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Channel: La Loge d'Aymeric
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Saison 2013-2014, opéra.

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La saison d’opéra actuelle m’a un peu frustré, la moitié des œuvres avait déjà été jouée depuis que je vais à l’opéra, ca ne fait pas beaucoup de temps quand même…. Heureusement peu de reprises la saison prochaine, et plein de découvertes !

 

Dans les reprises, Cosi à Garnier, dans une mise en scène qui m’avait un peu ennuyé. Mais il y aura ici Stéphanie d’Oustrac, ca suffit pour me motiver (entendu ici et ici). On retrouve la merveilleuse Stéphanie dans la Clémence de Titus de Willy Decker, superbe production que j’avais adorée la saison passée avec cette chanteuse. Plein de dates et de distributions pour La Bohème, cette mise en scène m’avait ravi, une de mes meilleures soirées à l’opéra. Je n’avais pas eu de très bons échos sur la Butterfly de Wilson, mais j’aimerai bien pouvoir découvrir cet opéra. L’Italienne à Alger promet un très bon divertissement, j’aurais bien aimé le voir il y a deux ans. Enfin Werther, que j’avais loupé avec Kaufmann (bouhouh), revient avec Alagna et Deshayes. J’aimerai bien avoir une meilleure image de Massenet, sa Manon m’avait bien fait rire…

 

Beaucoup d’Italiens dans cette saison, à commencer par un des mes compositeurs préférés, Bellini. J’attends vivement une reprise de Norma, mais ce sera Les Puritains, mis en scène par le brillant Laurent Pelly, et Les Capulet et Les Montaigu, mis en scène par le génial Carsen avec Paul Gay et Deshayes. Lucia di Lammermoor avec Ciofi et Tézier, ca devrait déchirer aussi, après des soirés variées avec Donizetti, j’attends son chef d’œuvre.

 

Trois nouvelles productions qui promettent d’être intéressantes pour trois grands opéras italiens. Aida par Oliver Py devrait être une vision intéressante. Je suis bien content d’avoir vu cette œuvre dans une version très classique à Prague avant d’en voir une relecture. Alvarez en Radamès, ca devrait briller. Mais le meilleur Verdi sera à attendre de Traviata, un de mes opéras préférés (quitte à faire en Carson-erie, ils auraient pu importer la version de Carsen de la Fenice). La direction de Daniel Oren, la profondeur de Tézier et la voix de Damrau devraient pouvoir nous donner une bien belle soirée. Enfin, La Conquête de l’Ouest, ca a l’air très kitsch comme œuvre, mais la voix de Nina Stemme suffira pour m’attirer à Bastille.

 

Quatre créations supplémentaires, Wilson (Popée), Py (Alceste, avec Minkowski, Alagna, et Koch) et deux Carsen (Elektra et Flûte Enchantée). Sept nouvelles productions, joli travail ! Je ne connais aucune de ces œuvres, mais les noms affichés promettent de bonnes soirées.

 

Et enfin trois dernières reprises, à nouveau du Carsen avec Alcina et Sandrine Piau, l’Affaire Makropoulos par Walikowski et surtout, surtout Tristan et Iseult. L’année Wagner 2013 ne sera vraiment que représentée par le Ring de Wagner, mais 2014 commencera bien mieux avec cette magnifique œuvre et Violeta Urmana, déjà entendue dans la mort d’Isolde.

 

Deux Py, quatre Carsen, deux Wilson, sept créations, cela promet une bien belle soirée. Je regrette néanmoins l’absence de certains grands chanteurs qui semblent un peu déserter Paris….


Les jeunes hommes et la mort

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Ce que j'appelle oubli, Angelin Preljocaj
23 février 2013
Théâtre de la Ville
Laurent Cazanave; Aurélien Charrier; Fabrizio Clemente; Baptiste Coissieu; Carlos Ferreira Da Silva; Liam Warren; Nicolas Zemmour 

 

Une création de Preljocaj c’est le genre d’événement où il faut aller. Alors on peut choisir de quitter la salle, de huer, de pleurer, d’ovationner, de rester complètement indifférent. Un des grands noms de la danse française, qui la porte et l’apporte à l’étranger, son nom a un moment circulé pour la direction de la danse à l’Opéra. Comme je l’expliquais lors du diptyque que sa compagnie a présenté à Garnier en janvier, j’ai eu à peu près toutes les possibilités d’émotions face à ces spectacles.

 

Ce que j’appelle oubli a été créé pour la biennale de Lyon en septembre dernier, et c’était ce soir-là la première parisienne au Théâtre de la Ville. Les places se sont un peu arrachées par abonnement, j’ai néanmoins pu récupérer les deux dernières places de cette soirée, au tout premier rang, à l’avant scène. Cette sensation d’être assis à moins d’un mètre de la scène, de voir les gouttes perler sur le front des danseurs, sentir leur respiration, j’ai eu l’impression qu’ils ne dansaient que pour moi. Et c’est ce qui a du participer à ce sentiment d’être complètement saisi par cette œuvre.

 http://diffusionph.cccommunication.biz/jpgok/redim_recadre_photo.php?path_Photo=p129094_5&size=HR&width=365&height=330

J’étais allé voir Ciboulette la veille, hommage joyeux et frais au XIXème siècle, dont j’étais sorti ravi, avec les chansons qui trottaient dans ma tête. Devant Ce que j’appelle oubli, j’ai l’impression de voir un bilan de notre époque actuelle, et j’en suis ressorti tout déprimé avec des images fortes ancrées dans ma tête.

 

Fait divers à Lyon : un jeune homme se fait tabasser à mort par quatre vigiles car il a volé une bière. La phrase choc du procureur : on ne devrait pas mourir pour si peu. Donc cela ne vaut pas une bière, mais plutôt une caisse de six ? De vingt quatre ? C’est à ce type de réflexion que s’est mené Laurent Mauvignier. Preljocaj a choisi de conserver une personne sur scène qui récite le texte, interagissant avec les danseurs. Si le texte en lui-même ne me parait pas particulièrement saisissant, c’est surtout la manière de Cazanave de le réciter, et son implication dans l’ensemble de l’œuvre.

 

A l’inverse de son spectacle solo Le Funambule (qui m’avait vraiment bien ennuyé), ici en plus du texte, des danseurs accompagnent. Et c’est d’une violence rare. Au début, alors que le texte commence à peine, dans la pénombre on aperçoit un homme qui drague une femme, puis ils commencent des relations sexuelles mais elle semble ne plus vouloir. Apparaissent alors quatre hommes qui les observent et les entourent, de façon très froide. Nous retrouvons déjà les antagonistes de la suite du spectacle : celui qui se fait frapper et les quatre vigiles. Avec cette sorte d’introduction, nous avons déjà les principaux thèmes : l’oppression à la Big Brother, le manque de lien véritables (il aurait bien aimé que ce soit plus qu’un sexe dans le noir) et le manque d’individualité.

 

Alors que le jeune homme effrayé part en courant, les quatre vigiles s’habillent tous ensemble, pantalon, veste, cravate. Formatage ? En tout cas perte de leur identité en tant qu’homme, ils ne deviennent plus qu’instruments de la violence, de la société. Lorsqu’ils frappent par la suite le jeune homme, ils ne le regardent même pas, c’est un geste automatique. Ils le font voler, lui arrachent ses habits, dans la plus profonde indifférence.

 http://www.biennaledeladanse.com/data/classes/spectacle/spec_14_visuel.jpg

Puis une fois le jeune homme mort, mort accompagnée par l’incompréhension exprimée par Cazanave, la réflexion porte sur l’anonymat de la mort en général : les corps nus et morts fouillés avant d’être placés dans des grands sacs de morgue. Enfin, le passage le plus horrible est lorsque nous apprenons que le père du jeune homme était boucher. Surgissent alors les images du boucher qui détruit les corps, comme saisi d’une envie sadique.

 

Succession d’images très fortes donc, peinture sociale des banlieues défavorisées. Une danse qui va de pair, entre acrobaties et violence. Preljocaj a relié la danse à l’actualité et l’expose au public so parisian de la Ville. Les applaudissements viennent peut être trop tôt, il faudrait laisser quelques instants de repos pour se reprendre.

Dialogue entre Strauss et Zweig

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Collaboration

Théâtre de la Madeleine

27 mars

Michel Aumont, Didier Sandre, Christiane Cohendy, Stéphanie Pasquet, Patrick Payet, Eric Verdin, Armand Eloi

 

Je ne connaissais pas grand-chose à Collaboration, les bons échos  de ma famille et des amis m’ont poussé à y aller sans même connaitre le sujet. Abonné depuis quelques semaines des premiers rangs, je suis à nouveau très bien placé dans ce mignon Théâtre de la Madeleine. (Décidément je risque de m’habituer trop au luxe !) Une pièce qui parlait finalement d'un des grands thèmes qui animent ce blog : l’opéra, et, le plus important, sa création.

 http://www.theartchemists.com/wp-content/uploads/2013/02/760X460_collaboration.jpg

Nous sommes en 1930, Hofmannsthal, ami de Strauss et son librettiste (Rosenkavalier, Die Frau ohne Schatten, Elektra) vient de mourir. Le compositeur est désespéré, il veut continuer de composer, il vit pour composer. Il décide alors de contacter l’idole de sa femme, Stefan Zweig, pour qu’il rédige le prochain livret. Commence alors une collaboration qui mènera à la création de La Femme silencieuse, dont la première aura lieu à Dresde en juin 1935.

 

La thématique principale est celle du décalage de l’artiste dans son époque. Celui qui pense que l'histoire ne l'influencera pas, l'autre qui tente de défendre ses idéaux dans un monde en faillite. Strauss proclame qu’il a composé sous le Kaiser, sous Weimar, et qu’il continuera sous Hitler. Rien ne peut interrompre sa seule volonté de vivre : la composition. En face, le quasi-autisme du Zweig névrosé, fervent opposant à la violence qui ne peut vivre qu’en Europe. Strauss ne réussit pas à comprendre que le monde évolue. Il pense son influence inépuisable, que le monde ne change pas suffisamment pour asservir l'art. Deux hommes bien opposés qui pourtant s'entendent si bien et s'admirent respectivement.

 

Lors de la première de leur œuvre commune, Strauss se bat pour que le nom du librettiste soit écrit sur l'affiche. Le directeur de l'opéra sera par la suite démis de ses fonctions, l'opéra interdit plus de trois représentations. Strauss collaborera avec les nazis, devenant président de la chambre de musique du Reich, pour protéger sa belle fille juive et ses petits enfants. Il réussira à les protéger, mais non pas la famille de sa belle fille. L'idéaliste Zweig sera forcé de s'exiler, à Londres puis au Brésil où il se suicidera avec son assistante et amante, Lotte. 

 

La pièce se découpe en plusieurs scènes espacées par le temps, de 30 a 45, d'une Europe encore dans les réjouissances et la naïveté de l'entre deux guerres à la reconstruction du Vieux Continent.

 

Mais ne vous y méprenez pas, cette pièce n'est pas pour autant une tragédie. A l'exception des dernières scènes, nous sommes presque dans une comédie. Nous prenons le point de vue du couple Strauss, bien insouciant en ce début de totalitarisme. Strauss est un homme jovial, un peu misanthrope mais d'une bonhommie très distrayante. Il est surtout accompagné de sa femme, Pauline, une ancienne soprano qui a gardé des airs de diva avec un franc parler et des manies bien marqués. Même lorsque l'officier nazi est présent sur scène, jusqu'à un certain moment, l'humour reste.

 

Sandre en Zweig semble très impliqué, dès la première scène nous apprenons qu'il est névrosé, et cela ne quitte ensuite pas le personnage. Gêné dès le début, il semble perdu dans un monde qui n'existe plus que dans sa tête, presque celui de la Société des Nations. (Je suis un citoyen de l'Europe) Il est accompagné de sa charmante assistance Charlotte (Lotte), qui est très émouvante dans ses quelques scènes.

 http://blog.lefigaro.fr/theatre/Collaboration%202%20par%20B%20Richeb%C3%A9.jpg

Entre les scènes s'intercalent des airs opéra de Strauss, compositeur que je n'apprécie pas particulièrement, même si Capriccio m'a fait changer d'avis. J'ai néanmoins appris plusieurs choses: grand admirateur de Mozart dont il se considère l'héritier, de Wagner également, dont il dit qu'il a atteint les sommets de l'art. 

 

C'est devant un homme affaibli par les coups répétés du régime nazi que nous nous trouvons dans la dernière scène, un vieil homme accompagnés de sa femme qui doit justifier son attitude avec les nazis devant un conseil de dénazification. Celui qui était vu comme le plus grand compositeur allemand de la première moitié du XXe siècle mourra quelques années plus tard.

 

Enfin, cette pièce permet aussi de comprendre le processus de création de l'opéra. Les échanges sur le thème de l’œuvre, la rédaction du synopsis, puis la longue réalisation des dialogues acte à acte, suivie par la composition de la musique.

 

Un thème très intéressant, un point de vue différent sur une période de l’histoire finalement assez connue et de très bons acteurs qui ont rendu cette soirée passionnante !

Danseurs Chorégraphes à Bastille

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Premier Cauchemar: Samuel Murez avec Lydie Vareilhes, Laura Bachman, Leonore Baulac, Leila Dilhac, Claire Gandolfi, Camille de Bellefon, Emma d'Huimeres, Francois Alu, Jeremy-Loup Quer, Takeru Coste, Niccolo Balossini, Antonio Conforti, Axel Alvarez, Loic Pireaux et Hugo Vigliotti.

Deux à Deux: Maxime Thomas avec Letizia Galloni et Maxime Thomas.
En attendant l'année dernière: Gregory Gaillard avec Lucie Fenwick.
Kaléidoscope: Allister Madin avec Fanny Gorse, Caroline Osmont, Gwenaelle Vauthier, Camille de Bellefon, Allister Madin et Hugo Marchand.
Smoke Alarm: Julien Meyzindi avec Alice Renavand et Alexandre Gasse.
Songes du Douanier: Alexandre Carniato avec Charlotte Ranson, Letizia Galloni, Aurélien Houette et Alexandre Carniato.
Stratégie de l'Hippocampe: Simon Valastro avec Eve Grinsztajn, Eleonore Guerineau, Alexis Renaud, Hugo Vigliotti et Jean Baptiste Chavignier

Pour la première fois, je me rends aux Danseurs-Chorégraphe­s, spectacle qui laisse pour une fois la place aux danseurs du corps de ballet (deux quadrilles, deux coryphées et trois sujets) pour qu’ils aient droit à leur tour de chorégraphier. A l’image des étoiles comme Marie-Agnès Gillot récemment, Nicolas Le Riche pour Caligula ou encore José Martinez pour Les Enfants du Paradis, le danseur passe de l’autre coté de la chorégraphie. Comme disait Clairemarie Osta lors d’une conférence donnée peu après ses adieux à la scène, danseur et chorégraphe ne vont pas forcément de pair. Les danseurs de l’Opéra s’en sont sortis de façon très inégale, certains arrivant à un travail très abouti, d’autres sentant un énorme pouvoir de Créateur qu’ils ont eu du mal à canaliser.

Allez je vais etre fair play et ne pas commencer par les échecs et finir par les succès ou l'inverse. Reprenons donc l'ordre chronologique.

Samuel Murez n'en est pas du tout à sa première chorégraphie, loin de là! Son travail semble donc ici totalement maîtrisé. Le thème est certes un peu galvaudé: l'individualité est effacée par la société mondialisée. (Déjà vu dans Fantasia par exemple) Un homme en pyjama se retrouve dans un rêve où des groupes de gens (hommes, femmes: il n'est en aucun cas fait de différence de genre) vêtus de costume et munis de malette de bureau. Ils sont tristes, gris, avancant en groupe. On se croirait à La Défense à huit heure.

Hugo Vigliotti réussit très bien à tenir le role du reveur, apeuré, avec un desir de s'émanciper, de continuer à vivre, avec des développés et autres positions qui rappellent la danse dans ce qu'elle a de plus noble. En les voyant, si brievement arrêtés, j'ai de la peine. Rapidement la foule a raison de lui. Alors qu'il s'intègre à leur ballet des malettes qui s'agitent, il se réveille, sort brusquement de son lit, revêt un costume, et tire du tréfonds de son lit... une malette.

Cette pièce est construite, narrative comme il faut, intégrant différentes façons de danse, avec des danseurs impliqués. Elle est un sneak peek d'une prochaine oeuvre plus longue de Murez, qui je l'espère sera un succès!

Pour la piece suivante, Maxime Thomas s'est prêté au jeu. Pour une première tentative c'est satisfaisant. Tout d'abord un excellent choix de musique (Concerto italien de Bach) et d'interprète (en plus de M Thomas, la charmante Letizia Galloni). Après, le chorégraphe a voulu mettre tout ce qu'il connaissait, les différentes influences que les pièces qu'il a jouées ont eu sur lui. Les cinq minutes passent finalement assez vite, grâce à une esthétique blanche très agréable.

Gregory Gaillard n'est pas à ses premieres chorégraphies, et pourtant sa pièce ne m'a pas trop convaincu. Une grande implication de Lucie Fenwick certes, des lumières qui ne cessent d'evoluer, de très belles lignes, mais un ensemble qui m'a paru bien vide de sens.

Quelques instants d'entracte nous permettent d'apercevoir tout le gratin de l'Opéra quelques étages plus hauts: Laurent Hilaire, Brigitte Lefevre, Thierry M, Mathilde Froustey...

Kaléidoscope, d'Allister Madin fait partie des succès de cette soirée. Bon oui vous me traiterez de schizophrène si je vous dis que le manque de trame narrative ne m'a pas dérangé. Une femme se proméne le long de la scene agitant sa robe comme Kitri, comme quoi chaque oeuvre influence considérablement ses interprètes. L'ensemble joue surtout sur l'effet de lumiere, créant des espaces où se placent les differents danseurs. De très belles images se succèdent avec des interprètes très impliqués. Il est tres intéressant de voir comment Allister s'inscrit dans sa chorégraphie comme il l'imagine et comment Hugo Marchand la perçoit comme danseur.

Mais le plus beau moment de cette soirée, ce en quoi je l'imagine peut être le plus sur la scène officielle de l'Opera, reste Smoke Alarm de Julien Meyzindi. Déjà l'apprenti choregraphe a su s'entourer de supers danseurs: Renavand et Gasse ont déjà fait très largement leurs preuves sur les deux scènes principales. Etonnamment, même si je suis un enorme fan d'Alice, c'est la prestation de Gasse qui m'a le plus plu, dont le solo introductif. Mais ensemble ils forment un très beau couple, avec de très belles lignes, un grand raffinement dans la danse, surtout grace à la présence d'Alice.

Je suis passé complètement à côté du Songes du Douanier, j'ai decroché au bout d'une minute. Le public semblait ravi, je n'ai vraiment pas compris. Voir sur l'affiche Galloni et Ranson me faisait baver d'avance. Mais alors Galloni passe son temps derrière un éventail deplié et Charlotte est tournée en ridicule car elle ne réussit pas à mettre son affreuse robe verte. Je me sens comme dans un retour à la nature depuis la civilisation, finissant sur une sorte de parallèle avec le Roi Lion. Bref donc non. Enfin si, pour revoir un strip tease de Charlotte Ranson.

Et cette soiree très intéressante finit par la pièce la plus intéressante: Stratégie de l'Hippocampe. Qu'en penser? Je n'en sais toujours rien. La prestation d'Eve Grinsztan sans doute, mais également de l'ensemble des danseurs: l'homme, sa femme, ses deux enfants et le chien. La photo de famille parfaite se désintègre dans une atmosphère un peu à la Mats Ek: le frère tue sa soeur, punit le chien. Le père quitte la mère qui prend alors son destin en main. Les costumes rappellent l'imagerie proustienne, alors forcément, cela contribue à une impression positive. Que dire? La danse semble naturelle, s'inscrire dans un cadre narrative.

Une soiree donc très mosaïque, avec de multiples impressions tout aussi variées!

Paul Taylor au Lincoln Center

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David H Koch Theater
14 mars 2013
Le Sacre du Printemps (Rehearsal), Last Look et Esplanade
Paul Taylor Dance Company

 

Alors que je suis en séjour à New York, la seule compagnie de danse alors en résidence est la Paul Taylor Dance Company. Je l'avais déjà "vue" à Chaillot lors de la dernière session des étés de la danse. Mais c'était alors le soir d'une journée importante en examen et je m'étais assoupi, ouvrant de temps en temps un œil. Bref, je n'en avais pas un souvenir conquis.

J'accède donc pour la première fois au David H Kock Theater, celui la même qui avait été refait par Balanchine pour ses pièces. La place payée peu cher donne accès à une excellente visibilité. Mon amie new-yorkaise s'excuse quand même du léger angle-mort. Il faudrait que je l'emmène à Garnier pour qu'elle réalise ce qu'est vraiment un angle-mort!

Pour revenir à Paul Taylor, son écriture chorégraphique m'a vraiment surpris. Il a travaillé pour Balanchine, que je connais un peu, et Martha Graham, dont je ne connais rien. Les trois pièces m'ont semblé bien différentes même si elles se rattachaient toutes les trois à un genre bien précis, pourtant difficile à cerner.

La gestuelle purement classique a évidemment disparu, pas de pointes ou de portés majestueux ou encore de grands jetés. Mais des gestes simples: des personnes qui courent, s'arrêtent, tombent, se roulent, jettent violemment les bras, se recroquevillent. Ceci me confirme un point: la danse est un ensemble de mouvements particulièrement magnifiés. Les pas ne consistent pas la danse,c'est l'ensemble qui prime.

Le sacre du printemps (The Rehearsal) est ma première version de l'œuvre de Stravinsky. Et préparez vous à lire quelques revues en cette année du centenaire, notamment au Théâtre des Champs-Elysées. Cette œuvre semble récupérer l'héritage des Ballets Russes, avec la façon égyptienne de marcher de L'après midi d'un Faune. 
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Ici le théâtre prime sur la danse. Je vous avoue ne pas avoir aisément compris tout l'argument. Un vol d'enfant, que la mafia souhaite récupérer, puis tout le monde finit par se battre et mourir. La mère dans un dernier solo désespéré pleure la mort de son enfant avant de succomber. A peu de choses près, ça doit être ça. C'est distrayant, la danse y est très concentrée; même si je n'ai pas été transcendé devant ce qui me paraît parfois être de la pantomime, j'ai bien aimé.

Last look me plonge tout de suite dans une toute autre dimension, bien plus psychologique et déprimante. Un tas amorphe commence à s'agiter dans la pénombre, entre des miroirs qui forment un demi-cercle sur la scène. En réalité, ce tas est constitué d'hommes et de femmes qui se lèvent et commencent une danse macabre, lourde et oppressante. Mais surtout très belle. Que demander de plus que d'être subjugué par un spectacle?

Les corps qui parfois tiennent ensemble le temps d'un instant, tombent les uns après les autres, laissant alors le terrain à des solos ou des duos. Les danseurs regardent parfois les miroirs, ne se regardent jamais directement dans les yeux, et s'ils le font, s'effondrent alors directement à terre.

Métaphore de l'oppression actuelle de notre époque, où les miroirs sont omniprésents, mais où on ne se regarde pas, ou les contacts sont omniprésents, mais où on ne regarde pas l'autre.

Un entracte plus tard, l'atmosphère a bien changé avec Esplanade, une des œuvres phares de la compagnie. En fait je l'avais vu à Chaillot en juillet dernier, la seule pièce dont je me souvenais à peu près.
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C'est superbe, joyeux. Comme le disait une professeur de danse à l'entracte, il y a très peu de pas, mais les danseurs courent, sautent, s'arrêtent, ce qui est sans doute le plus dur. Dans des tons pêches, ils traversent la scène, forment des rondes, des files indiennes, des formations toujours très simples ou les mouvements s'enchaînent. La danseuse, Michelle Fleet, semble symboliser cette joyeuse énergie!

Les mouvements plus sérieux et mélancoliques s'intercalent entre de joyeuses valses de Bach. L'ensemble me ravit. Désuet, heureux, insouciant. Les minutes s’écoulent sans que je les voie, et le temps de se poser la question la pièce est déjà finie, toujours avec une bonne humeur générale.

De longues intrigues espagnoles au Met

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Don Carlo, Verdi
Metropolitan Opera
16 mars 2013
Direction musicale: Lorin Maazel; Mise en scène: Nicholas Hytner; Don Carlo: Ramon Vargas; Elisabeth de Valois: Barbara Frittoli; Un Moine: Miklos Sebestyen; Rodrigo: Dmitri Hvorostovsky; Philippe II: Ferruccio Furlanetto; Princesse d’Eboli: Anna Smirnova; Le Grand Inquisiteur: Eric Halfvarson.


4h de Verdi, c'est long et un peu frustrant. Surtout quand l'œuvre est très inégalement repartie et qu'il faut attendre le quatrième et cinquième pour arriver à de véritables beaux moments.

Don Carlo, c'est donc le plus long opéra de Verdi, et celui avec le livret le plus sérieux et historique. Don Carlo, fils du roi Philippe d'Espagne, était destiné à Elisabeth de Valois, fille d'Henri de France. Les deux jeunes gens se promettent un amour éternel. Mais les changements du traité d'amitié entre les deux nations entrainent un nouveau mariage: Philippe et Elisabeth. Vous imaginez la suite de l'histoire romantique qui rappelle Phèdre et se soldera par la mort du personnage éponyme.

Connectez la grande Histoire à la petite en illustrant les révoltes flamandes dont Don Carlo devient tout d'un coup le leader politique ainsi que le pouvoir de l'Inquisition qui ose rivaliser avec la couronne espagnole. Ce joli cocktail consiste donc le livret.
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Finalement cet opéra rassemble plusieurs thématiques, plusieurs genres avec des scènes très différentes dans leur esprit pourtant rassemblées par la trame dramatique.

Le premier acte est à lui seul une mini tragédie, à la Traviata: la rencontre anonyme des inconnus, leur promesse d'amour et leur terrible séparation. Le tout dans une mise en scène sobre d'un jardin sous la neige. Dommage de commencer par cela, nous n'avons pas eu le temps de s'attacher aux personnages et la tragédie ne fonctionne pas. Je reste tout à fait passif devant ces déchirements.

Le deuxième acte semble une peinture de l'Espagne de l'époque. Un aspect tout d'abord très mystique devant la tombe de 'Carlos', ou Charles Quint, grand-père du personnage central. Puis s'ensuit une peinture plus Don Quichotte avec des éventails rouges et des scènes de flirt sur une musique de guitare avec une chanson plus légère. La première partie est très sombre et rivalise avec les couleurs de la seconde pour un acte globalement acceptable.

Les scènes grandioses me rappellent Khovantchina, en plus light. Ainsi celle de l'autodafé qui illustre le pouvoir ecclésiastique au troisième acte. Des grands chœurs puissants, des figures religieuses et politiques charismatiques, des hommes brulés: un bien beau tableau.

En ce qui concerne les actes 4 et 5, j'ai plus de mal à les rattacher à d'autres opéras que j'aurai pu voir. Et donc c'est peut être pour cela que je les ai le plus aimés. Ils ont permis aux incroyables solistes de briller totalement.
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Mon gros coup de cœur de la soirée est pour le Rodrigo de Hvorostovsky. En ami de Don Carlo, j'ai parfois du mal à savoir à savoir de quel côté il est, ces subtilités lui apportent tout le piment nécessaire. Sa voix de baryton est un vrai délice.

Les deux basses qui se confrontent dans l'acte 4 relèvent du combat de titans, le roi contre l'Inquisiteur. Le premier a parfois une voix un peu nasillarde et le deuxième m'insupporte à être constamment porté par deux sbires. Mais cela importe peu par rapport à leur talent. Une impression de grandiose et de pouvoir englobe soudainement la salle du Met.

Finalement celui qui m'inspire le moins dans les rôles masculins est Don Carlo, piètre rôle dans l'opéra qui me laisse assez indifférent, à l'inverse du reste du public visiblement conquis. Les derniers instants réussissent néanmoins à me séduire, mais c'est surtout grâce à la fabuleuse Elisabeth de Barbara Frittoli.

Je l'avais déjà vue en Comtesse de Figaro il y a quelques années à Bastille en face de Tézier, et j'en avais gardé la meilleure des impressions. Ici, même si de mon très très haut balcon je ne la reconnais que difficilement, elle ne me déçoit pas. Beaucoup de finesse, de grandiose même dans son malheur. Une voix juste et forte.

En face Smirnova n'a rien à voir, sauf le talent. Eternel combat de la brune contre la blonde finalement. Elle campe une Eboli fièrement espagnole, qui sait jongler entre la sage femme d'atours, la maitresse du roi et la femme vaincue. Sans doute la meilleure tragédienne de cette soirée. Une voix violente et assurée, à la hauteur du rôle.

Un bon spectacle dans une sage mise en scène, servi, comme souvent au Met, par des chanteurs de grand talent.

Otello, un très bon Verdi au Met

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Metropolitan Opera
20 mars 2013
Direction musicale: Alain Altinoglu; Mise en scène: Elijah Moshinsky; Montano : Stephen Gaertner; Cassio: Alexey Dolgov; Iago: Thomas Hampson; Roderigo: Eduardo Valdes; Otello: José Cura; Desdemona: Krassimira Stoyanova; Emilia: Jennifer Johnson Cano

 

Quelle belle soirée! Pour une fois (et c'est finalement assez rare sur ce blog), ce n'était pas une 'belle découverte ce soir là, mais une très belle soirée grâce à une œuvre que j'ai eu grand plaisir à revoir. Otello, cela me rappelait certainement ma superbe soirée de dernière minute au Royal Opera de Londres, où mon mal de dos (place à quatre livres debout sur le côté, très proche de la scène) avait largement été compensé par un super spectacle.

De nouveau, je vois l'opéra dans une mise en scène tout à fait classique et réussie, avec des interprètes qui ont su donner le meilleur de la partition, déclenchant alors les ovations du public.

Ainsi de la Desdémone de Stoyanova, entendue déjà dans Luisa Miller à Bastille, une autre très belle soirée verdienne, est l'apothéose de cette soirée. Dès le début, elle réussit à nous toucher, adoucissant son Maure de mari et lui rappelant avec grâce leur première rencontre. Après son solo du quatrième acte, le public l'ovationne sans même se soucier de sa mort prochaine. Seul bémol: l'enfant qui commence à pleurer quelques mètres plus loin. Sinon je pense que je me serai transformé en madeleine....
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Si Iago paraît moins puissant vocalement qu'à Londres au début mais ces airs les plus terrorisants fonctionnent tout à fait. Il me semble ici bien plus vicieux. Je sens bien un esprit non pas forcément méchant mais réellement sournois: un grand bonhomme qui s'amuse à calomnier dans tous les sens. Il faut d’ailleurs avouer que la raison d’une telle haine et un peu trop mince, et je crois donc à la méchanceté gratuite. Il ressemble bien plus à un serpent de la Genèse, qui apporte le conflit pour son plaisir personnel, qu’à un fin calculateur avec une idée derrière la tête. I

Ce trio se finit impeccablement avec un Otello puissant, massif, mauresque et imposant. Sa voix me glace sans doute moins qu’Antonenko, mais il gagne ici un peu d'humanité, avec des cris de douleur qui permettent de donner à ce personnage trop typé des sentiments bien plus vraisemblables. On reste finalement bien terrorisé par le bonhomme quand même !

Dans les seconds rôles, je remarque un Cassio très bon dans le côté jeune-premier-capitaine-d’armée mais vocalement un peu faible et une Emilia qui se révèle majestueusement dans les dernières scènes.

La scène du Met est bien grande, plus imposante que Covent Garden, et la scénographie est donc tout à fait sublime. La première scène affiche une partie en hauteur, qui descend par la suite, pour révéler d'immenses colonnes de palais vénitien, des balcons et des marches. Un fond bleu beaucoup trop lumineux et un peu kitsch est vite recouvert pour les scènes d'intérieur par un mur avec d'immenses peintures chrétiennes. L’aspect grande production classique mais toujours pertinente, c’est quand même bien pour une maison d’opéra. Le tout crée une imagerie très littérales, mais particulièrement forte, avec des chanteurs qui savent jouer les personnages.
http://archives.metoperafamily.org/Imgs/Otello.0203.09.jpg
Le succès est donc largement au rendez vous, à l'exception néanmoins du passage du peuple chypriote remerciant Desdémone, qui m'a paru bien niais comparé au reste de l'œuvre si tragique. Et l'enfant de huit ans qui commence à pleurer très fort pendant l'histoire de Barbara été également très dispensable! Mais l'émotion est bel au bien au rendez vous et je sors la gorge nouée après la mort du couple.

J'ai pu mieux apprécier Otello que Don Carlo quelques jours avant, grâce au 'Rush tickets', ou des places à 20 dollars pour tous les types d’audience à retirer à n'importe quel moment dans la journée du spectacle. Même pas besoin de faire la queue pendant des heures!

Je me retrouve donc au parterre, sous la corbeille. La musique, dirigée par Altinoglu, réussit à passer, et m'a paru tout à fait superbe. Finalement, en comparant avec Don Carlo, Verdi ferait mieux de ne pas se compliquer dans des livrets trop complexes, les histoires d’amour simples comme Traviata ou Otello, c’est ce qu’il y a de mieux et de plus efficace.

Nomination d'Eleonora Abbagnato

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Palais Garnier
27 mars 2013 

 

Mon calendrier du mois de mars était très chargé, aussi n'avais-je que la soirée du jeudi 28 au programme pour Roland Petit. Mais le vent tourne et depuis mardi passe une rumeur de nomination d'étoile. Comment? Qui? Finalement on arrive finalement à cerner la belle italienne: elle danse le long ballet du triple programme accompagnée de la plus grande des étoiles, Le Riche.

  

Ni une ni deux je saute sur l'occasion au dernier moment, et même si ce n'est pour arriver qu'à l'entracte, ma place me permet d'apprécier, avant tout un très bon spectacle. Je reviendrai plus tard sur ce programme intégral que j'ai pu voir le lendemain de la nomination. Focalisons-nous alors sur la prestation d’Eleonora.

 

Quand Abbagnato arrive sur scène, c'est une grande liane qui domine tout Séville, ou au moins tout Garnier. Elle respire déjà la violence. Alors que je la fixe avec mes jumelles, une main apparaît par le coté droit de la lunette: c'est Nicolas. Le sérieux, la noblesse et l'élégance d'un Don José qui montre bien que Le Riche est habitué aux plus grands rôles classiques. Il est tout d'un coup subjugué par cette divine plante de deux mètres, constamment sur pointes. Mais trop tard, elle se fond dans la masse de ses nombreux amis.

 

La chambre est le plus beau moment de la soirée : jalousie, possessif, érotisme et amour. Le parallèle avec Manon est aisé. Des derniers frissons, un dernier signe d'un amour incontrôlable qui les dépassait tous les deux. Le pas final est violent et passionné. Le long corps d’Eleonora tombe, et la musique de la fête revient soudainement, comme pour indiquer la simplicité d'une telle histoire.

 

Audric Bezard y était très violet et blanc en mode cow boy fictif Escamillo mais très bon acteur et facilement imposant sur scene. Et saupoudrez d'un solo d'incompréhension de Le Riche acceptant de tuer un homme, et donc de se tuer lui même. La prestation d’Alu en roux plein d’énergie marque aussi cette belle soirée.

 

Le rideau descend, j'ai à peine le temps de prendre mes esprits et de purger cette mort qu'il faut ensuite passer à la nomination

 

"Vite vite, que les lumières ne se rallument pas...." Me dis-je à chaque baisse de rideau. Enfin cette nomination était quand même prévisible. Dans la salle: Claude Bessy, Elisabeth Platel, Benjamin Pech, Agnès Letestu, Nicolas Joël, des joueurs de foot italiens (avec de jolies queues de cheval). Et la caméra qui s'installe comme moi à l'entracte. Mais quand même, c'est toujours un peu stressant.

http://blogapetitspas.fr/wp-content/uploads/2013/03/Eleonora_Abbagnato_Nicolas_Le_Riche_Carmen-728x1024.jpg

Mais enfin, Nicolas Joël arrive, au bras de Brigitte Lefèvre. Il n'a toujours pas l'air très en forme, alors qu'il avait l'air d'aller mieux pour nommer Hoffalt l'année dernière (quelques jours avant que je me décide à créer un blog). Il rend hommage à Roland Petit, aux grands rôles qu'il a pu créer et qui permettent aux grands danseurs de s'illustrer. Et c'est le cas d'Eleonora "abbignito." Bon passons sur la langue qui dérape. 

 

La nouvelle étoile est déjà en pleurs au fond de la scène. Elle l'a bien bien attendue cette nomination. Douze ans qu'elle était première danseuse. Elle a dansé beaucoup de Petit, ce sont d'ailleurs les seuls spectacles ou j'ai pu la voir, avec du Balanchine et du Forsythe aussi. Mais alors que les années et les rumeurs de nomination passent, elle décide de prendre du recul par rapport à l'Opéra. Elle rentre en Italie, joue au mannequin et passe à la télé. Elle revient brièvement en 2010, le temps que je l'admire dans Le Jeune et la Mort avec le même Le Riche. Puis elle a eu un enfant et les rumeurs ont couru qu'elle allait travailler à l'Opéra de Rome. Heureusement elle est revenue cette saison sur Balanchine.

 

En repensant à cette première soirée avec elle en 2010, je m'étais bien demandé qui était cette super danseuse que je ne connaissais pas. Quelques années après, je me dis toujours la même chose. Elle mérite tout à fait d'être étoile, mais est nommée à un période où étrangement la nouvelle génération, comme moi, n'a pas eu le temps de bien la voir danser. J'espère que cette nomination sera l'occasion pour elle de danser bien plus à Paris! Joël a parlé d’un nouveau départ pour les étoiles, j’espère que ce sera le cas.

 

Je vous laisse admirer les images filmées par notre caméra cachée locale. Des compte-rendus à venir ou déjà là chez Le Petit Rat, Blog à Petits Pas et peut-être Klari.

 


Soirée(s) Roland Petit

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Palais Garnier

27 mars 2013
Carmen 
Carmen : Eleonora Abbagnato ; Don José : Nicolas Le Riche ; Escamillo : Audric Bézard ; Les Brigands : Valentine Colasante, François Alu et Mathieu Botto
28 mars 2013
Le Rendez-vous
La plus belle fille du monde : Eleonora Abbagnato ; Le Jeune Homme : Nicolas Le Riche ; Le Destin : Stéphane Phavorin ; Le Bossu : Hugo Vigliotti ; La Fleuriste : Peggy Dursort
Le Loup
La Jeune Fille : Amandine Albisson ; Le Loup : Audric Bézard ; La Bohémienne : Caroline Robert ; Le Jeune homme : Alexandre Gasse
Carmen
Carmen : Aurélie Dupont ; Don José : Karl Paquette ; Escamillo : Alexis Renaud ; Les Brigands : Caroline Bance, Allister Madin et Maxime Thomas
Direction musicale : Yannis Pouspourikas et l’orchestre Colonne.

 

Chez Petit, les femmes poussent les hommes à bout, jusqu’à la mort. Elles sont des Eves modernes, symboles de féminité, rassemblant la grâce et parfois la vulgarité pour voir jusqu’à où les hommes peuvent aller. Elles ont des avis assez finis sur la question : elles savent que l’homme se corrompt facilement. Elle consume un homme comme elle le ferait d’une cigarette. Et d’ailleurs des cigarettes il y en a, celle qui introduit brillamment le Jeune Homme et la Mort, où encore celle de la Plus Belle Fille du Monde (ou PBFDM) du Rendez Vous. Et Carmen travaille dans une manufacture de tabac. Beaucoup de cigarettes à consommer pour toutes ses femmes. Il manque juste l’allumette qui déclenchera la bombe.

 

Dans le Rendez Vous, l’homme encore pur et naïf, dans l’insouciance de l’après-guerre où l’amour n’a vraiment pas été la priorité, réussit à tromper le destin en lui indiquant qu’il s’apprête à rencontrer la plus belle femme du monde. Dans son idéalisme romantique parisien, cela fait bien longtemps qu’il espère la rencontrer. Dans les danseurs présents au début, n’avez-vous pas rencontré cette charmante jeune personne vendant des fleurs dans la rue, comme une Mimi de la Bohème encore plein d’idéal ? Et comme pour la contre balancer, le personnage du bossu, un Quasimodo qui sait que l’amour n’apporte rien. Et pourtant tout le monde se moque de lui, même s’il essaie de s’intégrer.

http://www.operadeparis.fr/resources/medias/Accueil/Roland_Petit.jpg

Le Riche est un jeune homme tout à fait crédible, bien qu’il soit XX ans (à partir d’un certain âge, ça ne se dit plus), fougueux, précis, tantôt jovial, tantôt nostalgique. Il semble vraiment avoir 20 ans quand il danse les mains dans ses poches, comme un jeune adulte qui semble s’extasier de tout, n’a pas encore de jugement méchant. C’est le seul à ne pas se moquer du pauvre bossu et à lui proposer de danser avec lui. C’est pour lui un jeu que de mentir au destin ; il en rigole d’ailleurs bien. Quand il rencontre la PBFDM, il ne sait pas ce qu’il doit faire. La toucher, l’embrasser, sentir son odeur ?

 

Eleonora Abbagnato, au lendemain de sa nomination, rejoue le rôle de la Mort que je l’avais vu interpréter il y a deux ans, la femme fatale ; talons aiguilles, haut moulant et cigarette. Implacable, cynique, froide mais si sensuelle. Alors que le jeune homme devient enfin homme en se perdant dans la passion, le canif s’ouvre et le tue. C’est lui qui a menti au destin pour sauver sa mort, le destin lui enverra la femme pour lui procurer la mort. La mante religieuse est passée par là.

 

Dans le Loup, Petit émet l’hypothèse que les femmes cherchent en réalité un idéal d’homme par rapport au modèle standard proposé qui convient finalement peu. Ainsi la jeune fille qui se marie semble bien résignée avec son fiancé en jaune et vert (en même temps, habillé comme cela, je comprends). Une nouvelle fois, l’homme qui a accédé à l'amour ne peut pas être responsable. A peine marié, ce salaud d’Alexandre Gasse part se payer une charmante bohémienne pour quelques embrassades peu retenues. Avec Caroline Robert, ils ont formé un couple qui ne m’a pas tout à fait convaincu, techniquement correcte mais avec peu de caractère.

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Une supercherie plus tard, le loup remplace le jeune homme et Amandine Albisson repart main dans la main avec la bête, le massif Audric Bézard. S’ensuit un pas de deux très beau. Si je n’aime pas particulièrement le Loup comme œuvre, entre des costumes et des décors d’un kitsch effarant et pantomime un peu fatigante, ce moment m’a bien touché. La musique de Dutilleux englobe très bien l’ensemble. Le Loup devient soudainement humain et apprend à danser en suivant les pas de la douce jeune femme. Des portés très beaux, des doublés raffinés, j’y croirais presque. Puis la suite se déroule, mais la Belle et la Bête finit mal et les amants se sacrifient : leur amour trop pur ne peut pas durer et la jeune fille refuse de vivre avec le méchant mari, bien trop normal. Et on en rajoute une couche sur la bestialité des humains, finalement plus sauvage que le loup lui même.

 

Carmen, c’est l’apothéose de l’oiseau blanc corrompu par la femme sulfureuse (l'oiseau rebelle finalement). A nouveau, un homme qui accède à l’amour et la passion et ne peut plus en sortir : la seule solution est la mort. J’ai vu le ballet deux fois, le mercredi avec Nicolas Le Riche et Eleonora Abbagnato pour sa nomination, le lendemain avec Paquette et Dupont. Deux versions bien différentes d’une même histoire.

 

Pour le ballet en général déjà, ce qui est dès le début excellent, c’est la musique, jouée par un orchestre Colonne en grande forme. Me retrouvant à l’amphithéâtre jeudi, je réalise avoir oublié quel bonheur acoustique ce lieu représente. Petit a repris la version instrumentale de l'opéra de Bizet. Une invitation au karaoké évidemment, surtout quand le corps de ballet se met à chanter de façon très brute l'air de l'amour, enfant de bohème. Le coup de maître est lors des derniers instants, quand Bizet s'arrête et que des tambours prennent la place, organisant une ambiance tendue et particulièrement stressante sur la scène.

 

Quand Abbagnato arrive sur scène, c'est une grande liane qui domine tout Séville, ou au moins tout Garnier. Elle respire déjà la violence. Alors que je la fixe avec mes jumelles, une main apparaît par le coté droit de la lunette: c'est Nicolas. Le sérieux, la noblesse et l'élégance d'un Don José qui montre bien que Le Riche est habitué aux plus grands rôles classiques. Il est tout d'un coup subjugué par cette divine plante de deux mètres, constamment sur pointes. Mais trop tard, elle se fond dans la masse de ses nombreux amis.

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Puis les pas de deux se succèdent et n'en deviennent que plus beau, chacun dans leur genre. La Taverne est érotique, chacun y est sensuel l'un après l'autre. Mais des la chambre, l'érotisme est passé et Carmen s'ensuit déjà, lascive elle tente de s'échapper mais retombe soudainement dans les bras de son José. Sans doute le plus beau moment de la soirée, des pas qui s'enchainent impeccablement et avec une beauté rare. Puis le pas final où se mélangent tour à tour le refus, la haine, la jalousie et même à nouveau de la sensualité. C'est Carmen qui saute dans les bras de Jose, et donc sur sa mort. Des derniers frissons, un dernier signe d'un amour incontrôlable qui les dépassait tous les deux. Puis le corps tombe, et la musique de la fête revient soudainement, comme pour indiquer la simplicité et la banalité d'une telle histoire.

 

Voilà doncce que j’avais écrit le soir même de la prestation Le Riche/Abbagnato. Pour Paquette/Dupont c’est une autre histoire.

 

Dupont garde sa grâce naturelle, sa technique impeccable et son assurance altière. Mais elle ne réussit pas à être la Carmen vulgaire ouvrière avec sa team de méchants garçons. Quand elle sort de la manufacture et qu’elle doit se battre telle une garce avec une ouvrière, j’ai bien du mal à voir la garce. J’ai l’impression de voir deux amies qui dansent ensemble, avec une des deux qui se prend trop au jeu. Mais fichtre qu’est ce qu’elle danse bien. Peut-être est-elle trop habituée au rôle de princesse. La prêtresse hindoue a du mal à se glisser dans la peau de l’espagnole des bas niveaux. Dans la chambre, elle parait très douce, avec certes un regard bien sarcastique, mais j’ai du mal à imaginer cette petite femme très droite mener Paquette par le bout du nez.

 

Amusant d’ailleurs un Paquette aussi méconnaissable ! J’ai d’abord cru à un remplacement de dernière minute, à un Magnenet propulsé sur scène comme dans Cendrillon. Et en fait non, les coiffeurs de Garnier ont fait des miracles en plaquant la mèche blonde. Et Paquette de se retrouver dans un rôle qui lui va bien, où il faut être noble et beau, comme le rôle de l’abonné dans La Petite Danseuse de Degas qui lui allait comme un gant. On réussit même à croire à la sensualité dans la Chambre et à la violence dans la dernière scène. Mais en comparant avec Nicolas, le choc est toujours un peu rude.

 

Les rôles des brigands permettent d’expliquer clairement au spectateur qui n’aurait pas compris que nous sommes bien dans l’énergie de la danse ibérique avec des Allister et François très roux et entreprenants et des Valentine et Caroline très énergétiques.

 

Plusieurs danseurs, plusieurs histoires, mais finalement toujours un grand pessimisme sur les hommes et les femmes : l’exposé de Petit est clair et compréhensible de tous.

 

Soirée avec Antonacci à Favart

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Il Segreto di Susanna: Wolf-Ferrari
La Voix Humaine: Francis Poulenc
Opéra Comique
29 mars 2013
Direction musicale : Pascal Rophé et l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg ; Mise en scène : Ludovic Lagarde ; Contessa Susanna-Elle : Anna Caterina Antonacci ; Conte Gil : Vittorio Prato ; Sante : Bruno Danjoux

 

Grâce au super passeport jeune de l’Opéra Comique (dont je me permets de faire la pub ici, suivez le guide pour prendre le vôtre), je me suis pris presque toutes les soirées de Favart. Et quelle soirée sympathique ! Pour ceux qui ne l’ont jamais entendue, Anna Caterina Antonacci est quand même un sacré phénomène. Après une Cassandre extra l’année dernière à Londres et une Carmen que je n’ai pas eu le courage d’aller entendre, la revoilà dans deux rôles bien loin du grand répertoire. Elle se rapproche de ce que la cantatrice est aujourd’hui : une femme moderne et indépendante.

 

Dans Le Secret de Susanne, le personnage est la femme aboutie de notre époque : à la fois Comtesse et Susanne, Les Noces de Figaro sont bien loin, camériste et noble ne font plus qu’une. Mais nous restons encore au début du XXème siècle, Susanne a encore un domestique, qui n’a pas le droit de chanter certes mais qui joue un rôle considérable de complice. Complice de quoi ?? D’une horreur : la comtesse fume. Et son mari d’imaginer qu’elle a un amant qui enfume l’appartement.

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On n’est pas loin de Feydeau et des « ciel, mon mari », avec des costumes et des jeux de lumières très colorés qui campent une très bonne ambiance. La musique est très moderne et remplit tout l’espace, avec des thèmes simples et très agréables. L’Orchestre Philharmonique du Luxembourg s’assure un bon succès. On s’amuse devant les situations absurdes, on s’émeut devant les déclarations d’amour des deux jeunes mariés. Vittorio Prato est un baryton qui semble avoir une vie très importante et parait bien ridicule à ne pas trouver l’amant inexistant de sa femme. La situation n’en est que plus savoureuse.

 

Avec La Voix Humaine, on change tout à fait de registre. Le couple n’est plus tout jeune, mais la maîtresse tente de se rattacher à son amant. Il veut récupérer les lettres qu’ils se sont échangés, ne va presque plus jamais la voir. Et elle de son côté ne quitte presque plus son pyjama et son appartement et son téléphone, fait des tentatives de suicide…. L’ambiance est un peu glauque.

 

Heureusement la mise en scène fait paraitre cette œuvre moins longue qu’à l’Athénée. Finalement c’est un peu dur de ne pas réaliser quelque chose de statique. Mais ici, le plateau tourne, nous emmenant dans le salon, la chambre et la salle de bain de la femme. Dans la salle de bain, elle fait couler un grand bain qui déborde, comme si la deuxième tentative de suicide n’était pas loin. Je remercie mon voisin intellectuel qui a cru se retrouver avec cet appartement blanc devant une pub pour un lavabo. Merci, mais la sobriété révèle plutôt l’obsession de cette pauvre femme envers son amant, qui l’intéresse plus que de décorer son appartement qui n’a certes aucune chaleur. Sa vie est devenue aussi blanche que les murs.

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Antonacci me convainc tout à fait dans ce rôle de femme désespérée, qui se rattache finalement à ses grands rôles tragiques, mais avec ici la perfide invention du téléphone, qui ne permet plus d’élan romantique. Quand elle parle de journée avec les pneumatiques à Versailles, je me crois bien dans Proust quelques décennies avant. Mais Proust est mort depuis longtemps, les temps ont changé et les amantes ne meurent plus de tuberculose ou d’amour. Ne reste que le suicide. On pleurerait presque devant le désespoir d’Anna Caterina. A nouveau un succès pour l'Opéra Comique!

 

Il Diluvio Universale, Falvetti

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3 avril 2013
Opéra Comique
Direction musicale : Leonardo Garcia Alarcon et Cappella Mediterranea ; Noé : Fernando Guimaraes ; Rad : Mariana Flores ; Justice divine : Evelyn Ramirez ; La Mort : Fabian Schofrin ; L’Eau : Magali Arnault Stanczak ; L’Air et la Nature Humaine : Caroline Weynants ; Le Feu : Thibault Lenaerts ; La Terre : Sergio Ladu ; Dieu : Matteo Bellotto ; Percussions : Keyvan Chemirani

 

Finalement les meilleurs concerts sont ceux où on arrive sans rien connaitre. Et c’est souvent le cas pour le répertoire baroque, revenu à la mode alors que je commençais à fréquenter les salles de musique. C’est devenu la passion de certains musicologues ou musiciens de retrouver des vieilles partitions égarées par le temps et les goûts des spectateurs. Dans cet esprit là, j’avais eu la chance de voir le superbe Artaserse au Théâtre des Champs. Cette fois, avec le soutien d’Esprit Musique, outil du mécénat de la Caisse d’Epargne, qui m’invite, le chef argentin Leonardo Garcia Alarcon a pu recréer un dialogue à cinq voix et cinq instruments (non non ce n’est pas un oratorio) : Il Diluvio Universale, de Falvetti.

 

Cela fait dix huit mois que la même équipe travaille ensemble : direction, solistes, chœurs et orchestre. On peut percevoir une grande complicité sur toute la scène. L’Opéra Comique permet une grande proximité entre la salle et la scène. Il est donc facile de voir les clins d’œil, les tapes dans le dos, les mains qui se tiennent (et même quelques violons qui parlent entre eux…). Tout le monde est content d’être là, et semble vraiment donner son meilleur. Le chef d’orchestre le dira lui-même entre les nombreux bis qui clôtureront la soirée : jouer à l’Opéra Comique est pour lui un événement marquant dans sa vie.

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Il Diluvio traite du déluge que Dieu a infligé à l’homme pour ne plus écouter sa parole. La Justice divine s’insurge contre la nature humaine, avec le soutien des quatre éléments. S’ensuit un dialogue entre Noé et sa femme Rad ; une discussion de Noé avec Dieu ; l’apparition de la Mort qui se réjouit devant La Nature Humaine en larmes. Puis Noé et Rad réalisent qu’ils sont vivants et les chœurs se réjouissent de l’apparition du soleil.

 

C’est d’une variété éclatante, du point de vue de la musique et des chants. Alors que l’ouverture se joue, la Justice Humaine, assise au premier rang du parterre, se lève en chantant violemment, comme pour arrêter la musique, humaine, qui, effectivement, se freine. Puis l’arrivée des quatre éléments est tout aussi impressionnante, on sent la primitivité d’un tel instant : Dieu avec ses éléments s’insurgent contre l’homme. Chaque élément a une voix bien différente, c’est un vrai régal.

 

C’est ensuite l’instant de la révélation avec le couple Noé Rad. Si Guimaraes est un Noé tout à fait correct, une voix profonde et très humaine, c’est bien Mariana Flores qui brille dès le début. Déjà par sa robe un peu étrange (comme d’un peuple primitif antique, ok c’est dans le thème), mais surtout par son soprano fort et clair. Un petit bijou qui brille dans l’écrin Comique.

 

Le dialogue entre Dieu et Noé est du meilleur effet. Dieu est perché dans une loge d’apparat et regarde le petit homme de haut, avec une basse profonde face à ce Noé dont le tremblement de la voix indique bien la faiblesse et la peur du futur dernier homme. Il tente de comprendre où est passée la pitié divine, de savoir ce qu’il va se passer : mais Dieu ne changera pas.

 

Un petit tour de génie avec la symphonie de la tempête. Une seule corde, puis plusieurs, quelques percussions, les violons s’en mêlent, et nous sommes noyés. Le niveau monte. Les Chœurs ne savent plus où aller et pendant qu’ils chantent leurs plaintes, certains choristes crient comme s’ils se noyaient réellement. Cela parait si moderne ! Aucune barrière n’a encore été élevée, aucune règle de l’opéra n’a été édité : le compositeur a toute sa liberté.

 

La Nature humaine me touche ensuite  avec une sensibilité exquise, qui lui amène les larmes aux yeux, malgré les pitreries de la mort qui se moque d’elle. Sa voix n’est peut-être pas très puissante, mais elle se tient, un peu plus grave que L’Eau.

 

On revoit la liberté de la partition avec la tarentelle de la Mort qui se réjouie sur une musique très joyeuse, tambourin dans la main. Il est affreux, monumental, boiteux : une mort gigantesque et… contre-ténor. Réjouissant, quand il le reprend en bis, il entraine la foule avec lui. Tout semble improvisé, les solistes s’amusent, c’est merveilleux.

http://www.classiquenews.com/images/articles/Il-Diluvio_Accent-Tonique.jpg

Mon gros coup de cœur reste l’avant dernier air Ecco l’Iride paciera, avec trois merveilleuses solistes : Rad, l’Eau et l’Air. Une fraicheur de ces trois voix tout aussi variées : timide, expressive, puissante, retenue : je vous laisse découvrir cela ici. Le final rassemble presque tout le monde pour un air bien plus classique, mais tout aussi sympathique.

 

La musique se mélange à des tons de percussions de l’iranien Keyvan Chemirani, créant des sonorités qui paraissent très modernes, avec des instruments comme le zarb, l’oud ou encore le daf. Vous ne les connaissez pas ? Moi non plus, mais c’est très agréable.

 

En bis nous avons L’iride paciera avec l’explication de l’image de l’arc en ciel – harmonie par Leonardo Garcia Alarcon et l’amélioration de la météo. Puis, étonnamment, Tutto nel mondo è burla du Falstaff de Verdi, selon le chef, après un déluge, on peut jouer de tout. Du Verdi avec des instruments baroques, c’est étonnant, mais ca rend bien ! Puis La Mort nous entraine dans sa danse macabre et tout le monde reprend le chœur final.

 

La salle ne calme pas ses ovations, le succès est toujours au rendez vous. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter visiblement ! Le disque est sorti, la tournée continue encore à travers la France. S’ils passent près de chez vous, courez-y !

 

Prix Martin à l'Odéon

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Théâtre de l'Odéon 

7 avril 2013

Mise en scène: Peter Stein; Pionceux: Jean-Damien Barbin; Mme Bartavelle: Rosa Bursztein; M. Bartavelle: Julien Campani; Martinez: Pedro Casablanc; Loïsa: Christine Citti; Groosback: Manon Combes; Le Docteur: Dimitri Radochevitch; Agénor Montgommier: Laurent Stocker; M. Martin: Jacques Weber.

 

Dans l'Allégorie du Temps de Titian sont représentés les âges de la vie: la jeunesse, la maturité, la vieillesse. Trois moments que vivront chacun de nous, avec ses caractéristiques de comportement, habitudes, forces et faiblesses. Dans Le Prix Martin, un Labiche en fin de vie (c'est une de ses trois dernières pièces) et qui est passé successivement par ces différentes étapes nous les exposent sur scène, chacune représentée par une ou plusieurs personnes.

 

Le jeune couple fraichement marié qui doit aligner les visites de courtoisie avant de pouvoir enfin partir en lune de miel. Dans le cahier de voyage, pas d'impressions des différents lieux mais des hôtels, des lits, des souvenirs des chambres. Pendant toute la pièce, on entend les gémissements érotiques des deux jeunes personnes qui font parfois des interruptions bien pressées d'aller dans leur chambre, ou alors peu vêtues. Enfin si, mais beaucoup moins que la moyenne en cette fin de XIXe, restons pudiques. Le couple Bartavelle est donc la jeunesse même, la soif et la découverte sexuelle, qui semble rappeler à tous les autres personnages un passé bien lointain.

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En avançant dans le temps, un vieux couple d'amants qui ne fonctionne plus: Mme Martin et Montgommier, ils se sont aimés, elle voyait en lui le grand héros, le grand poète. Elle espère encore. Leur système de message m'impressionne bien: il trace des traits horizontaux ou verticaux à la craie sur le dos du mari cocu pour indiquer s'il viendra ou non. Et les traits horizontaux se font bien rare. C'est une nouvelle Bovary, qui ne supporte pas son lâche et gros mari qui ne sait que boire de la bière et jouer aux cartes. Elle cherche encore, malgré son âge, une nouvelle aventure. Elle le trouvera dans l'exotique Martinez, qui n'hésite pas à faire irruption dans sa chambre, à s'afficher torse nu pour révéler un affreux tatouage d'aigle.

 

Montgommier a fini par ne plus aimer sa maîtresse et est ironiquement devenu très ami avec le mari cocu. Dernier âge de la vie, l'amitié prime avant tout. M. Martin essaie de tuer son rival, par poison ou en le poussant dans une crevasse, mais jamais il ne pourra s'y résoudre. Quand il doit punir son ami (pour créer un Prix Martin pour les valeurs de la famille), cela lui déchire le coeur et il tente d'adoucir la peine au maximum. Après s'etre echangés des cadeaux bien ridicules (un rond de serviette où est gravé Amitié et une tabatière en argent que Montgommier chérira), les deux amis finiront la pièce comme ils l'ont commencé, en jouant au bésigue, bien tranquillement.

 

Et finalement c'est ce qui est le plus intéressant dans ce Labiche, ce qui ressemblerait à de la nostalgie. À l'inverse d'un Fil à la Patte ou d'un Chapeau de Paille, on est bien loin de la grosse farce où le délire est permanent. Ici certaines caractéristiques du vaudeville, avec des "ciel mon mari", un cousin d'Amérique, de riches bourgeois et un voyage en Suisse (comme dans Perrichon), mais surtout une belle leçon sur l'amitié. Selon Jourdheuil, le conseiller en dramaturgie de la pièce, ceci aurait un rapport avec la mort d'un bon ami de Labiche quelques temps avant l'écriture de la pièce, et qui s'appelait Martin justement. Si on s'amuse bien devant cette pièce, on en ressort donc autre chose également.

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Le personnage de Pionceux, frère de lait et domestique de M. Martin, qui se permet de nombreuses libertés avec son maître, rappelle les personnages de Sganarelle dans Molière. Il se permet d'initier les jeunes servantes (une suissesse dans ce cas) à l'amour. Il demande à son maitre de ne pas grossir car les vêtements qu'il lui prend après sont trop grand pour lui. La touche comique parfaite dans ce domestique qui est uniquement là pour ses petites remarques en aparté.

 

La troupe est bonne, je ne reconnais pas Laurent Stocker en Montgommier, entre ces cheveux violets et sa moustache, j'ai l'impression qu'il a tout d'un coup bien vieilli! Il forme un couple de Laurel et Hardy avec le très humain Jacques Weber, que je suis content de pouvoir voir sur scène. Christine Citti nous fait bien la bourgeoise vaguement romantique, qui menace même de se suicider pour un amant avant de tomber dans les bras d'un autre et de s'exiler comme courtisane du roi des Chichimèques en Amérique du Sud. Il faut bien que Labiche soit égal à lui même.

 

Le décor du fond en photographie nous montre bien que nous sommes à l'époque du développement de cette technique. Les portes, omniprésentes dans la mise en scène, rappellent les vieux vaudevilles où les amants se cachent dans les placards. Labiche semble bien nous indiquer qu'une époque est finie. Entre les pièces citées précédemment et celle-ci, le second Empire est tombé, la période de faste est passée. Labiche et ses personnages ont vieilli, ont acquis de la maturité, mais on n'hésite à relancer une sympathique comédie avec les ingrédients et la maturité que l'on a, en prenant un peu de recul sur le passé.

 

Troisième symphonie de Mahler, John Neumeier

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9 avril 2013

Opéra Bastille

Direction musicale : Simon Hewett ; Karl Paquette, Isabelle Ciaravola, Eleonora Abbagnato, Stéphane Bullion, Florian Magnenet, Mathias Heymann, Alessio Carbone, Christophe Duquenne, Nolwenn Daniel, Mélanie Hurel, Laura Hecquet

 

Œuvre tout aussi titanesque pour le compositeur que pour le chorégraphe, la soirée que nous propose l’Opéra de Paris est une surprise comme je n’en avais pas eues depuis longtemps dans les murs de Garnier ou Bastille. Esthétisme, puissance et lyrisme sont sans doute les maîtres-mots (qui peuvent sans doute s’appliquer à beaucoup d’autres œuvres, soit).

 

Tout a commencé quand, en 1974, Neumeier a souhaité créer un hommage à John Cranko, son maître qui avait dirigé le ballet de Stuttgart. Il chorégraphie alors le quatrième mouvement de la troisième symphonie de Mahler, compositeur qu’il ne cessera de revisiter, autant pour ses symphonies que pour d’autres œuvres musicales. Il crée ensuite le reste des mouvements pour finir par dompter la partition.

 

La dompter finalement peut-être pas mais l’accompagner par une chorégraphie de toute beauté. Que ce soit Karl Paquette lors de la première ou encore Mathieu Ganio lors de la répétition, ce ballet nous montre un homme qui évolue dans le monde, après le réveil, la guerre, puis les femmes et enfin l’amour, mais passager. Pour Ganio, qui fait toujours jeune, c’est une vraie éducation sentimentale que nous voyons sur scène. Pour Paquette, c’est plus compliqué, on dirait que l’homme nait déjà plus mûr, mais il garde lui aussi un semblant d’innocence (sans doute également du au retour de ses cheveux blonds après la teinture de Carmen !).

               http://www.nouveau-paris-ile-de-france.fr/fichiers/fckeditor/Image/3885/fr/event/fiche/fichem-14682-ballet-de-l-opera-national-de-paris-john-neumeier-troisieme-symphonie-de-gustav-mahler-opera-bastille-paris_1.jpg

Alors que la musique commence, des figures inanimées commencent soudainement à se réveiller, pour l’instant uniquement des tas d’hommes (torses nus, les demoiselles balletomanes ont pour une fois plus regardé le haut du corps) en collants blancs symbolisent la naissance ou le réveil de la nature. Combien sont-ils ? Ils pourraient bien être des centaines. Du mouvement, des gestes coupés qui pourraient rappeler la gymnastique forsyth-ienne, des corps qui s’élancent à la Béjart, faisant apparaitre soudainement au milieu de ces hommes un homme presque divinisé. Le monde s’organise. Puis notre personnage central, témoin de la scène voit avancer vers lui la Guerre, représentée par des hommes aux collants foncés qui s’alignent, rappelant tristement une parade militaire des années 30. Le jeune homme s’est échappé, tout lyrisme est interdit.

 

Pas tout à fait, le lyrisme de la guerre existe, comme nous rappelant la divine Pallas, guerre certes, mais belle et intelligente également. Tout reposerait finalement dans le contrepoids. Apparait alors Mathias Heymann. Depuis que je tiens ce blog, il n’est pas apparu, le pauvre étant blessé depuis bien longtemps. Il a signé son grand retour, en larmes sur scène, lors de l’hommage à Noureev dans la variation de Manfred (que je devrais voir en juin). Et là ce soir, depuis mon premier rang, je le sens, je le touche presque, il est beau, il danse, il s’arrête, semble reprendre son souffle, s’étonner de ce qu’il vient de faire. Comme si c’était réellement Mathias et non pas son rôle qui le lui obligeait. Un superbe moment de danse qui m’a bien fait frissonner ! Welcome back, et je l’espère pour longtemps.

               http://4.bp.blogspot.com/_5ZvFEGtmXNM/ScFG1GMILdI/AAAAAAAAAWg/5ckw0gGzADs/s400/Mathias+Heymann.jpg

Alors que le groupe de soldats tente de s’imposer au jeune homme, il tente dans un dernier effort d’héroïsme de les repousser, mais ils finissent par s’affaler sur lui.  Il a peur, je l'entend respirer et suer. Puis tous le quittent.

 

La séquence qui suit est bien plus balanchine-ienne, avec un corps de femmes uniformes à travers lesquelles évoluent des couples. Cette séquence est l’été. Notre jeune ami s’allonge, pour respirer après toute la violence qui a précédé. Les jeunes femmes se mettent en place, tout en jaune, comme un champ de blé (j'évite une nouvelle prousterie sur les fleurs) qui dore au soleil, appelant les amoureux à s’y prélasser. Et ils s’y pressent. Comme dans In the Night de Robbins, j’ai de nouveau l’impression de voir plusieurs visions du couple se succéder. L’amour la plus passionnelle avec Duquenne et Daniel, suivi d’un amour plus tendre avec Hurel et Carbonne. Des deux femmes, je remarque bien plus Nolwenn Daniel qui a l’air très à l’air dans ce genre de répertoire, comme j’avais pu le voir aussi lors de la présentation. La musique y est douce, comme un songe sur un lac italien…

 

Soudainement le soleil semble tomber, l’automne arrive, les blés sont fauchés et c’est un temps où la chaleur se calme, permettant de nouveau aux danseurs de s’exprimer. Etonnante d’ailleurs cette soudaine évocation du Sud et du soleil et chez Mahler et chez Neumeier.

 

Dans l’épisode suivant, les couples sont plus nombreux, plus attirants, à commencer évidemment par de délicieuses sujets très mignonnes. Si Mathilde Froustey accompagnée de Lorieux et Giezendanner m’a bien plus, Charlotte Ranson avec Fabien Réveillon semble un couple ravi et confident. Mais c’est bien Vincent Cordier et Aurélia Bellet qui m’ont le plus marqué dans tous ces petits couples. Sinon le plus important des couples de solistes est bel et bien Hecquet-Magnenet, rempli d’un lyrisme peut-être un peu trop aéré par moment mais les gestes, les pauses et les intentions sont justes. Alors que Froustey attire Paquette du regard et qu’ils restent immobilisés tous deux alors que Hecquet et Magnenet dansent, je préfère imaginer ce qui se passe entre les deux danseurs statiques qui se fixent du regard.

 

Paquette semble y découvrir un nouveau type de relations, les femmes qui dansent avec lui changent, les couples alternent, il ne s’y retrouve plus dans ce mélange. Alors qu’il danse avec Froustey, en parallèle Magnenet et Hecquet dansent de bleu vêtus, comme s’ils reflétaient les esprits des deux premiers. Si Froustey s’éloigne, Hecquet en fait de même. Tout d’un coup Florian s’approche de Karl, l’esprit se referme sur son corps, puis retourne vers Laura pour l’enlacer, mais c’est le moment que choisit Mathilde pour partir. Magnenet quitte le plateau. Karl n’a plus qu’à quitter le plateau portant Hecquet, seule souvenir de ce moment partagé avec une délicieuse femme.

 

Laissons Mahler pour un mouvement, ou plutôt cachons le quelques instants pour commencer le plus beau moment de ce spectacle. C’est le quatrième mouvement qui inspira à Neumeier l’hommage à son maître Cranko. Mais étonnamment cette chorégraphie commence par un long silence. Ici, rien du silence pesant qui m’oppresse parfois lors de spectacles silencieux. Paquette surgit, avec son doublé de l’âme, ici Stéphane Bullion. Il aperçoit au loin une femme qui danse. Et quelle femme cette Abbagnato. Il a peur en la voyant. Il n’ose pas l’approcher, mais son âme l’aide, l’accompagne, danse même seul avec elle pour la séduire. Mais nous sommes ici plus loin du simple jeu de la séduction, c’est l’apparition et la découverte de l’amour. Les corps se portent, se mélangent, dans un silence sacré d’où monte soudainement ce qui apparait comme un long murmure, la seule partie chantée de la symphonie. De la danse lente, mais d’un lyrisme et d’une blancheur qui font frissonner, un peu comme les anges-cosmonautes de Trisha Brown.

 

Puis les chœurs d’enfant commencent, et c’est l’apparition de l’Ange, mais ici bien différemment de ceux qu’ont a pu voir avant. Elle pose un pied devant l’autre, comme un enfant qui s’amuse à marcher comme un funambule. Si Laetitia Pujol vue en répétition a bel et bience côté enfantin, Isabelle Ciaravola garde pour elle ce côté mystérieux mais souriant, allié à une technique à pâlir, les six o’clock s’enchainent, avec une véritable facilité d’enfant. Mais pour une fois, c’est l’homme qui vient la voir, même si elle semble intéressée quand même. Elle représente, à l’inverse d’Abbagnato, la femme humaine, joyeuse et tendre.

               http://www.dansesaveclaplume.com/wordpress/wp-content/uploads/Troisieme-symphonie-de-gustuva-mahler_dorothee-Isabelle-Ciaravola.jpg

Mais ce mouvement sert d’ouverture au dernier mouvement. L’homme retrouve un instant l’ange, mais ils sont noyés par l’arrivée de tous les autres couples, menés notamment par Magnenet, Heymann et Carbone. Les femmes sont toutes portées, les couples évoluent sur scène. Et au milieu, le jeune homme semble perdu mais plus adulte soudainement. Mais alors qu’il se retrouve de nouveau seul et qu’il avance d’un pas, pour une fois, décidé, on sent qu’il renoncerait presque à l’amour. Mais sous les dernières notes, Ciaravola traverse soudainement toute l’avant scène d’un pas si noble, et au fond de la salle, Paquette se retourne comme pour admirer celle dont il se souviendra toujours.

 

Je ne m’attarde pas sur la musique, pour ceux qui ne la connaissaient pas, c’est une erreur terrible car cette partition est un véritable chef d’œuvre, une œuvre symphonique monumentale mais qui reste cependant si touchante. La direction de Hewett m’a bien plu et j’en ai pris plein les oreilles tant pour la musique que pour les voix.

 

Ce que je garde le plus de cette soirée restent les tableaux où le corps de ballet est à chaque fois vêtu d’une même couleur : blanc, vert ou encore pourpre. ces tableaux sont d'un esthétisme éblouissant. Le corps de ballet sait s’accrocher à ses traditions bien carrées où les lignes sont bien droites, mais qui se plait tout à fait dans une écriture chorégraphique moderne.

               http://virtualitterature.files.wordpress.com/2009/04/troisieme_symphonie_spectacle.jpg?w=300&h=150

Les différentes interviews de Lissner et Millepied montrent des intérêts conjoints pour une collaboration entre musique, chant et danse. La symphonie de Mahler conjugue tout autant ces paramètres qu’une œuvre aussi importante qu’Orphée et Eurydice de Bausch. Nous pouvons donc espérer de nouveaux coups de maître par la suite !

Tricentenaire de l'École française de Danse

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Palais Garnier

15 avril 2013

Direction musicale: Marius Stieghorst à la tête de l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire.

D'Ores et Déjà; Chorégraphie de Nicolas Paul et Béatrice Massin.

Valentin Chou et des élèves de l'École de Danse.   

La Nuit des Walpurgis; Chorégraphie de Claude Bessy d'après Léo Staats

Roxane Stojanov, Ida Viikinkoski, Perle Vilette, Adèle Belem, Célia Drouy et les élèves de l'École de Danse.

Célébration; Chorégraphie de Pierre Lacotte

Ludmila Pagliero, Mathieu Ganio et le Corps de Ballet.

Péchés de Jeunesse; Chorégraphie de Jean-Guillaume Bart

Roxane Stojanov, Mathieu Rouaux, Clémence Gross, Antoine Kirscher et les élèves de l'Ecole de danse. 

Aunis; Chorégraphie de Jacques Garnier.

Simon Valastro, Axel Ibot, Mickaël Lafon

 

 

Un an que les balletomanes attendaient ça. Alors on sort les smokings, les chapeaux, les robes et les talons pour entrer dans Garnier par le tapis rouge, dans le grand escalier fleuri pour l'occasion. On slalome entre les photographes qui préfèrent prendre Bernadette Chirac, Aurélie Filippetti ou encore Valérie Trierweiler. Pour l'occasion, le gratin balletomane a préféré des loges de coté plutôt que son parterre habituel (cough) qu'il laisse aux mécènes. Pour une fois, Garnier se trouve au temps de Balzac  (qu'il n'a d'ailleurs jamais connu): les diamants, les fourrures, le brillant, le satin,le people, le grand dîner dans les foyers.

 http://www.toutelatele.com/IMG/arton48319.jpg

Mais plus qu'un événement uniquement people, ce gala extra-ordinaire a réussi sa mission: prêter hommage à l'école française de danse. Pour le coté historique, je vous reroute vers les nombreux articles sur Louis XIV, Vestris, Bournonville, Taglioni et ce jusqu'à Noureev. (Peu de Français me direz vous). Après une nuit de réflexion j'ai fini par trouver la programmation intelligente, j'y ai vu l'archi-académisme et la hiérarchie d'une part, le travail du haut du corps comme des pointes d'une autre part, et enfin la nouveauté et la flexibilité d'une telle éducation de la danse.

 

Reprenons donc dans l'ordre, que je n'approuve d'ailleurs pas totalement mais j'y reviendrai par la suite.

 

D'Ores et Déjà commence par me faire très peur, je trouve le début ennuyant. Mais je comprends finalement rapidement le propos. Brigitte Lefèvre a demandé à Nicolas Paul, sujet du ballet, et à Beatrice Massin, spécialiste de la danse baroque, de créer une œuvre. Les créations n'ont pas toujours bon dos à l'Opera en ce moment, mais ici c'est différent. Ce ballet pour seize rats masculins nous parle de la fusion entre danse baroque et danse moderne, comme déjà un aperçu de l'histoire de la danse. Les moments uniquement baroques m ennuient, les moments plus modernes dans le silence aussi. Mais après quelques instants, les deux fusionnent, les corps se libèrent, tout est fluide.

 

Au milieu de la scène, un cadre de tableau vide, qui laisserait supposer que la danse n'est qu'un tableau fixe, mais rapidement les élèves du ballet dépassent le cadre du tableau, pour le dépasser. Ils finissent par s'aligner derrière, tous les âges confondus, de dos, comme pour montrer l'universalité de leur danse.

 

S'ensuit un grand classique de la compagnie, comme pour remonter aux sources de la danse française: La Nuit des Walpurgis issu de Faust. Si le premier n'était que pour des hommes, le deuxième est exclusivement féminin (sans compter les esclaves, sixième division masculine). Ici, pas question d'évolution du ballet, mais plutôt son intemporalité. Ce ballet pourrait être issu de Paquita, de Bayadère, de Coppélia. C'est le style féminin français dans toute sa splendeur: des corps de ballet impeccable, des tours de jambes et des manèges d'une grande complexité. Certes deux des trois superbes solistes en blanc ont eu quelques soucis de pointe, je leur pardonne, le reste était gracieux et élégant: elles ont compris le style français, il ne reste plus que le stress à canaliser. A bientôt dans le corps de ballet.

 

Puis c'est la Célébration de la soirée, création qui reflète à elle seule l'académisme de la danse classique. Pierre Lacotte en a d'ailleurs fait sa spécialité, recréant des ballets comme Paquita ou La Sylphide. Il avait initialement choisi ses deux danseurs fétiches, Aurélie Dupont (si je me souviens bien) et Mathieu Ganio, deux danseurs parmi les plus nobles de la compagnie. Mais finalement la première est remplacée par Ludmila Pagliero et tout le message de la pièce change. 

 http://www.operadeparis.fr/resources/0910/LOpera/LeBallet/LudmilaPagliero.jpg

Oui certes la danse française est faite de traditions, de dynasties de danseurs comme le montre bien Ganio, de maîtres qui consacrent leur vie à la danse comme Lacotte. Mais avoir mis Pagliero dans cette œuvre, c'est valoriser une danseuse qui ne sort pas de l'Ecole de danse de l'Opéra, mais qui sait pourtant danser à l'Opéra. 

 

J'ai adoré ce morceau, qui s'ouvre avec la fameuse photo (presque autant médiatisée que la Joconde ces dernières semaines) de Louis XIV dansant en soleil. Ganio et Pagliero sont tout en blanc, le corps de ballet en rouges flammes (jolis costumes d'Agnès Letestu d'ailleurs). Quelques moments avec le corps de ballet, puis un pas de deux qui m'a tout à fait impressionné par sa technique et sa virtuosité pour finir sur un plan des plus classiques. C'est beau et le plus coloré de ces ballets, malgré l'absence des décors. Pour représenter la danse française, c'est quand même important la couleur.

 

Le classique de Célébration m'a bien bien plu, en revanche l'aspect cours de danse de Pêchés de Jeunesse de Jean Guillaume Bart m'a bien ennuyé. C'est long, trop académique sans pour autant dégager quelque chose comme un sentiment de beauté par exemple. La musique de Rossini me fait penser à du mauvais Mozart, vaguement copier coller de ses concertos, mais n'est pas Gottlieb qui veut. Résultat je me retrouve comme dans un cours de danse très rigide où le maître de ballet tape le rythme pendant que les pauvres élèves se tordent le corps sur une barre. Soit, c'est également cela le style français.

 

Mais je retiens cependant deux passages qui donnent quand même une jolie dynamique à l'œuvre. Le pas pour les hommes, puis les deux pas de deux, qui commencent à être vivants. Mais finalement pas beaucoup de péchés dans tout cela.

 

Après tout ce classique, on oublie presque que D'Ores et Déjà faisait quand même référence à de la danse plus moderne. D'où la légère faiblesse du programme de ne remettre qu'à la toute fin une pièce plus actuelle. Mais cette œuvre ouvre sur l'extérieur avant le Défilé, nous offrant une pré conclusion finalement assez osée.

 http://www.classictoulouse.com/images/danse/originales/aunis.jpg

Aunis est une sorte d'hommage aux danses populaires françaises, enseignées depuis Claude Bessy à l'école de Nanterre. Trois danseurs accompagnés de deux accordéons qui se lâchent totalement sur scène, bien loin des pointes, pirouettes et arabesques des pièces précédentes. Cela me rappelle indéniablement Les Bourgeois de Brel par Simkin au Théâtre des Champs il y a quelques années. C'est entrainant, le genre de pièce où je reste ébahi et souriant du début à la fin. La pièce n'a visiblement pas plu à ma voisine dans sa robe de princesse qui semblait dire qu'elle n'avait pas payé pour voir cela. Moi si.

 

Puis tout le monde semble se réveiller, enfin surtout les balletomanes, pour le défilé. L'orchestre se remet en place, commence à s'échauffer. Le rideau se lève et la lumière se fait sur le premier petit rat qui se lève et commence à avancer, entrainant avec elle toute la compagnie. Comme pour Carmen, la musique de Berlioz me donne envie de chanter les paroles des Troyens. Après un départ un peu mou, nous réussissons avec quelques habitués à entrainer la salle vers de vrais applaudissements et des bravos pour les étoiles. Ce grand rendez-vous me donne toujours autant de frissons, pouvoir remercier l'ensemble des artistes qui nous font vibrer (ou pas) pendant plusieurs saisons est une belle occasion.

 

J'en retiens qu'Abbagnato est bien applaudie pour son premier défilé, comme Ould Braham, Ciaravola (dont c'est le dernier défilé), Dupont et Letestu (dernier défilé également). Chez les hommes, je remarque que Bélingard se laisse beaucoup de place pour courir vers le devant se faire ovationner. Mais ce sont Heymann et Le Riche qui reçoivent les meilleurs remerciements. Je défends évidemment bien Ganio. Tout ce monde en blanc se place ensuite sur la scène pour former le fameux plan du corps de ballet. Malgré un public initialement froid, il y a quand même trois rappels pour applaudir cette institution de l'École française de danse.

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Un bilan globalement positif surtout pour l'hommage qu'il rend aux différents acteurs de la danse: Bessy, Lacotte, Bart, Letestu et toutes les étoiles. Toutes les pièces ne m'ont pas plu, mais le message est passé. Et ce défilé clôt superbement cette soirée dont je me souviendrai avec un léger sourire.

Spectacle de l'École de Danse

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Palais Garnier

18 avril 2013

Direction musicale: Marius Stieghorst à la tête de l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire.

D'Ores et Déjà; Chorégraphie de Nicolas Paul et Béatrice Massin.

Valentin Chou et des élèves de l'École de Danse.

La Nuit des Walpurgis; Chorégraphie de Claude Bessy d'après Léo Staats

Roxane Stojanov, Ida Viikinkoski, Perle Vilette, Adèle Belem, Célia Drouy et les élèves de l'École de Danse.

Aunis; Chorégraphie de Jacques Garnier.

Simon Valastro, Axel Ibot, Mickaël Lafon

Péchés de Jeunesse; Chorégraphie de Jean-Guillaume Bart

Roxane Stojanov, Mathieu Rouaux, Clémence Gross, Antoine Kirscher et les élèves de l'Ecole de danse.

 

 

Après le faste du gala de lundi, je me retrouve de nouveau à Garnier pour le spectacle annuel de l’école de danse. Ici, les prix ne sont pas majorés considérablement pour cause de gala, mais plutôt diminués : 56 euros la première catégorie. Et cela permet d’apprécier un spectacle de très bonne qualité, qui reflète le travail quotidien de ces élèves. L’ambiance y est bien différente que lors du gala. Ici c’est finalement le spectacle de fin d’année d’une école, et les parents, grands-parents sont bien présents dans la salle. Ainsi les grands-parents dans la loge voisine qui peinent à savoir où est leur petit rat de petit fils. Règne donc une très bonne ambiance, les applaudissements ne se font pas attendre, interrompant même parfois la pièce. Je me croirais presque en Russie où les applaudissements rythment le danseur !

 

Le programme est le même que lundi, sans le défilé ou la création Célébration, et le ballet Aunis est dansé par trois petits rats au lieu de membre du corps de ballet. Cette dernière pièce a d’ailleurs été placée avant Péchés de Jeunesse, ce qui rend une programmation plus intéressante, comme je le soulignais lundi dernier. Pour un détail plus précis des pièces, voir ma chronique de lundi.

 

Reprenons donc depuis le début avec D’Ores et Déjà, qui est décidément une bien belle œuvre. Si elle met un peu de temps à démarrer, cela ne fait qu’attirer encore plus l’attention du spectateur qui se laisse complètement entrainer. L’attente est la plus forte lors du solo en silence. On sait qu’il se passe quelque chose, mais quoi ? Pour la première fois un danseur essaie de mélanger ses gestes baroques et une gestuel plus contemporaine. Des portés de bras baroques, mais des roulades, des corps qui se déchirent. La fusion entre les deux est totale et s’accentue. Finalement, alors qu’un corps d’une dizaine de danseurs avance tout d’un coup, on pourrait y voir soit un groupe de West Side Story tout comme un ensemble de cavaliers dans un ballet de Noverre. Les élèves ont tous su canaliser leur stress, des plus jeunes au plus âgés pour nous livrer un spectacle bien unique.

 

En revanche, les filles de Walpurgis ont eu à nouveau les mêmes problèmes de stress que lundi, les deux premières solistes ne finissent toujours bien leur s variations, pourtant excellentes par ailleurs. Sinon le spectacle m’a paru aussi classique que la dernière fois, avec peut être une salle encore plus chaude. Pour les élèves de l’école, c’est ici le rêve du tutu blanc dans Garnier, la grande danseuse romantique.

 

Après ces deux œuvres qui veulent refléter le classique de l’école française, Elisabeth Platel a eu l’intelligence de passer à quelque chose de totalement différent, l’Aunis de Jacques Garnier. Cette pièce m’avait déjà enchanté lundi, ici j’ai vu trois garçons plutôt que les trois jeunes hommes de la dernière fois. Ils semblent encore plus flexible, s’imprégner totalement de ces danses folkloriques. Ils s’amusent, répondent à la musique qu’ils semblent parfois narguer mais qui les contrôle. Comme le public, je suis totalement captivé. Les applaudissements arrivent même avant la fin de la pièce !

 

Après un rapide entracte, je rentre en trainant des pieds dans ma loge pour revoir Péchés de Jeunesse de Jean-Guillaume Bart. Cette pièce m’avait bien ennuyé dans le programme du gala, mais là c’est bien différent. Peut-être ces danseurs étaient ils moins stressés devant un public d’amis et de membres de leurs familles que devant les mécènes. Compréhensible après tout.

Finalement, la pièce m’a semblé un peu longue pour les deux dernières parties, mais sinon j’ai fini par me laisser entrainer dans l’œuvre. La musique de Rossini m’a moins gêné, accompagnant les flâneries de ces danseurs en couple, qui flirtent ou forment de vraies relations. Les pas s’enchainent, techniques, subtils : le but est de montrer la maîtrise d’une vraie technique. Ce qui m’amuse le plus est lors des pirouettes d’un des garçons, particulièrement réussies, les bravos ne viennent pas de la salle mais des coulisses. Une très bonne ambiance règne définitivement dans Garnier, du grand escalier jusqu’au foyer de la danse.

 

Cette soirée a finalement été bien différente de la première, entre confirmation et amélioration, les élèves de l’Ecole sont toujours aussi travailleurs et professionnels.

 

 

 

 

 

 


Gala des Écoles de Danse

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20 avril 2013
Palais Garnier
Direction musicale: Marius Stieghorst à la tête de l'orchestre des Lauréats du Conservatoire.
Ecole de danse de l'Opéra de Paris
La Nuit de Walpurgis (Claude Bessy)
Clémence Gross, Nine Seropian, Marion Gautier de Charnacé, Adèle Belem, Célia Drouy
Péchés de Jeunesse (Jean-Guillaume Bart)
Roxane Stojanov, Mathieu Rouaux, Clémence Gross, Marin Delavaud, Anaïs Kovacsik, Ida Viikinkoski
Scuola di ballo Accademia Teatro alla Scala
Gymnopédies (Roland Petit)
Paola Giovenzana, Angelo Greco, Edoardo Caporaletti
The Royal Danish Ballet School
Le Corps des volontaires du Roi (August Bournonville et Thomas Lund)
Viktoria Falck-Schmidt, Stephanie Møller, Sébastian Haynes
Canada's National Ballet School
Les Chambres de Jacques (Aszure Barton)
Patrick Foster, Hailey Hamblin, Soo Ah Kang, Liam Redhead, Martin Ten Kortenaar
The Bolshoi Ballet Academy
Les Millions d'Arlequin (Marius Petipa et Iouri Burlaka)
Ksenia Ryzhkova et Artur Mkrtchyan et douze danseurs de l'école
John Cranko Schule- Stuttgarter Ballett
Come neve al sole (Rolando d'Alesio)
Agnes Su, Marti Fernandez Paixà
The Royal Ballet School
Rhapsody (Frederick Ashton)
Annette Buvoli, Evan Loudon
Ballettschule des Hamburg Ballett
Spring and Fall (John Neumeier)
Hayley Page, Aljoscha Lenz, Claudi Vilaseca Garcia, Helias Tur-Dorvault

La semaine tant attendue du Tricentenaire de l'Ecole de Danse française arrive à sa fin. Je l'attendais depuis un an, c'est maintenant chose faite et j'en garde un excellent souvenir. C'est décidément l'événement de ballet de la saison. A l'heure des bilans, rendons donc des prix aux différentes écoles de danse qu'Elisabeth Platel avait choisi d'inviter pour clore la semaine.

Prix de premier de la classe et du plus beau tutu

L'école de danse de Nanterre a pertinemment réussi à s'assumer de nouveau comme la meilleure formation de danse classique du monde. Ses deux spectacles, Péchés de Jeunesse et la Nuit de Walpurgis, déjà vus ici et ici, ont permis aux petits rats de briller: des corps de ballet parfois hésitants, mais des solistes admirables au pied solide et élégant. Finalement, la pièce de Bart gagne à être revue, j'ai pu rentrer encore plus dans l'oeuvre et admirer la propreté du travail des futurs danseurs. Ils ouvrent et ferment la soirée pour confirmer leur présence.

Mais comme tous les premiers de classe, l'école de danse de l'Opera prend beaucoup de place. Ses deux spectacles durent ensemble 53 minutes, il ne reste alors que 60 minutes pour les sept autres écoles. Rassurez vous, les autres ne sont pas pour autant des cancres, mais le message est passé: les Français brillent.

Qui a gagné la Guerre Froide?
Prix du plus grand nombre présent et de la danse classique étr
angère

Je me souviens qu'il était évoquée une délégation de l'American School of ballet (qui forme les élèves du NYCB), mais finalement rien. Les russes eux arrivent à 14 du Bolchoï avec une oeuvre qui prend le plus de temps chez les invités. Ils signent un pas de deux entouré d'un corps de ballet, un vrai spectacle en soi.

Ce sont donc bien eux qui arriveront à démontrer toute l'énergie et l'explosivité de leur style Bolchoi. C'est tout a fait ce que j'attendais, et je n'ai pas été déçu. Ils aiment et savent se faire applaudir après chaque petit pas. Leur oeuvre pourra paraître aussi classique que les Parisiens, mais ils y rajoutent une petite couche de théâtre et d'humour qui leur va si bien. Les corps sont formes, solides et techniques, il n'y a rien a dire de leur performance à part l'applaudir. Comme la compagnie Bolchoï, les élèves s'amusent sur scène et brillent déjà par leur bravoure.

Prix de la surprise et des marcels

Un ami milanais se rend régulièrement à la Scala voir le ballet (comme récemment dans Giselle), mais n'ayant jamais vu l'Opera danser, nous ne pouvions guère comparer.

M'attendant a une école correcte sans plus, j'ai été littéralement bluffé par la performance des Milanais dans l'oeuvre de Petit. Une grâce et un lyrisme considérable pour une chorégraphie loin d'être facile a interpréter. Après un premier solo au sol, le danseur saute tout d'un coup avec un ballon impressionnant.

A la suite de son solo dans un cercle, arrive alors un couple qui signe un pas de deux d'une élégance et d'une douceur dont je me souviendrais. Et la technicité de la jeune fille avec son six o'clock tout en douceur. Des pointes et un tutu font référence au style romantique auquel Petit et la Scala rendent ici hommage. Les marcels des hommes nous remettent dans l'univers de Petit. Un très beau moment de danse et mon coup de coeur de cette soirée.

Prix des pires costumes et d'être ravi d'être présent

Le Danish est historiquement la deuxième compagnie après Paris, avec Bournonville comme chef de file. Les danseurs invités m'ont surtout plu pour leur sympathie, ils s'invitent les uns les autres à danser, un peu comme dans le dernier acte de Napoli vu il y a deux ans avec la compagnie, rien n'est statique, pas même les pauses qu'ils prennent.

C'est très mal mais j'ai finalement peu regardé les deux filles tant j'ai été impressionné par la performance du jeune homme. Ses jambes immenses ont permis des solos d'une belle finesse, avec de très belles lignes. Les deux jeunes femmes semblent un peu écrasées par leurs lourdes robes qui permettent un joli travail de pieds, mais finalement peu des jambes.

Prix de la publicité et de la rapide émotion

Originellement, la Royal Ballet School devait interpréter un morceau du Lac. Finalement, c'est Rhapsody d'Ashton, un style qui semblerait mieux leur correspondre. Cela sent le changement très last minute, le programme indique toujours Le Lac.

Malheureusement ce pas de deux ne dure que quatre minutes et malgré sa beauté, je suis incroyablement déçu. Le temps que j'apprécie, c'est déjà fini. Cela a le mérite d'attirer l'attention des spectateurs outre-Manche où les spectacles sont toujours d'une grande qualité (comme vous pouvez le voir dans plusieurs articles de ce blog).

Ce pas est normalement dansé par des Principals (merci @impressiondanwe pour l'information) et pourtant les deux danseurs réussissent un travail très honorable, manquant peut être parfois de rondeur, comme dans ces sauts de la fille à l'horizontal dans les bras de son partenaire. Cela est peut être du au manque de répétitions après un changement de programme. Quelques instants de plus aurait suffi pour que cela soit mon coup de coeur de la soirée.

Prix du moderne c'est-bien-aussi, ou la ringardise des tutus

Les deux danseurs, presque des enfants, dansent un pas de deux en t-shirt, le fond rougeâtre est d'abord légèrement caché, puis découvert et enfin recaché. Comme si le soleil se levait, atteignait son climax et redescendait. Et pendant ce temps, les danseurs semblent mourir sous ses rayons, devenant fous sous la chaleur. Ils tentent de se protéger l'un et l'autre, ils sautent et prennent des positions comme pour se rappeler qu'ils sont humains mais parfois semblent redevenir de bêtes animaux.

Ils ont choisi une pièce qui récupère l'heritage classique et se l'approprie, tout ce que j'aime. Leur t-shirts élastiques sont leur unique accessoire, leur permettant de créer une pièce captivante et amusante. Le moderne fonctionne et signe un choix bien différent des autres écoles.

Prix du voyage de Bastille à Garnier

J'avais adoré la Troisième de Mahler, mon premier Neumeier pour une compagnie à part entière. Là en voyant les danseurs arriver sur scène, je sens que nous ne sommes pas loin du style du maître hambourgeois. Les trois sont torse nu avec des pantalons blancs et à nouveau je ressens cette musicalité et cette réponse à l'orchestre. La partition de Dvorak n'a rien à voir avec celle de Mahler néanmoins, elle semble moins puissante. Ainsi la danse parait moins percutante pour ces jeunes danseurs qui semblent toutefois s'être approprié le style Neumeier.

Avec l'arrivée de la jeune fille, je sens le même esprit qu'avec l'arrivée de Ciaravola en Ange. Elle apporte la douceur à ses trois compagnons, avec de très belles jambes. Le titre ne se rapporte pas aux saisons, Spring est saut, Fall la chute. Et ce sont bien ces idées de sauts et de gravité qui animent la pièce avec ces sauts qui montrent la force de ces élèves.

Prix de la fausse bonne idée

Le choix des Canadiens. Si le début de leur pièce m'a intrigué, je me suis rapidement ennuyé. Mais j'ai pu apercevoir de très bons danseurs rompus aux techniques modernes. Comme seul représentant des écoles américaines, ils m'ont bien semblé proche des écritures de Paul Taylor ou des autres chorégraphes américains.

Ces élèves ont un grand talent, comme nous le montre cette vidéo de Yondering ou encore les performances d'un de ses plus brillants alumnis: Evan McKie, vu en Onéguine la saison dernière. J'aurai bien aimé pouvoir apprécier cette école dans une autre pièce.

Prix de la fête

À l'image du Ballet qui a défilé lundi soir, et en conclusion de cette semaine de commémoration, le Tricentenaire se finit par un défilé de tous les danseurs de Nanterre et de leurs invités. Claude Bessy l'a réglé sur une musique de Mendelssohn. Il est très vivant, plus rapide et enjoué que le très officiel défilé. Une ouverture sur le futur des grandes compagnies qui semble assuré.

Cendrillon de Pauline Viardot

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Opéra Comique
23 avril 2013
Mise en scène : Thierry Thieû Niang
Piano : Marine Thoreau La Salle
Pauline Viardot : Marie Bunel ; Baron de Pictordu : Ronan Debois ; Marie, dite Cendrillon : Sandrine Buendia ; Armelinde : Alix Le Saux ; Maguelonne : Cécile Achille ; La Fée : Magali Arnault Stanczak ; Le Prince Charmant : François Rougier ; Comte Barigoule : Safir Behloul

 

 

Il suffit de remonter il y a quelques hivers pour que je rencontre Pauline Viardot. Ma sœur m’offre un livre sur la célèbre cantatrice qui m’était alors inconnue. Je découvre son histoire fascinante, depuis les genoux de Da Ponte sur lesquels elle s'assit enfant à la création du Barbier de Séville avec sa famille, la mort de sa sœur la grande Malibran, son idylle de toujours avec Tourgueniev et jusqu’ a sa mort a l'heure ou le téléphone fait ses premiers pas. Elle a donc ratissé l'ensemble du XIXe, non pas comme une spectatrice passive, mais comme une actrice et sur la scène et dans son époque. Elle vend ses bijoux pour acheter la partition originale de Don Giovanni qu'elle offrira ensuite au conservatoire de Paris. Dans son salon se retrouvent Balzac, Berlioz, Gounod, Sand, Musset, Wagner, Chopin. Bref je vous laisse le loisir de lire sa biographie.
 




Mais cette femme est également compositrice (la seule programmée par Jérôme Deschamps depuis sa nomination nous souligne Agnès Terrier). Sa voix s'est rapidement usée, et elle se tourne rapidement vers l'éducation de jeunes chanteurs pour qui elle écrit des œuvres qui seront représentées dans son salon de Baden Baden, ville eau des plus élégantes et aristocratiques jusqu’à la guerre de 1870. Cendrillon en revanche fut écrite bien plus tard, alors qu'elle habite Paris, peu de temps avant sa mort.



L'œuvre se rapproche de Massenet et de Rossini, deux compositeurs qu'elle fut amenée à fréquenter. Comme dans Cenerentola, Cendrillon a un nom (ici Marie) et chante toute la journée la même chanson sur un prince qui voulait se marier. Et de la même façon, Cendrillon vit avec son baron de père qui lui parle comme son maitre. Baron tout autant que moi d'ailleurs, un épicier qui a fini par être anobli, et qui est passé par le bagne de la Nouvelle Orléans. Le personnage gagne une dimension lorsqu’il chante son regret pour la vente de pains d'épices et de café.



Les chanteurs de l'Académie de l'Opera Comique reflètent un très bon niveau. Ils sont rompus au jeu théâtral et suivent le jeu chorégraphique de Thierry Thieû Niang. Je suis tout autant au théâtre qu'a l'opéra. De toute façon il fallait bien du théâtre pour occuper la mise en scène, qui est par ailleurs tres pauvre. La volonté du metteur en scène était tres intéressante. Pour mettre en parallèle l'œuvre et sa brillante compositrice, nous sommes dans un salon mondain.



Marie Bunel joue cette Pauline Viardot qui invite ses amis dans son salon pour leur lire quelques lignes de sa vie. Comme cela se faisait à l’époque, chaque invité commence à chanter quelques petits airs : Seize Ans de Chopin et Viardot, Madrid, Ici-bas tous les lilas meurent et Havanaise de Viardot, Le Soir de Gounod. C’est très sympa et ces airs sont mis en parallèle avec l’histoire de Viardot, mais ca me semble néanmoins un peu décousu, on ne sait pas trop bien combien cela va durer, si c’est un prologue ou une première partie de la soirée.

 

Puis les invités se disent qu’ils pourraient jouer dans un opéra, et commencent à arranger les meubles pour faire un semblant de décor et l’opéra est lancé. Mais globalement je trouve cela bien simplet. Qu’importe, j’apprécie beaucoup les chanteurs, sauf Le Comte Bairgoule, qui semble plus parler que chanter. Et la Fée s’est fait excuser de se sentir souffrante. Je me demande bien comment elle chante en temps normal, c’était déjà là excellent !

 

Globalement, cette soirée fut sympathique, j’ai été plongé dans l’univers du XIXème, impressionné par les membres de l’Académie de l’Opéra Comique.

 

Don Giovanni au TCE

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23 avril 2013
Théâtre des Champs Elysées
Direction musicale: Jérémie Rhorer et le Cercle d'Harmonie
Mise en scène: Stéphane Braunschweig
Don Giovanni: Markus Werba; Donna Elvira: Miah Persson; Don Ottavio: Daniel Behle; Donna Anna: Sophie Marin-Degor; Leporello: Robert Gleadow; Zerlina: Serena Malfi; Masetto: Nahuel Di Pierro; Le Commandeur: Steven Humes


 

 

Décidément, Don Giovanni reste un de mes opéras préférés. De Mozart, je trouve que c'est le plus complet, le mieux proportionné entre l'humour et le sérieux, entre légèreté et noirceur. Jusqu'à cette ultime scène du diner. Leporello et Don Giovanni s'amusent et nous amusent, notamment en jouant quelques airs dont le très connu non piu andrai farfallone amoroso des Noces. La salle s'amuse, et pourtant quelques mesures plus tard et nous voyons la statue du Commandeur lancer Giovanni en enfer. 

 

Chef d'oeuvre? Indéniablement.

 

Comme le précise Michel Franck quelques instants avec le lever du rideau, c'est un grand défi pour un théâtre de monter un Don Giovanni. Et le Théâtre des Champs a indéniablement réussi, notamment en s'entourant de chanteurs exceptionnels. 

 

Leporello est le monstre de cette production, son air du catalogue me garde suspendu dès le début de la pièce. C'est celui qui semble tenir le mieux et sa voix et sa présence sur scène jusqu'à la fin. Il est massif, près de deux mètres et pourtant sert un petit Markus Werba. Ici, Leporello n'est pas, comme chez Haeneke, amoureux de son maitre, mais joue beaucoup plus la carte de l'exaspération véritable. En fait Braunschweig en fait son personnage central, ou plutôt celui qui joue le rôle du spectateur. A l'image de ce dernier, c'est le seul à avoir ce caractère où les impressions se mélangent, à l'inverse des autres personnages plus figés. L'ouverture et nous voyons le corps inanimé de Giovanni près à entrer dans les enfers. Puis Leporello commence à se souvenir et nous revenons en arrière pour vivre la dernière journée du damné. Même dans la mort, Giovanni part séduire deux infirmières, Leporello en devient fou.Il reste le témoin des premières scènes pour nous rappeler que nous vivons dans son souvenir.

 

Dans cette mise en scène moderne et juste, les excès sont présents: excès de sexe et de femmes, excès de drogue, excès de mort et excès de situations périlleuses. Et surtout la mort qui nous entoure. La scène est très noire, s'assombrissant à travers l'oeuvre, et la lumière, et les costumes. Les premiers actes restent très sages, le manège tourne révélant plusieurs salles. Puis avec l'arrivée du bal, les chanteurs (solistes et choeurs) s'habillent de vêtements XVIIIème, clin d'oeil à Mozart et à l'esprit libertin type Casanova et Liaisons Dangereuses. Les scènes de partouze se succèdent dans différentes salles du palais avant que nous arrivions devant une ultime salle où dans les fenêtres sont encastrées des cadavres de femmes vêtus de robe rouge. La mort est annoncée et entoure déjà ce Barbe Bleue qui n'a pas d'autre choix que de suivre la même voie.

 

À l'inverse d'Haeneke, Braunschweig ne nous place pas entièrement dans un huis clos. Le manège avec ses trois ou quatre salles est réaménagé à l'entracte, nous mettant dans le palais de Don Giovanni, dans la maison du Commandeur ou encore dans la rue. C'est fait très simplement mais cela fonctionne intelligemment. Les lits sont les principaux éléments de décoration évidemment, placés presque dans chaque pièce pour nous rappeler les activités que Don Giovanni décrit plus qu'importantes que l'air qu'il respire ou que du pain qu'il mange. 

 

En voyant Werba, on croit vraiment voir un Don Giovanni dans sa veste blanche cintré au dessus d'un t-shirt évasé un peu moulant et avec ses cheveux plaqués en arrière. Comme dit ma voisine qui me chipe mes jumelles "il n'y a que des beaux gosses sur scène!" Et en effet ce personnage fait très séduisant jeune homme puissant. Tout qui attire finalement Zerlina qui cherche mieux que son Masetto trop commun. Tout ce qui attire cette Elvira qui ne réussit pas à se détacher de son magnétisme. Ou encore cette Anna trop coincée dans ses conventions sociales et sent attirer par ce marginal.

 

Lors de mon dernier Don Giovanni, les trois femmes ne rivalisaient guère. Véronique Gens ressortait du trio et Petibon brillait comme soprano mais peu en actrice. Ici même Zerlina, personnage dont je n'avais pourtant pas un souvenir ému, m'a beaucoup impressionné surtout dans la seconde partie. Même de caractère, les Donne sont bien choisies. Lors de la séance de travail à laquelle j'avais assisté, Miah Persson n'hésitait pas à demander que l'on change quelques mouvements qui n'allaient pas. Elle s'imposait, et elle m'a complètement emballé, sa voix est d'un très beau ton, ni trop fragile ni trop show. En face, Sophie Marin-Degor semblait légèrement plus timide dans l'ensemble, s'imposant de temps en temps. Et c'est tout à fait le rôle de Donna Anna. On ne devine pas le coffre qu'elle cache en réalité, et qui permet d'entendre une voix d'une clarté saisissante.

 

En face, Octavio réalise très bien le rôle en retrait qui ne comprend pas ce qui se passe ou si peu et ne comprend pas pourquoi il ne peut pas faire comme tous les autres membres de sa caste et épouser une riche héritière. Lors de son air du deuxième acte, je le découvre, un peu trop tard finalement. Masetto me plait aussi, mais semble décidément bien effacé par le reste du casting. Je note toutefois pour lui comme pour les autres un très bon jeu d’acteur. Braunschweig vient du théâtre et importe ses capacités pour former ses chanteurs.

 

Je finis ce casting par le Commandeur de Steven Humes, rôle un peu ingrat, quelques notes au début, puis un final prenant qui nous saisit. Sa noirceur semble durer pour des éternités. Lorsqu’il condamne Don Giovanni à mourir avant l’aube, j’ai l’impression que sa voix est très sonorisée, pour durer aussi longtemps. Et puis non, je continue à me dire que cela aurait pu être possible. Toute la scène du dîner de pierre est réellement prenante, Pentiti ! No !

 

Me voilà ravi à la sortie de ce spectacle, j’ai hâte de réentendre Rhorer la saison prochaine au TCE ainsi que la semaine prochaine dans le Requiem de Mozart.

  

Décidément, Don Giovanni reste un de mes opéras préférés. De Mozart, je trouve que c'est le plus complet, le mieux proportionné entre l'humour et le sérieux, entre légèreté et noirceur. Jusqu'à cette ultime scène du diner. Leporello et Don Giovanni s'amusent et nous amusent, notamment en jouant quelques airs dont le très connu non piu andrai farfallone amoroso des Noces. La salle s'amuse, et pourtant quelques mesures plus tard et nous voyons la statue du Commandeur lancer Giovanni en enfer. 

 

Chef d'oeuvre? Indiscutablement.

 

Comme le précise Michel Franck quelques instants avec le lever du rideau, c'est un grand défi pour un théâtre de monter un Don Giovanni. Et le Théâtre des Champs a indéniablement réussi, notamment en s'entourant de chanteurs exceptionnels. 

 

Leporello est le monstre de cette production, son air du catalogue me garde suspendu dès le début de la pièce. C'est celui qui semble tenir le mieux et sa voix et sa présence sur scène jusqu'à la fin. Il est massif, près de deux mètres et pourtant sert un petit Markus Werba. Ici, Leporello n'est pas, comme chez Haeneke, amoureux de son maitre, mais joue beaucoup plus la carte de l'exaspération véritable. En fait Braunschweig en fait son personnage central, ou plutôt celui qui joue le rôle du spectateur. A l'image de ce dernier, c'est le seul à avoir ce caractère où les impressions se mélangent, à l'inverse des autres personnages plus figés. L'ouverture et nous voyons le corps inanimé de Giovanni près à entrer dans les enfers. Puis Leporello commence à se souvenir et nous revenons en arrière pour vivre la dernière journée du damné. Même dans la mort, Giovanni part séduire deux infirmières, Leporello en devient fou.Il reste le témoin des premières scènes pour nous rappeler que nous vivons dans son souvenir.

 

Dans cette mise en scène moderne et juste, les excès sont présents: excès de sexe et de femmes, excès de drogue, excès de mort et excès de situations périlleuses. Et surtout la mort qui nous entoure. La scène est très noire, s'assombrissant à travers l'oeuvre, et la lumière, et les costumes. Les premiers actes restent très sages, le manège tourne révélant plusieurs salles. Puis avec l'arrivée du bal, les chanteurs (solistes et choeurs) s'habillent de vêtements XVIIIème, clin d'oeil à Mozart et à l'esprit libertin type Casanova et Liaisons Dangereuses. Les scènes de partouze se succèdent dans différentes salles du palais avant que nous arrivions devant une ultime salle où dans les fenêtres sont encastrées des cadavres de femmes vêtus de robe rouge. La mort est annoncée et entoure déjà ce Barbe Bleue qui n'a pas d'autre choix que de suivre la même voie.

 

À l'inverse d'Haeneke, Braunschweig ne nous place pas entièrement dans un huis clos. Le manège avec ses trois ou quatre salles est réaménagé à l'entracte, nous mettant dans le palais de Don Giovanni, dans la maison du Commandeur ou encore dans la rue. C'est fait très simplement mais cela fonctionne intelligemment. Les lits sont les principaux éléments de décoration évidemment, placés presque dans chaque pièce pour nous rappeler les activités que Don Giovanni décrit plus qu'importantes que l'air qu'il respire ou que du pain qu'il mange. 

 

En voyant Werba, on croit vraiment voir un Don Giovanni dans sa veste blanche cintré au dessus d'un t-shirt évasé un peu moulant et avec ses cheveux plaqués en arrière. Comme dit ma voisine qui me chipe mes jumelles "il n'y a que des beaux gosses sur scène!" Et en effet ce personnage fait très séduisant jeune homme puissant. Tout qui attire finalement Zerlina qui cherche mieux que son Masetto trop commun. Tout ce qui attire cette Elvira qui ne réussit pas à se détacher de son magnétisme. Ou encore cette Anna trop coincée dans ses conventions sociales et sent attirer par ce marginal.

 

Lors de mon dernier Don Giovanni, les trois femmes ne rivalisaient guère. Véronique Gens ressortait du trio et Petibon brillait comme soprano mais peu en actrice. Ici même Zerlina, personnage dont je n'avais pourtant pas un souvenir ému, m'a beaucoup impressionné surtout dans la seconde partie. Même de caractère, les Donne sont bien choisies. Lors de la séance de travail à laquelle j'avais assisté, Miah Persson n'hésitait pas à demander que l'on change quelques mouvements qui n'allaient pas. Elle s'imposait, et elle m'a complètement emballé, sa voix est d'un très beau ton, ni trop fragile ni trop show. En face, Sophie Marin-Degor semblait légèrement plus timide dans l'ensemble, s'imposant de temps en temps. Et c'est tout à fait le rôle de Donna Anna. On ne devine pas le coffre qu'elle cache en réalité, et qui permet d'entendre une voix d'une clarté saisissante.

 

En face, Octavio réalise très bien le rôle en retrait qui ne comprend pas ce qui se passe ou si peu et ne comprend pas pourquoi il ne peut pas faire comme tous les autres membres de sa caste et épouser une riche héritière. Lors de son air du deuxième acte, je le découvre, un peu trop tard finalement. Masetto me plait aussi, mais semble décidément bien effacé par le reste du casting. Je note toutefois pour lui comme pour les autres un très bon jeu d’acteur. Braunschweig vient du théâtre et importe ses capacités pour former ses chanteurs.

 

Je finis ce casting par le super Commandeur de Steven Humes, rôle un peu ingrat, quelques notes au début, puis un final prenant qui nous saisit. Sa noirceur semble durer pour des éternités. Lorsqu’il condamne Don Giovanni à mourir avant l’aube, j’ai l’impression que sa voix est très sonorisée, pour durer aussi longtemps. Et puis non, je continue à me dire que cela aurait pu être possible. Toute la scène du dîner de pierre est réellement prenante, Pentiti ! No !

 

Me voilà ravi à la sortie de ce super spectacle, j’ai hâte de réentendre Rhorer la saison prochaine au TCE ainsi que la semaine prochaine dans le Requiem de Mozart.

 

Requiem de Mozart au TCE

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Théâtre des Champs Elysées
Jeudi 2 mai
Mozart: Symphonie 41 en ut majeur et Requiem en ré mineur
Cercle de l'Harmonie, Choeur de Chambre les éléments
Jérémie Rhorer, Sandrine Piau, Renata Pokupić, Jeremy Ovenden, Nabuel Di Pierro


Comment trouver une unité dans une symphonie? Avec l'installation de différents mouvements qui semble casser le rythme de l'oeuvre, on peut parfois se demander si cette oeuvre est une ou multiple.


Pour la symphonie 41 de Mozart qui ouvre cette soirée, l'unité de l'oeuvre n'est pas un problème, tant l'oeuvre est connue, on voit les mouvements passer sans ciller. Son surnom de Jupiter n'est pas anecdotique, on sent un Mozart en pleine forme et un peu titanesque.


Pour le Requiem, que je connaissais moins à l'exception des mouvements les plus réputés, l'unité ne pouvait se laisser percevoir que si j'avais pu entrer totalement dans l'oeuvre. Mais le Théâtre des Champs étant ce qu'il est, un repère d'octogénaires poitrinaires qui doivent mourir à chaque mouvement pour tousser autant à chaque instant de pause. Et encore, si ce n'était que ça! La quinte de toux d'une de mes voisines de rang gâche une partie de l'oeuvre alors que le reste est occupé par le bruit d'un sac de plastique d'un monsieur qui semble clairement dérangé.


Décidément les éléments n'étaient pas en ma faveur. Je ne peux alors qu'écouter clairement la musique de temps en temps, ce qui contribue à une impression de décousue.... C'est bien dommage pour une pièce comme le Requiem!


Et pourtant ce que j'entends dans ce tintamarre m'enchante. Quelle clarté, quel cristal dans ces voix du choeur qui englobent l'oeuvre. Les quatre solistes ne sont finalement que des répondants à ces voix célestes. Miah Personn remplaçait Sandrine Piau, portée pâle ce soir là, je retrouve la même grâce que dans son Elvira de la semaine dernière. Les trois autres sont tous excellents, avec notamment un Di Pierro d'une grande profondeur.


L'orchestre, rompue à l'exercice Mozart-ien, sort de sa rythmique de Don Giovanni pour livrer une oeuvre tout aussi manichéenne que l'opéra: le clair obscur est pesant et omniprésent dans cette oeuvre sacrée qui est écrite pour résonner dans les murs d'une cathédrale.


Jérémie Rhorer semble danser sur son estrade, entrainant les violons et poussant les cuivres ou appelant encore le choeur. Jeune chef de 40 ans, son âge lui permet une activité quasi sportive à la baguette. Tout cela pour capturer les nuances sombres d'une ultime oeuvre de Mozart. Dommage que les conditions n'aient pas été adéquates, j'aurais sinon fondu comme une madeleine....

Mayerling

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Théâtre Stanislavsky

4 mai 2013

Chorégraphie: Kenneth McMillan

Direction musicale: Timur Zangiev

Rodolphe: Sergei Polunin; Mary Vetsera: Anna Ol; Mitzi Caspar: Natalia Kleymenova; Stéphanie: Anastasia Limenko; Elisabeth: Yulia Belova; Marie Larisch: Anastasia Pershenkova; Bratfisch: Dmitry Zagrebin.

 

 

Arrivé fraichement à Moscou, j'apprends que le soir même se dansera Mayerling avec Polunin. Petit retour en arrière pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est ce prodige russe qui est devenu le plus jeune Principal du Royal Ballet puis a soudainement décidé de claquer la porte: il refusait de sacrifier sa jeunesse à la danse. Finalement quelques mois plus tard on le retrouve raisonné au Stanislavsky Théâtre de Moscou. En mars dernier, il a apporté la chorégraphie de McMillan, le théâtre devenant alors une des rares maisons à avoir sa propre production de cette oeuvre actuellement dansée à Londres.

 

Je retrouve dans cette chorégraphie quelques éléments marquants de Manon du même McMillan: le jeu de cartes truqué, la danse bourrée, les danseuses de petite vertu ou encore l'érotisme palpable. Pour la danse, c'est de nouveau l'importance des portés, la complexité et le nombre des pas et la danse qui nous raconte une histoire sans rajouter de fioritures inutiles. Et enfin une dramaturgie qui joue une place prépondérante. Voire trop importante d'ailleurs, l'acte 2 finit par en souffrir.

 

Ce qui fait la spécificité de Mayerling, c'est que c'est un ballet narratif pour un homme, rarissime dans l'histoire du ballet. Ce n'est plus autour de Giselle, Odile/Odette ou Juliette, mais de Rodolphe que le corps de ballet s'affaire. Nous arrivons donc à un rôle très complexe et demandant pour un soliste, il danse trois actes presque sans quitter la scène. L'énergie et l'endurance de Serguei Polunin permettent une interprétation superbe. Pas un faux pas, pas un essoufflement, un ballon large et impressionnant et de superbes couples qu'il porte au plus haut sommet.

 

De plus, il se permet de rentrer complètement dans la peau de son personnage, il a l'air fou, complètement narcissique, voire parfois même enfantin. Il joue le rôle de l'archiduc Rodolphe, fils de Francois Joseph et d'Elizabeth d'Autriche. Après s'être marié avec Stéphanie de Belgique, il la néglige rapidement et se tourne vers de vieilles et nouvelles maitresses. Il finira par se suicider avec l'une d'entre elles dans le pavillon de chasse de Mayerling. Sa danse n'a rien de stoïque, de lourd ou d'imposer. Tout lui vient naturellement pour nous raconter une histoire jusqu'à la fin de l'oeuvre.

 

Les pas de deux sont donc nombreux et prenants, j'en ai compté au moins cinq. Le premier acte est le plus dense. Polunin commence par un solo lors de son mariage qui met déjà la barre haute mais qui ne l'épuise pourtant pas. Un pas avec sa maitresse, mais il retourne finalement dans le lit de Stéphanie qu'il effraiera avec un pistolet. Il est absorbé par l'idée de mort dès le début de la pièce qui ouvre avec son enterrement avant un retour en arrière. Il trainera son pistolet et un crâne, tel Hamlet. Il finira par trouver du répondant chez Marie, la fille d'une amie qui n'aura alors cesse de lui tendre des pistolets pour arriver au double suicide finale.

 

Pour fermer le clapet aux grands rôles féminins du XIXe, McMillan ne donne une place d'exception à aucune des femmes. On remarque certes Elisabeth qui se taille un solide rôle comme Impératrice et mère. Elle arrive soudainement avec son amant (telle mère, tel fils) pour un pas de deux qui n'est pas bien réussi dans le second acte. Tant pis, elle réussit dans le reste de son rôle à adopter la majesté nécessaire. On remarque aussi les bonnes interprétations de Mitzi Caspar, sorte de Maîtresse de Lescaut version Mayerling dans le cabaret, ou encore de la Comtesse Larisch en maîtresse délaissée. La princesse Stéphanie est tendre et douce comme on l'attend de son rang, elle ne sait pas trop quoi faire ni ou se mettre et semble soudainement passionnée quand elle danse avec son nouveau mari comme découvrant l'amour.

 

Une constellation de femmes qui entoure donc le jeune Polunin et qui se conclue par Marie, jeune femme à qui on fait croire que le destin la destine au prince. Elle sombrera donc lentement dans son jeu, jusqu'à la mort, après quelques instants torrides. D'est toujours elle qui apportera le pistolet à Rodolphe, comme s'il représentait un objet sexuel ou de jeu. Leur premier pas de deux ensemble est sensuelle mais attendu, le second parait beaucoup plus moderne, violent, macabre également.

 

Toutes ces femmes se ressemblent et malgré la richesse des costumes, j'ai parfois du mal à les différencier. Ce n'est pas si important, il suffit se comprendre que les femmes se battent pour lui. Elles forment une ronde qui le pousse au plaisir et l'obsède vers la mort.

 

Il n'est pas le seul homme mais est entouré par quatre superbes danseurs hongrois ainsi que de quelques amis qui m'ont également impressionné par leur vitalité et leur énergie. Et c'est cela qui m'a le plus marqué dans la danse de cette soirée: on approche parfois des acrobaties, mais tout est réussi et coordonné. L'ultime solo peu avant les deux morts semble un cri du coeur de Bratfisch pour rappeler son ami à la raison dans des danses plus folkloriques.

 

La musique orchestrée à partir d'oeuvres de piano de Liszt n'es pas brillante, j'aime néanmoins le choix d'avoir une vraie chanteuse lors de l'épisode de l'anniversaire de l'empereur. La production est riche avec des décors, des rideaux et des costumes dignes d'une grande maison de danse. En s'appropriant un talent comme Polunin, le Stanislavsky a su se doter d'un danseur bouillonnant qui a encore beaucoup à montrer.

 

 

 

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