonne centaine de personnes sur la scène de Bastille (qui parait ainsi pour la première fois presque étroite) dans des costumes étincelants et étudiés.


Mais l’image qui me marque le plus est dans les ultimes moments de l’opéra, quand les streltsy vont mourir et apporte chacun un billot pour se faire décapiter. Une cinquantaine de soldats vêtus de rouge, effectuant le même geste d’agenouillement et demandant le pardon du tsar, c’est très impressionnant et cela devient enfin émouvant.


http://www.nouveau-paris-ile-de-france.fr/fichiers/fckeditor/Image/3769/fr/event/fiche/spectacles-musicaux-la-khovantchina-opera-bastille-paris_1.jpgC’est la même impression qui surgit lors de l’ultime scène quand les Vieux-Croyants s’immolent dans le feu. La forêt est représentée par de minces rectangles qui tombent des cintres jusqu’au sol, à travers lesquels les moines marchent et s’organisent lors de leurs ultimes prières, enlevant leurs soutanes noires pour apparaître en blanc lors de l’autodafé, dans la splendeur divine. Puis Marfa arrive avec Andrei Khovanski et allume le feu. Alors que les trompettes sonnent, tout le monde meurt petit à petit et Pierre le Grand surgit du devant de la scène et avance vers le fond au milieu des cadavres.


En dehors de la mise en scène qui reste dans l’ensemble bien classique, cette soirée a été couronnée par des artistes de grand talent. Diadkova (Marfa) et Anastassov (Dosifei) sont sans doute les deux voix qui ressortent le plus. Puis que dire de la profondeur vocale de Nikolsky, de la violence de Galouzine et de l’étrange douceur de Tymchenko ? Un cast entièrement russe qui brille. Le chœur de l’opéra, mené par Stefano, brille également comme il en a l’habitude, et les chants quasi-mystiques ressortent tout à fait de l’œuvre.


Reste le plus important : la superbe musique, mené avec brio par Jurowski. Il est d’ailleurs bien émouvant de le voir apparaitre sur scène avec sa canne. La partition est superbe, du début avec les tons de l’aurore jusqu’aux ultimes instants avec ces airs crépusculaires, une longue symphonie brillante, tantôt violente, tantôt mystique, mais toujours superbe. L’Orchestre de l’Opéra prouve son excellence.

 

David et Jonathas: Nouveau succès baroque pour les Arts Florissants au Comique!

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Direction musicale: William Christie; mise en scène: Andreas Homoki; David: Pascal Charbonneau; Jonathas: Ana Quintans; Saül: Arnaud Richard; Joabel: Kresimir Spicer; Achis: Frederic Caton; La Pythonisse: Dominique Visse; Samuel: Pierre Bessière. Choeur et orchestre des Arts Florissants.

Décidément les productions du Comique me plaisent de plus en plus et le répertoire baroque m'offre toujours de beaux moments. Malgré la neige, le public parisien s'est rendu en masse salle Favart, à tel point que le replacement est interdit..... Toute la première partie, je la passe donc debout tout en haut du paradis. Heureusement je me trouve une petite place à l'orchestre pour la suite. Mais même debout j'ai été complètement capté par cet opéra.

Aucun temps mort dans David et Jonathas, étonnant puisque l'action est assez faible. Tout s'est déjà passé ou se déroule en dehors de la scène. Finalement l'opéra est constitué de chants de gloire et de remerciement à David, de retrouvailles avec Jonathas, de folie de Saül, de mort de Jonathas, Saül et Joabel. La mise en scène rajoute entre chaque scène chantée, sur la musique qui devait originellement servir de support à des danses, des scènes de pantomime sur la vie de David et Jonathas enfants jouant ensemble sous l'oeil vigilant et méchant de Saül. Ceci introduisant le personnage de la mère de Jonathas, seule à pouvoir contrôler et pacifier son mari. Tout cela permet de donner plus de profondeur à chacun de ces personnages principaux, Saül, David et Jonathas.

http://s2.lemde.fr/image/2013/01/11/534x0/1816004_6_e9a2_david-et-jonathas-de-marc-antoine_7ad1bed154ed6ac369745d808cd741ab.jpgQuel est le thème de cet opéra? Faut il y voir un lien avec le conflit israëlo-palestinien? En effet la scène muette lors de l'ouverture semble montrer deux groupes ethniques qui s'opposent depuis chaque côté de la semaine. Mais le metteur en scène choisit ici de garder en effet deux communautés distinctes, l'une habillée de fez pour les hommes, de hijab pour les femmes, l'autre habillée comme des colons israéliens juifs.  Mais à l'exception de la première scène, puis la dernière, ces deux groupes ne forment qu'un unique choeur, comme relié grâce à l'amitié entre David et Jonathas.

"Amitié", mais quelle type d'amitié? Je vous laisse apprécier les différences de traduction des livres de Samuel qui portent sur cet épisode dans la Bible et qui opposent certains lettrés. Il faut garder à l'esprit que cette oeuvre a été écrite par Charpentier pour le collège jésuite Louis Le Grand, pour des représentations devant un public raffiné et cultivé. Il était donc évidemment inconcevable de réaliser une oeuvre portant sur un sujet homosexuel.

Mais ici néanmoins, au XXIe siècle, impossible de passer à côté de ce thème (en pleine polémique sur le mariage homosexuel, et surtout une semaine après la manifestation contre ce sujet). Si les termes d'amour et d'attachement ont pu évoluer depuis le XVIIIe, pour un spectateur actuel, impossible de se voiler la face. "Auprès de Jonathas, Seigneur, l'amour m'appelle"  dit David pour se libérer des Philistins. Le metteur en scène transforme alors les retrouvailles des deux amants comme une course poursuite pour se trouver seuls sans avoir le choeur avec eux. Dans la scène où ils se quittent avant la bataille, ils s'embrassent sur scène, ce qui déclenche d'ailleurs une réaction moqueuse de certains spectateurs.

http://www.festival-aix.com/sites/default/files/imagecache/zoom_media/DAVID1115-1000pxl.JPGPeu importe la réaction du public ou le choix du metteur en scène, c'est décidément très beau. Charbonneau a une voix très sensible tout en restant un guerrier aguerri, la soprano Quintans est douce, sans pourtant être féminine. On devine un homme en fin d'adolescence. Christie voulait initialement prendre deux hommes, mais il y avait un risque que le tenant du rôle de Jonathas mue entre temps. Et on y croit vraiment en voyant la soprano. Deux rôles très beaux, plein d'émotions dans la voix, en sentant bien que rien ne va aller comme il faut. Comme dans Roméo et Juliette, autre amour impossible entre deux familles ennemies, un seul instant de bonheur entre le retour de David et le conflit avec Saül. Un bref instant on croit au bonheur.


La mise en scène permet de ne créer aucun vide et aucune perte d'attention du public. L'opéra comique n'ayant pas de coulisses, il est facile pour l'oeil de s'aventurer. Ici, rien, toute la scène est couverte d'un drap noir tendu, et n'est visible qu'une boite en bois Ikea dont les murs et le plafond peuvent bouger, voire créer différentes salles ou asphyxier les personnages dans un tout petit espace. Ainsi de Jonathas pendant que Saül et David s'affrontent en dehors de la scène, conflit cornélien entre amour et devoir qui l'oppresse.

Un casting qui a su me convaincre (et que l'on comprend sans avoir besoin des surtitres, luxe rare) donc. Richard (Saül) a toute la profondeur du basse pour crier contre David et parfois la douceur du baryton pour son fils et lorsqu'il est tétanisé par la terrible et folle Pythie de Dominique Visse et le terrifiant et superbe Samuel de Pierre Bessière. Les autres seconds rôles ne déméritent pas, ainsi que le choeur des Arts Florissants qui impressionne comme toujours. Dans les derniers instants, quand le choeur reprend les mots de David "jamais amour plus fidele et plus tendre eut-il un sort plus malheureux", j'ai les larmes aux yeux.

http://www.opera-comique.com/wp-content/uploads/2012/09/David-et-Jonathas_BD4.gifLe tout embelli par la superbe direction de William Christie à la tête de son orchestre des Arts Florissants. Il a l'air bien sérieux, se retourne contre le public lorsqu'un monsieur tousse trop violemment. Les violons sont beaux, les vents parfois étonnants pour une oreille peu habituée. En tout cas la musique est limpide, passant du très joyeux et glorieux premier acte à des moments bien plus mélancoliques.

Un spectacle donc super, avec un baroque qui est à n'en pas douter toujours bien d'actualité!

Onéguine réussi et passionné à Londres

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Date : 25 Janvier 2013
Lieu : Royal Opera House
Direction musicale : Peter Manning ; Onéguine : Frederico Bonelli ; Lensky : Nehemiah Kish; Tatiana: Laura Morera; Olga: Yuhui Choe; Gremin: Gary Avis

 

Vous ne pouvez qu’adorer et détester le personnage d’Eugène Onéguine ! Qui peut se permettre d’arriver à un bal d’anniversaire en baillant, en se retournant devant tous les invités qui viennent le saluer ? Ou encore tuer son meilleur ami après s’être amusé à draguer son flirt ? Le tout en se moquant ouvertement d’une jeune fille qui l’a pris pour un personnage romantique, sorti de ses livres. La devise d’Onéguine qui est écrite sur le rideau scène (Quand je n’ai plus d’honneur, l’honneur n’existe plus) résume assez bien le personnage.

http://farm7.static.flickr.com/6214/6856449880_a3ca7cfe75_z.jpg 

Mais plus que le personnage éponyme, tout ce ballet est adorable. Ce fut mon premier ballet d’ailleurs, lors de son inscription au répertoire de l’Opéra de Paris, avec Moreau et Ciaravola dans les rôles titres, je vous laisse comprendre pourquoi j’aime autant la danse depuis ! Lorsqu’il est revenu la saison dernière, les distributions stars se sont bousculées, tout particulièrement McKie-Dupont et Ganio-Ciaravola, deux soirées merveilleuses !

 

Ce ballet est très accessible à des spectateurs novices, de la danse classique sur pointes, mais sans tutus ou scènes de divertissement qui peuvent casser le rythme de l’œuvre. Si certains gestes peuvent paraitre vieillis, comme lors du pas de deux de Tatiana avec le Prince-Général Grémine, avec des gestes de bras et de regards un peu étranges, cette chorégraphie me parait réellement intemporelle et passionnée. Grémine n’est donc pas un personnage qui m’attire particulièrement, sauf pour sa place dramaturgique évidente et nécessaire qui est d’ailleurs plus effacée chez Pouchkine.

 

Le couple principal Bonelli et Morera est merveilleux, sans certes le glamour des autres distributions que j’ai pu voir. Lui est un Onéguine tout à fait snob et hautain et réussit à dominer toute la scène (et ce malgré un physique pas tout à fait imposant). Lors de ses premiers solos très égoïstes du premier acte, il campe une technique impeccable avec de très beaux sauts, tout cela avec une force dramatique très théâtrale. 

http://farm8.staticflickr.com/7041/6856449890_9edbcf2e11_z.jpg 

Mais c’est clairement Morera qui m’a le plus impressionné. Pour commencer comme une langue de vipère, elle n’est pas très très jolie. Ses portés sont époustouflants, elle se laisse complètement prendre par sa passion. Je retrouve dans le pas du rêve de la lettre toutes les premières émotions que j’avais eues devant ce ballet. Le corps vole, tourne, elle se donne totalement à Onéguine. Le pas de deux avec Grémine est un peu énervant au milieu de tant de passion, voire de l’affection et de la tendresse d’un couple marié, c’est un peu fatigant. Heureusement tout revient avec une forte dose de sentiments lors du dernier pas, Tatiana a enfin réussi à dépasser son amour pour Onéguine : elle est femme et maîtresse d’elle-même, bien que cela lui coûte l’amour de sa vie.

 

Une interprétation comme la sienne m’interpelle sur le nom de ce ballet (éternelle question pour les spectateurs de ce ballet), Tatiana est bien le personnage central de l’œuvre, celle qui évolue le plus. La progression d’Onéguine est certes plus marquée par des gestes forts : la froideur apparente et solitaire au premier acte, la passion idéalisée dans la scène du rêve, le sans-gêne au bal, puis les deux prises de conscience successives aux actes deux et trois.

 

Le couple Olga-Lensky parait un peu en retrait, surtout Kish. Techniquement il me fait un peu peur notamment au début de l’acte 1 avec des sauts et des portés parfois très limites. Il se rattrape par la suite plus heureusement et son solo avant sa mort et particulièrement réussi et émouvant, dommage qu'il meure si tôt. Elle est plus douce et se révèle assez bien dans la scène qui précède le duel, comme après sa première variation très réussie. Très souriante et plein d’entrain, son Olga est amoureuse et rayonnante.

 

Le corps de ballet est certes bien plus hétérogène physiquement qu’à l’Opéra de Paris, ce qui accentue peut-être la vraisemblance de la scène. Mais son rôle reste néanmoins très limité, les paysans du premier acte paraissent bien niais avec leurs diagonales en couple qui poussent le public à rigoler et les danseurs du bal étant bien absents derrière la forte dramaturgie.

 

J’ai donc pu retrouver à Londres toute les émotions que j’avais déjà eues devant un tel ballet par un couple bien différent et qui avait beaucoup de choses à y apporter et a su apporter de nouvelles émotions !

La princesse de la Lune descend à Garnier

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Date: 2 Février 2013
Lieu: Palais Garnier
Direction musicale: Michael de Roo avec Kodo, Gagaku et ensemble de percussions invité; Kaguyahime: Agnès Letestu; Mikado: Vincent Chaillet; les prétendants: Madin, Meyzindi, Morea, Stokes, Demol  

 

J'avais découvert ce ballet en juillet 2010, Bastille vide n'était peuplé que de touristes ou de parisiens pas encore partis en vacances. Je me souviens même d'un spectateur en marcel et short. Bref, vous imaginez donc que ce ballet n'avait pas rassemblé les foules, et c'est bien dommage. J'avais déjà eu à l'époque la place 1 du premier rang d'orchestre, entre l'orchestre et la prestation d'Alice Renavand (à l'époque seulement sujet), j'avais passé une super après-midi. Rebelote cette saison, avec une place de premier rang, ce qui permet de nouveau de voir ce qui se passe dans la fosse, mais cette fois-ci dans les ors de Garnier, bien plus intime, tout y est resserré et concentre l'énergie de ce magnifique spectacle.

 

Faut-il commencer par la musique ou la danse? Coupons le débat et commençons par l'histoire. Kaguyahime (qui se voit étrangement dotée d'un accent cette saison) est donc, dans cette version, une princesse de la lune qui est descendu sur Terre, au Japon donc, sur le Mont Fuji, pour apporter la paix aux hommes. Mais les peuples finiront par se l'arracher et se battre pour la garder pour eux. Au lieu de la paix, Kaguyahime apporte le désordre. Le prince Mikado la rencontre, lui propose de l'épouser. Mais elle est rappelée sur la Lune et doit partir.

 

Le ballet suit cette version en quelques étapes simples: la descente de la Lune, les offrandes des prétendants, une célébration au nom de la princesse puis des conflits et une guerre entre différentes factions, l'arrivée du prince et ses tentatives de la garder, puis son départ.

 

Une amie m’a dit a propos de ce ballet qu'elle venait certes pour la danse, dont on lui avait dit le plus grand bien, mais surtout pour la musique. En effet cette dernière joue un rôle considérable, à tel point que les musiciens finissent par sortir de la fosse pour se rendre sur la scène en plein spectacle. Un ensemble de percussions français avec des tambours japonais, qui font vibrer le parquet du parterre et remplissent les oreilles comme les loges d'une musique puissante, entre le sacré et le folklore japonais. La musique porte toute l'œuvre et y joue un véritable rôle, absolument nécessaire (en deux mots ce n'est pas Minkus sur Don Quichotte).

 

Les musiciens sont donc répartis en trois groupes. Les japonais et leurs tambours côté cour, très ordonnés, vêtus de blanc. Côté jardin l'ensemble français plus hétérogène, vêtu de noir. Entre les deux, sur un escalier qui relit la fosse à la scène d'une part et les deux groupes de musiciens d'autre part, trois musiciens en habit traditionnel japonais qui semblent respectés de tous. Nous avons doncdans la fosse la même configuration que sur scène: les deux groupes qui s'opposent pour obtenir la divinité qu'ils vénèrent tous.

 

Sur scène, Jiri Kilian a réussi ce que j'adore: un grand ballet narratif facilement lisible avec de la danse contemporaine. Les éléments narratifs se succèdent sans lourdeur ou temps mort, avec l'aide de la musique, la danse est captivante. Le premier solo me captive: que veut-elle me dire? Veut-elle me dire quelque chose? Peut être pas. La princesse descend, altière, de son royaume vers la Terre et s'exprime dans son langage.

 

Agnès Letestu sait combiner sa noblesse naturelle avec sa grâce et sa sensibilité. Pendant toute la soirée, qui me paraît décidément bien rapide, je lui trouve les mêmes qualités. En lui ajoutant rapidement celle de la sacralité. En effet des que les prétendants s'approchent d'elle, elle ne les regarde pas, continue d'avancer et se cache la vue d'un geste de la main.  Elle se distrait certes devant les danses des hommes et des femmes qui lui offrent des cadeaux, s'enfuie devant les conflits des hommes et semble s'effrayer des avances trop insistantes de Mikado et de ses gardes. Mais ceci n'est qu'un instant. Ne demandez pas d'évolution du personnage, elle est descendue princesse lunaire sur Terre et le reste, sans se corrompre ou se tâcher.

 http://s1.e-monsite.com/2010/07/10/06/resize_550_550//Kaguyahime.jpg

En face d'un tel personnage central avec une interprète qui captive autant l'attention, le personnage de Mikado ne deviendrait presque que narratif. Il aide aux portés, l'entoure d'un papier doré et lui montre toutes les richesses qu'elle pourrait avoir (en l'éblouissant elle comme le public d'ailleurs). Mais peu de danse, ce qui est bien dommage pour quelqu'un comme Vincent Chaillet. Le costume le fait d'ailleurs ressembler davantage au comte Dracula qu'a un prince japonais. J'ai hâte de retourner voir ce ballet pour voir Chaillet dans le corps de ballet.

 

Car c'est un très grand rôle que joue le corps, symbole de l'humanité ici. Les prétendants sont les premiers auxquels nous avons à faire. Ils traversent la scène les uns après les autres pour essayer de s'approcher de Kaguyahime. Sentiment de combat, déjà de la violence, pour essayer de pénétrer l'enveloppe sacrée qui entoure la princesse. Alors que les quatre premiers échouent plus ou moins rapidement, seul le dernier ose s'approcher réellement jusqu'à la toucher.

 

S'ensuit une scène de célébration avec des offrandes de cadeaux, sur des thèmes musicaux bien plus joyeux, avec des couples en blanc qui distraient la divinité qui les a adoptés. Mais dans les ballets, rare sont les scènes de bonheur qui finissent bien avant l'entracte. Commence alors un premier combat, quatre hommes blancs contre quatre hommes noirs, de merveilleux souvenirs reviennent de ma première présentation. Au son puissant des tambours, les danseurs s'affrontent un à un à un rythme hyper rapide. Les danseurs classiques de l'opéra réussissent la merveille combinaison du classique avec la violence du rythme. Alu ressort indéniablement de ce lot, tout comme Allister Madin.

 

La guerre continue après l'entracte, avec l'arrivée des femmes. Un musicien frappe sur la Lune qui orne le fond de la scène et se révèle être un tambour: la Lune devient guerrière. Descendus des cintres, de longues tiges de métal s'agitent, comme si tous les éléments étaient perturbés. Par deux, par trois, les danseurs s'affrontent, tout s'ensuit très rapidement, avec les musiciens qui montent sur scène rejoindre des tambours.

 

http://www.grandsballets.com/wp-content/uploads/2012/10/18_web_Kaguyahime-Les-Grands-Ballets_danseuse-Eva-Kolarova_Joris-Jan-Bos-Photography.jpgArrive ensuite la dernière scène de cette œuvre, avec l'arrivée du prince Mikado, qui ne descend pas de la lune mais de son trône placé en hauteur sur un rideau doré en fond de scène. Chaillet, Mikado, descend très hiératique pour voir ses gardes attraper Kaguyahime, qui parait tout d'un coup faible mais toujours supérieure (la taille de Letestu aide bien), comme si elle ne comprenait pas très bien ce qui lui arrivait. Mikado tente de l'impressionner, lui montre ses richesses comme pour l'attirer après l'avoir enveloppée du rideau doré. Mais Kaguyahime refuse et Mikado part via la fosse.

 

Lors d'une dernière danse devant les miroirs du prince, Kaguyahime se sent rappelée vers sa Lune et elle avance lentement vers le rond jaune-orange du fond de la scène alors que le rideau descend. À nouveau, une merveilleuse image....

 

Jiri Kilian rejoint les artistes sur scène et semble ravi de leur travail. Moi aussi en tout cas! Les images superbes se succèdent, avec une musique sublime qui reste dans la tète: que demander de plus?

L'hilarant retour de La Favorite

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Date : 7 février 2013
Lieu : Théâtre des Champs-Elysées
Direction musicale : Paolo Arrivabeni ; Mise en scène : Valérie Nègre ; Léonor : Alice Coote ; Fernand : Marc Laho ; Alphonse IX : Ludovic Tézier ; Balthazar : Carlo Colombara ; Don Gaspar : Loïc Félix ; Inès : Judith Garnier.

 

Oui je sais c'est mal d'écrire des généralités sur Donizetti quand on n'a pas vu Lucia sur scène. Mais puisque personne ne souhaite le monter à Paris depuis que je vais voir des opéras, je me base uniquement sur les œuvres que j'ai vues. Souvent de bons divertissements, comme L'élixir d'Amour, Don Pasquale ou La fille du Régiment, mais ca n'est pas toujours au top. La preuve donc avec cette Favorite.

Elle cumulait donc tous les clichés et a priori que les gens externes au monde lyrique se font sur le genre. Un livret ridicule, des femmes qui crient de partout, un dénouement qui dure trois plombes, des retournements de situation improbables, des rois et du sacré. Et encore je dois en oublier. Si j'avais pu trouver les livrets d'Offenbach totalement absurdes (rappel), ils allaient dans le genre opérette voulu. Le summum reste quand même quand Fernand se dit ravi de retrouver Léonor, celle qu'il aime plus que tout au monde et pour qui il a quitte un monastère, et de la ... connaître. Oui attention c'était évidemment le coup de foudre le jour il lui a versé de l'eau bénite dans les mains, mais il ne l’a plus jamais revue après. Si le coup de foudre a déjà été utilisé dans de nombreux opéras, il ne m’a jamais paru aussi ridicule que ce soir.

Les phrases niaises s'enchainent pour arriver à un final tout à fait grotesque ou tout d'un coup Fernand qui vient de rejeter sa vie terrestre après avoir subi le déshonneur retombe soudainement amoureux de Léonor. Alors que celle ci meurt tout d'un coup, le public ne peut se retenir et s'esclaffe. Pour une fin tragique c'est bien joli. Et dans cette direction d'acteur un tantinet statique, les chanteurs s'adressent au public plus qu'à eux mêmes. Léonor dit d'abord adieu au public du premier rang avant de se retourner quand même vers son amant.

Peu de pathos donc et je ressens peu de sensibilité dans cette œuvre. Et la mise en scène n'aide pas. Enfin qui a dit mise en scène? Parlons plutôt d'espace scénique arrangée. Cela me rappelle la grève des machinistes de Bastille le jour où j'allais voir Les Noces avec Tézier en Almaviva (déjà lui). Les non-grévistes tentaient d'arranger un semblant de décor pour éviter la version concert en plaçant par exemple une plante en terre au dernier acte. Et bien la c'était à peu prés la même chose, mais sans la grève des machinistes.

Les trois premières scènes se ressemblaient, un décor au fond avec un objet place au second plan côté jardin. Dans le premier acte des gradins pour le décor et des chaises devant forment le monastère. Dans le second, une photo d'une plage, avec des roches. Pour le troisième, une toile représentant un arbre, et un banc. Bref c'est bien vide. Après l'entracte, attention l'objet du second plan est déplacé côté cour. Une vraie innovation donc. La metteur en scène et son équipe se font huer quand ils arrivent sur la scène. Bon. Mais je félicite les costumiers pour la qualité esthétique des costumes de tous les comédiens, qui permettent d'ailleurs d'accentuer le vide de l'espace.
http://sphotos-a.xx.fbcdn.net/hphotos-snc6/c0.0.843.403/p843x403/250771_547923988560807_1665471032_n.jpg
Fin de la perfidie, j'ai quand même passé une bonne soirée. Les chœurs m’ont bien amusé déjà. En moines de Saint Jacques ils étaient tout à fait vénérables, si ce n'était pour cette étrange chorégraphie qu'on leur demande d'exécuter. Les femmes de Léonor m’ont également bien amusé, toutes habillées de blanc, accueillant l'aveugle Fernand. Je me crois dans Armide. Mais c'est comme membre de la cour qu'ils m’amusent le plus, oscillant une petite danse amusante, comme celle de La fille du Régiment version Pelly. Je sens parfois une petite influence offenbach-ienne.

La musique sous le bâton de Paolo Arrivabeni réussit à sauver quand même cette œuvre des flots, avec un bon rythme tres enjoué. Elle tente même de suivre ce suspens de pacotille, mais c'est évidemment peine perdue. Je reste d'ailleurs assez étonné de voir une harpe commencer un solo pour Léonor, mais en suis ravi, c’est décidément très joli la harpe.

La soirée avait commencé très mal avec une annonce: les deux solistes féminins se relevaient de dix jours de grippe et avaient néanmoins accepté de chanter. Ouch ouch. Et en fait non! (Voilà un vrai suspens) Inès a su être a la hauteur, et être aussi ravissante que doit l'être une suivante. Et Léonor a pu être grande et réussir à soulever une once de pathos lors de la scène qui suit ses fiançailles. Certes ce n'est pas en s'enroulant dans un voile blanc telle une momie, mais avec une voix qui reflète bien la souffrance.

Fernand m’a un peu décu, coincé entre les deux autres. Ses airs sont certes bien applaudis par le public, il tient le rôle et réussit aussi le pari de la souffrance mieux que celui de l'homme heureux et décidément un peu bête.

C'est des deux derniers solistes que viennent les meilleurs moments de la soirée. Pour Tézier c'est prévisible, chacune de ses apparitions sur scène me marque et m’enchante, du répertoire russe au registre italien. A nouveau une profondeur et un timbre qui glace la scène. Pour Colombara, que je ne connaissais pas, une voix qui va tout a fait dans le style du moralisateur chrétien des monastères. Une lourdeur et une profondeur marquée pour un basse réussi.

Aucun théâtre n’avait produit La Favorite depuis vingt ans à Paris. La génération passée a peut-être refusé de s’amuser devant une pièce qui ne réussissait pas à atteindre la grande tragédie. Au moins la génération actuelle sait s’amuser devant des pièces ridicules, sans pour autant sacrifier la qualité du chant et de la musique. Mais il ne faut pas non plus que de telles blagues reviennent trop souvent.


Les fleurs chinoises embaument Paris

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Le Pavillon aux Pivoines
Date: 10 février 2013
Lieu: Théâtre du Châtelet 
Distribution: Direction artistique/ Du Liniang: Tamasaburo Bando; Liu Mengmei: Yu Kiu Lin

 

Opéra en chinois, ca pourrait en effrayer plus d'un....

 

Si je range cet article dans la section opéra, il faut bien comprendre qu'il ne se rattache qu'en bien peu de points au style "occidental" de l'opéra, si je peux m exprimer ainsi. Le pavillon des pivoines est un opéra monumental de 55 actes, ici simplifié en neuf, qui mélange esthétisme, musique, chant et danse pour créer un ensemble riche et très spécial.

 

Les actes choisis créent une trame narrative assez simple. Liniang se promène avec sa suivante dans le jardin fleuri au printemps et s'extasie devant les fleurs. Fatiguée, elle rentre se reposer dans sa chambre. Le dieu des rêves l'endort alors et elle commence à rêver d'un jeune homme, Mengmei, qui l'emporte dans le jardin pour l'embrasser et la caresser. Elle se réveille ensuite éperdument amoureuse. Elle dessine son visage accompagnée d'un poème. Nous retrouvons ensuite une religieuse qui raconte son histoire (belle mais stérile elle n'a pas contenté son mari et a du se mettre au couvent) puis est demandée chez les Du pour soigner Liniang qui se meurt. En plein automne effectivement la jeune fille dépérit d'amour et demande à être enterrée sous le prunier alors que son poème et portait doivent être enterrés prés d'un pavillon. La jeune fille se retrouve ensuite aux enfers où elle plaide sa cause auprès d'une divinité un peu lubrique (on parle ouvertement de sexe dans cet opéra) pour retrouver son amant. Quelques temps plus tard, Mengmei découvre le poème et invoque la jeune femme qui finit par arriver, mais ce n'est qu'un spectre venu des enfers. Grâce à la nonne, la jeune fille est finalement ressuscitée et unie avec son amant.

 http://www.francetv.fr/culturebox/sites/default/files/styles/article_view_full_main_image/public/assets/images/2013/01/pavillonauxpivoines-680.jpg

La grande figure qui anime ce cycle asiatique au Chatelet, constitué en plus de trois solos de danse kabuki qui ont rapidement affiché complet, est la figure de Tamasaburo Bando, véritable icône vivante japonaise, intronisé trésor national au Japon. Sa spécialité est de jouer les jeunes femmes dans les spectacles kabuki, malgré son grand âge (62 ans). Pour comprendre la complexité de cet art théâtral, il faut comprendre que Bando a du se faire adopter par une des grandes familles de kabuki pour pouvoir prétendre aux grands rôles de soliste. Son expressivité, sa voix d'un aigu frappant, le raffinement de ses costumes et de son maquillage: tout penchait ici vers la féminité et sans être averti, il était difficile de deviner l'homme derrière la fragile Liniang.

 

Ce qui m’a le plus frappé dans cette œuvre, habitudes balletomanes obligent, est l'impression que tout est soigneusement chorégraphié. Avec les chaussures très spéciales que chacun porte, j'ai l'impression que les chanteurs volent sur scène. Toutes les arrivés sur scène sont soigneusement organisées, comme les déplacements et les interactions. Pas de problème de direction des acteurs puisque chacun sait exactement ce qu'il doit faire. A tel point peut-être qu'il peut être difficile de réagir s'il y a un problème, comme quand deux danseurs se heurtent lors de la dernière scène.

 

Les costumes, le maquillage et les quelques décors ont également contribué à un spectacle réussi. Tamasaburo change ici de tenue à chaque tenue, rivalisant de raffinement, de couleurs et de complications. Les maquillages permettent de créer des visages en noir et blanc, très expressifs pour certains, plus figés pour d'autres. Les décors contribuent à l'idée de fleurs, de jardins que l'on n’oublie jamais puisqu’un grand tapis fleuri est étendu pendant les trois heures sur la scène.

 

Les fleurs en effet sont le pivot de l'œuvre, du titre à l’ensemble de son déroulement. C'est dans un jardin que Liniang a le songe de Mengmei (nom qui signifie le saule et le prunier) lors du printemps, et cette image des fleurs reviendra pendant tout l'opéra. Lininang elle même est une femme fleur, mais bien loin de celles de Wagner ou de Proust, qui vit et se réjouit au printemps, dépérit et meurt à l'automne pour ressusciter au printemps suivant. Toute faible, fragile. Sa suivante réalise qu'elle mincit subitement après sa promenade épuisante dans le jardin. Cette promenade est une sorte d’enchantement : la jeune fille s'affine pour devenir plus florale à l'époque où les fleurs poussent et s'embellissent.

 http://www.lefigaro.fr/medias/2013/02/05/33da8632-6bbc-11e2-84d6-2dd0c64b2cb4-493x328.jpg

La musique me rappelle celle de Kaguyahime, œuvre pourtant japonaise, avec entre autre un orgue à bouche et un dizi (flûte traversière). Une grande nouveauté néanmoins avec les percussions chinoises, cloches et gongs en tout genre. Une musique très raffinée comme le reste du spectacle, tout comme un occidental s'imagine la musique chinoise: beaucoup d'instruments à cordes (cithare, luth, violons) pour une musique harmonique.

 

En ce qui concerne le chant, la partie la plus spéciale de ce spectacle, il est difficile pour une oreille peu habituée à ce style de s'exprimer. Il a fallu une bonne demi-heure pour s'habituer à ces sons qui paraissent un peu stridents (voire trop aigus) et ne semblent pas beaucoup évoluer. J'ai eu bien peur de m'ennuyer au début. Mais j'ai réussi à m'habituer pour découvrir toujours plus de finesse, à défaut certes d'émotion. La langue chinoise réussit donc à me séduire lors des chants, mais elle m’ennuie parfois un peu lors de récitatifs un peu trop longs.

 

Les trois heures m’ont donc permis de comprendre comment apprécier ce style de spectacle, entre émerveillement et l'intérêt. Peut être n'aurais-je pas pu écouter cela pendant des heures, mais j'ai pu découvrir un tout nouveau genre

Les enfants terribles à Garnier

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Titre : Le Nain/ L’Enfant et les Sortilèges
Date : 11 février 2013
Lieu : Palais Garnier
Direction musicale : Paul Daniel ; mise en scène : Richard Jones et Anthony Mcdonald 
Le Nain : Donna Clara : Nicola Beller Carbone ; Ghita : Béatrice Uria-Monzon ; Don Estoban : Vincent Le Texier ; Der Zwerg : Charles Workman.
L’Enfant et les Sortilèges : L’enfant : Gaëlle Méchaly ; Maman/Tasse chinoise/Libellule : Cornelia Oncioiu.

 

Alors que la Tétralogie commence à Bastille, Garnier choisit la page de l’originalité avec Le Nain accompagné de L’Enfant et les Sortilèges, deux œuvres qui ne parlent pas forcément au grand public mais qui montrent quand même un désir de cultiver le répertoire de l’opéra. Certes les mises en scène semblent un peu vieilles, datant pourtant seulement de 1998. La découverte de ces œuvres a été un grand plaisir, mais l’ensemble n’a pas contribué à une super soirée.

 

Le Nain est l'histoire affreuse de l’anniversaire des dix-huit ans d’une princesse espagnole qui casse ses jouets. Alors que les rois d’Europe lui ont envoyé les plus somptueux cadeaux, le Sultan lui a envoyé un nain. Rien de bien étonnant pour une infante d’être accompagnée de nains (entre Velasquez et La Folie des Grandeurs, les exemples se multiplient), mais celui-ci est bien spécial. Il ne connait pas son extrême laideur, et pense que les gens s’amusent de son esprit et de ses traits d’humour. La princesse feint alors de l’aimer, lui offre une rose blanche et danse avec lui (comme le répète le nain en chantant pendant toute la dernière scène de l’opéra). Elle demande ensuite capricieusement à sa gouvernante de faire comprendre sa laideur au bonhomme. La pauvre femme ne réussit pas et le nain finit par réaliser lui-même, s’effondrant aux pieds de l’ingrate princesse.

http://www.resmusica.com/wp-content/uploads/2013/01/enfant_nain.jpg

Une histoire donc bien terrible, et l’émotion se ressent dans cette musique de Zemlinsky que j’ai bien du mal à qualifier, y trouvant des ressemblances avec Strauss ou même Prokofiev. Une partition très dense et remplie, qui fait plus qu’accompagner l’œuvre mais joue un rôle parallèle en accentuant chaque déroulement. Une musique qui m’a donc enchanté, pas forcément comme tous les chanteurs.

 

C’est bien dommage d’ailleurs, si le chanteur du nain avait été bien, cela aurait évidemment enchanté ma soirée. Mais Workman chante sur une tangente légèrement dangereuse, oscillant entre le correct, voire le bon, et un niveau clairement non suffisant. Il semble manquer de souffle et de régularité lors de son monologue sur scène. Les bonnes impressions viennent des deux femmes. Donna Clara la superbe et digne peste, qui malgré ses dix huit ans reste aussi bête que lors de ses dix ans. Sa voix m’a vraiment plu, son soprano rime avec son enfance. Mais ma meilleure impression est venue du personnage de Ghita, autant pour la dramaturgie que pour les qualités vocales. Son personnage est le seul à évoluer, développant une affection pour le nain.

 

Mais dans l’ensemble, la mise en scène fait vraiment datée. Les couleurs rappellent de vieux films kitschs des années 80, et je ne m’étends pas sur la forêt d’asperges en arrière fond, ni d’ailleurs sur le fait que le miroir du nain soit installé par les femmes de chambre de la princesse. La dernière scène cependant, où Ghita tient le pantin du Nain serré dans ses mains et semble au bord des larmes alors que la Princesse dans sa grande robe à la madrilène décide de retourner danser pendant que le nain meurt, seine weisse Rose dans les mains.

 

Les sales enfants continuent avec Ravel, dans un tout autre univers, celui de Colette, où nous passons dans l’univers fantastique un peu à la Alice aux pays des merveilles. Un sale enfant casse tout dans le salon à musique lorsque sa maman lui demande de travailler. Il tombe et se relève avec une taille lilliputienne. La personnification de la bergère et du fauteuil commencent alors à s’énerver contre l’enfant qui les frappait avec ses talons. Les objets se succèdent : l’horloge, la théière et la tasse chinoise, le feu de la cheminée, le chat et sa compagne. Un très beau moment de chœur où des pastourelles ou des pasteurs de papier peint se disent adieux, séparés par une déchirure que l’enfant a causée.  Puis c’est la princesse du livre qu’il a déchiré qui apparait en deux parties, la tête et le buste d’une part, le bas d’un autre côté, elle se meurt alors que l'enfant aurait pu être son prince. Il atterrit également dans une salle d’arithmétique avec un professeur tyrannique et une chorale d’élèves. La dernière partie dans le jardin m’a paru moins féérique, avec les racines, les libellules, l’écureuil et les grenouilles. Une fois qu’il a pansé la patte de l’écureuil, tous les objets et animaux ne le détestent plus et appellent sa maman. L’enfant finit par se réveiller et se mettre au travail dans les bras de sa maman.

http://twproxy.stiletto.fr/209669sg/h400/www.stiletto.fr/uploads/pictures/5870_201213nain2021.jpg

Comme dans l’Amour des trois oranges de Prokofiev, ce conte m’a ramené en enfance et j’étais ravi de ce spectacle. La musique, très ravel-ienne, accompagne très bien cette fantaisie servie par des chanteurs de très bons niveaux aux voix pour la plupart aigues et claires. J’aime de plus en plus le chant français, et celui-ci a réussi à me paraître naturel. La mise en scène minime n’est pas extraordinaire mais très correcte, ornée de toiles qui ornent toute la scène ou sinon carrément sans décors, comme dans le jardin.

 

Les enfants terribles ont donc assailli Garnier, sans trop faire de ravages mais en me distrayant bien.

 

Kaguyahime continue d'éblouir!

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17 Février 2013
Palais Garnier
Musique : Maki Ishii ; Chorégraphie : Jiri Kylian ; Direction musicale : Michael de Roo ; Kaguyahime : Marie-Agnès Gillot ; Mikado : Alexis Renaud ; Les Prétendants : Carbone, Madin, Meyzindi, Bertaud, Couvez.

 

Je m’étais senti légèrement mal à l’aise en lisant cet article de Jiri Kylian sur les critiques de danse, y compris la partie sur les jeunes. Mais je comprends sa frustration à l’égard des critiques comme Clement Crisp en lisant une interview comme celle-ci, où le vénérable journaliste du Financial Times qualifie d’un coup d’un seul « that homogenised Eurotrash rubbish from Mats Ek, Forsythe, Kylian, and all those tiresome people. » Rien de moins que trois de mes chorégraphes préférés (et je ne suis pas le seul fan, bien loin de là). Et je ne comprends pas comment un critique ayant vu Un Ballo ou ce Kaguyahime peut traiter l’œuvre de Eurotrash. Je n’ai aucun doute que l’unique but de ce chorégraphe est la beauté esthétique. L’ayant croisé à l’entracte dans les couloirs de Garnier, il n’est même pas allé se faire applaudir (ou ovationner) sur la scène, malgré une représentation de très haut niveau.

 

A nouveau, cette œuvre japonisante a frappé Garnier pour sa dernière après-midi. L’interprétation de Marie-Agnès Gillot, bien différente de celle d’Agnès Letestu (vu ici il y a deux semaines) ou encore de mes souvenirs de l’interprétation d’Alice Renavand il y a trois ans. La princesse lunaire n’est plus ici, dès les premiers instants totalement, majestueuse. Kaguyahime vient d’un peuple qui n’a pas d’émotion, elle n’est donc véritablement pas humaine.  Elle n’est évidemment pas de nature humaine et se retrouve à l’étroit dans cette enveloppe corporelle. Elle se sent véritablement comme un ovni sur cette planète, ne sachant pas comment fonctionne une telle machine.

 

Son premier solo semble donc une tentative de compréhension du corps humain. Mais bien loin de la gymnastique comme vous pourrez l’imaginer. Comme être céleste, elle a su conserver toute sa grâce et son raffinement. Si elle n’a jamais eu d’émotion auparavant, maintenant la princesse a clairement peur. Le parallèle avec l’interprète m’a paru flagrant. Marie-Agnès sait bien qu’elle est différente des autres danseuses, et a du prendre le temps de trouver sa façon de s’exprimer pour devenir une des plus grandes étoiles actuelles. Une interprétation très personnelle donc.

 http://www.resmusica.com/wp-content/uploads/2010/06/kaguyahime_paris2010.jpg

Même si je commence à bien connaître le déroulement de ce ballet, je me suis à nouveau laissé complètement entrainer par les scènes du corps de ballet. Les cinq prétendants gaspillent beaucoup d’énergie, jusqu’à l’épuisement pour satisfaire les désirs de la princesse. Sitôt arrivée, Kaguyahime est déjà à l’origine de cadavres au sol. Mais plutôt que de lui en vouloir, accompagnés de cinq merveilleuses paysannes, ils la divertissent lors d’une célébration. (Je dis merveilleuse évident pour la charmante Charlotte Ranson, mais pas seulement attention, Séverine Westermann est très mignonne aussi). Le pas du divertissement est vraiment très agréable et se laisse dévorer des yeux, avec sa musique si douce et réjouissante. Une simple parenthèse où la princesse sourit enfin, avant de retourner rapidement vers le chaos et les combats.

 

Ces combats m’ont semblé en partie moins rapides que la dernière fois, certains groupes semblent courir après la musique avant l’entracte. Mais par la suite, les combats de vingt personnes reprennent leur juste valeur, une grande agressivité mais toujours d’une grande grâce et beauté. La même énergie palpable que dans quelque chose comme In The Middle (si, vous savez, le Eurotrash de tout à l’heure). Le ballon de François Alu, la technique de Carbone, l’énergie de Madin et de Bertaud, le charisme de Meyzindi, je réalise à nouveau quelle chance les Parisiens ont.

 

Après avoir appris à maîtriser son corps, MAG/Kaguyahime s’échappe de l’horreur des mortels pour tomber dans les mains du Mikado et de ses acolytes. Si Alexis Renaud m’avait laissé une piètre impression en Espada, ici il me semble plus impressionnant et princier que Chaillet (que je regrette énormément de ne pas avoir vu dans le corps de ballet de Kaguyahime). Il saisit MAG à travers le tissu, elle ne laisse pas faire, et se débat, beaucoup plus que le faisait Letestu, en agitant violemment ses grandes jambes. Il ne peut contrôler cet étrange animal apeuré et a bien besoin du support de ses deux acolytes. La princesse semble bien tentée un instant de rester avec lui…. Mais rapidement la Lune se rebelle, en illuminant toute la salle, en éloignant Mikado et en rappelant à elle sa princesse qui s’éloigne au loin alors qu’elle quitte son corps pour s’élever vers le ciel, enfin totalement maîtresse d'elle-même.

 

Les tambours et l’orchestre sont tout aussi violents et/ou raffinés que les danseurs, rentrant dans la symbiose de l’œuvre, dans ce moment très fort où ils rejoignent depuis la fosse des tambours placés sur scène. Une œuvre d’un raffinement rare que je pourrais sans doute revoir encore et encore. Donc oui, gimme more Eurotrash.

De la fraîche Ciboulette, du muguet et des chansons!

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Ciboulette, Reynaldo Hahn
22 Février
Opéra Comique
Direction musicale: Laurence Equilbey; Mise en scène: Michel Fau; Ciboulette: Julie Fuchs; Duparquet: Jean-François Lapointe; Zénobie: Eva Ganizate; Roger: Ronan Debois; Françoise: Cécile Achille; M. Grenu: Jean Claude Sarragosse; Mme Grenu: Guillemette Laurens; Mme Pingret: Bernadette Lafont; Comtesse de Castiglione: Michel Fau; Le directeur d'opéra: Jérôme Deschamps
 

Je commence sérieusement à me demander si je reste objectif quand je vais voir un spectacle à l'Opéra Comique. A l'exception éventuelle de Re Orso, qui ne m’avait pas totalement convaincu, les spectacles que j'y ai vus m’ont tous enchanté, depuis ces Brigands d'Offenbach en juillet 2011 (je n'avais pas encore de blog, c'est bien dommage....)

Retour donc a l'opérette avec cette Ciboulette. Créée tardivement (1923), en partie pour relancer une mode qui avait fleuri sous Napoléon III, mais surtout pour s'opposer aux importations américaines du music hall et de la comédie musicale. Synthèse des différents héritages, mais également renouveau du genre avec plus de sensibilité et de profondeur des personnages. Oui attention, ce n'est pas de l'Offenbach de Tulipatan, les personnages ont une histoire et s'inscrivent dans un cadre plus profond.

http://a405.idata.over-blog.com/615x642/0/28/08/82/14-fevrier-2013/ciboulette-2-615_elisabeth-carecchio.jpgCette œuvre est avant tout un succès d'humour et de peinture sociale du XIXème. Les hussards, leurs courtisanes, les maîtresses capricieuses, les maraîchers des Halles, le développement de la banlieue comme des théâtres de boulevard. Ciboulette n'a pas de dimanche, elle travaille tous les jours. Antonin non plus, il ne travaille jamais. Il découvre la banlieue, elle comprend vite les moyens à mettre en œuvre pour arriver au sommet. Offenbach, Zola, Donizetti, ils sont tous là.

La partition recèle de petites merveilles, des thèmes entraînants et vivifiants, avec des airs qui restent longtemps dans la tête. L'Opéra Comique a d'ailleurs décidé de relancer une tradition qui s'est perdue en France mais subsiste encore ailleurs, le public qui entonne les chants du spectacle. Des ateliers de formation de chant étaient prévus en amont du spectacle pour que les spectateurs puissent participer à la chanson du muguet (Il court il court le muguet) et au dernier air sur l'amour. Une bien belle idée, mais je n'ai pas fait bénéficier mes voisins de ma voix de casserole. Laurence Equilbey, que j’avais entendue pour la première fois pour la création de Gillot à Garnier, se met ici dans un tout nouveau genre musical, bien plus léger, mais tout aussi riche. La partition est parfois bien simple, mais des complexités apparaissent parfois. Je vais me renseigner davantage sur ce compositeur, ami de Proust (et donc forcément génial, évidemment).

Héritage d'Offenbach, c'est certain, mais également du XIXe en général. Des références politiques, sociales mais également culturelles, comme ce personnage de Rodolphe Duparquet, qui sourit en pensant à ses vingt ans. C'est bien la nostalgie qui tient une partie de l’œuvre. Il a bien vieilli depuis Scènes de la vie de bohème (le livre de Murger à l'origine de l'œuvre de Puccini), est devenu bien plus pragmatique que le poète idéaliste: dans la vie il faut être amoureux ou fonctionnaire annonce t-il à Ciboulette. Lorsqu’ il explique son histoire, des images de La Bohème ressortent avec des émotions. Il y aurait presque pu avoir de l'émotion lorsqu’il dicte la lettre d'amour et adieu à Antonin. Mais l'analphabète jeune homme empêche le poète de s'exprimer tout à fait. Tant mieux, les rires l'emporteront sur le pathos de fin d'œuvre. Le froid fonctionnaire a bien pris le dessus.
http://www.franceinfo.fr/sites/default/files/imagecache/462_ressource/2013/02/21/898911/images/ressource/Ciboulette%201bis%20DR%20E.%20Carecchio.jpeg
Le jeune aristocrate fortuné mais idiot qui tombe amoureux de la petite maraîchère orpheline, le tout sous la protection d'un poète. On n'est pas bien loin de Cendrillon finalement. Sauf qu'au XIXe, les femmes prennent leur indépendance et leur futur en main et Ciboulette laisse bien penser à une femme ingénue et autonome. Julie Fuchs est aussi charmante que le personnage, une voix aussi ravissante que la chanteuse elle-même. Idéale pour l'opérette, sa voix s'exprime aussi bien dans les parties chantées que parlées. Charmante à tout moment, particulièrement dans sa robe rouge du dernier acte, telle une pièce montée. Elle égaie tout l'espace, on s'attache directement à cette fraiche et franche jeune fille. La plupart de ses airs est d'ailleurs largement applaudie, comme celui qu'elle chante avec Duparquet au début du deuxième acte (Nous avons fait un beau voyage), sa douceur à elle accompagnée de la profondeur du baryton.

Un Antonin très bon en jeune homme écervelé mais très attachant, des chanteurs de l'Académie de l'Opera Comique corrects, sans bouleversements néanmoins. Le couple Zénobie-Roger est très amusant! Au moins tous les chanteurs bénéficient de solides talents d'acteurs, drôles sans tomber dans la bouffonnerie. Le chœur, très polyvalent entre des soldats, des maraîchers, des villageois et des invités d'un diner parisien, rythme et occupel'espace avec des airs décidément bien entrainants.

La distribution se complète par trois personnages, et non des moindres. Jérôme Deschamps, directeur de l'Opera Comique, accepte d'endosser le rôle de celui qui lancera le succès Ciboulette. Des le début nous sommes prévenus que le directeur, malade, ne pourra pas chanter. Mise en abyme total donc, avec même des "chanteurs" incompétents! Michel Fau ensuite, le metteur en scène se glisse dans la peau de la comtesse de Castiglione, sorte de femme-ogre immense dans sa robe à panier verte, qui entonne une chanson sur une symphonie de Hahn. Une horreur pour l'oreille mais très drôle. Si ce n'est pas de l'implication dans un spectacle ca! Enfin Bernadette Lafont qui campe une vendeuse de poissons pas frais et fausse divinatrice et qui s'improvise la mère de Ciboulette, avec sa voix si spéciale et son talent indéniable. Ses apparitions sont toutes fortement remarquées.
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Une bien belle troupe dans un tout aussi beau décor, orné de photos en couleurs ou en noir et blanc de la Belle Epoque: les pavillons Baltard des Halles, St Eustache, des maisons de campagne, un grand restaurant. Je ne suis pas toujours fan des panneaux qui descendent des cintres pour illustrer ce dont parlent les chanteurs, mais je m’y habitue ici. La dernière scène, accompagnée de Fau et Deschamps, où Ciboulette devient une actrice reconnue et se réconcilie avec Antonin, nous laisse apercevoir l'envers du décor, tous les panneaux sont placés à l’envers au fond de la salle, la mise en abyme continue.

Je me suis donc retrouvé devant la fraîcheur des Brigands d’Offenbach, les soldats du régiment de Donizetti, les amantes de Feydeau, les riches dont on se moque de Balzac, un vague aperçu de Puccini. Bref, le XIXème a brillé. Ciboulette clôt le chapitre de l’opérette avec un bilan chef d’œuvre.

Saison 2013-2014, ballet.

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Les bloggeurs averti(e)s avaient eu vent de la saison prochaine depuis longtemps, elle a enfin été dévoilée hier aux membres de l’AROP (non juniors, évidemment). Tout un thème autour de la littérature, des adieux et de la création.

 

C’est la saison de la tristesse, des adieux terribles. Début avec Agnès Letestu le 10 octobre dans un de ses rôles fétiches, La Dame aux Camélias. J’avais loupé ce ballet lors de son entrée au répertoire. Visiblement la musique de Chopin accompagne un très beau ballet. J’ai hâte de davantage connaître Neumeier. Je ressors à nouveau les mouchoirs en mars pour les adieux de ma danseuse préférée, Isabelle Ciaravola. Mon premier ballet avait été avec Isabelle dans ce même Onéguine lors de l’entrée au répertoire. Elle avait été nommée étoile lors de cette série là. Déjà que ce ballet (vu récemment à Londres) me fait habituellement pleurer, là ca va être pire. Enfin, la constellation balletique perdra Nicolas Le Riche, qui a, lui aussi, atteint la barre fatale des 42 ans. Il reprendra le rôle de Quasimodo dans Notre Dame de Paris de Petit. Enfin, star oblige, il y aura le 9 juillet un gala en son honneur. Je n’ai pas eu beaucoup d’occasion de voir ce danseur, c’est bien dommage, mais je me rendrai évidemment à cette soirée qui s’annonce mémorable.

 

La saison de Noël sera merveilleuse ! A Garnier, Le Parc de Preljocaj, son baiser a été immortalisé par la publicité d’Air France. Si les œuvres de Preljocaj sont parfois discutables, celle-ci est visiblement superbe, inspirée de la carte du tendre. En face, Bastille reprend La Belle au Bois Dormant de Noureev. Ce ballet a été créé comme un hommage à la cour de Louis XIV, vous imaginez bien la flamboyance ! Je ne connais que les versions vidéos, j’ai vraiment hâte de pouvoir voir les danseurs de l’opéra dans ce ballet, c’est pour moi un des symboles du grand ballet, très accessible et toujours adorable.

 

Dans les reprises de moderne et classique, le retour d’Orphée et Eurydice, une des œuvres les plus prenantes que j’ai jamais vues, qui mélange la chorégraphie de Bausch avec l’opéra de Berlioz. Un délice. En juin, un diptyque Robbins/Ratmansky. Aie aie, fausse bonne idée ? Sans doute. Psyché de Ratmansky est esthétiquement affreux et mou pour la danse. Dances at a gathering  est certes une belle œuvre, mais un peu longuet….

 

Deux soirées de création ensuite. Balanchine/Millepied en mai. Palais de Cristal de Balanchine, j’en entends beaucoup parler dans la littérature sur la danse, j’ai beaucoup aimé la soirée sur le chorégraphe en septembre dernier, les costumes de Lacroix devraient être saisissants. Création de Millepied sur la délicate musique de Daphnis et Chloé, de quoi pouvoir déjà travailler avec le ballet avant d’en prendre les reines.  En octobre, une création de Teshigawara (je n’avais pas du tout compris son Light and Music à Chaillot, cette œuvre sera peut-être mieux), un ballet de Brown (la mention Ballet dans le silence me fait un peu peur) et enfin Doux Mensonge de Kylian. J’adore ce chorégraphe, comme son œuvre Kaguyahime.

 

La compagnie se reposera en janvier, laissant la place au Bolchoï et aux Illusions Perdues de Ratmansky. Peut-être ce ballet sera-t-il plus réussi que Psychée, avec un thème Balzacien, les attentes sont hautes !

 

Cette soirée m’enchante bien plus que la saison actuelle, avec bien plus de grandes séries, ca va être bien, très bien. Mais triste.

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