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Channel: La Loge d'Aymeric
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Bayadère Moscovite

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Théâtre Bolshoï

5 mai 2013

Chorégraphie: Yuei Grigorovich

Nikia: Ekaterina Krysanova; Gamzatti: Ekaterina Shipulina; Solor: Vladislav Lantratov; Idole dorée: Mikhail Kochan; Danse indienne: Anna Antropova, Vitaly Biktimirov et Andrey Bolotin; Manu: Chinara Alizade

 

Ni Bayadère ni le Bolchoï n'étaient pour moi des nouveautés. Ni d'ailleurs l'addition des deux. J'avais vu deux fois ce ballet avec Zakharova à Bastille en avril dernier. Pour la première fois, je vois la compagnie chez elle dans son théâtre massif et fraichement restauré. Massif c'est bien le mot qui me vient directement devant cette salle, qui combine la beauté d'une salle à l'italienne avec l'efficacité scénique d'un plateau et d'une fosse comme Bastille.

 

Commençons d'ailleurs par la fosse: la musique (aussi étonnant que cela paraisse pour du Minkus). Et bien si déjà l'Opéra avait réussi à me faire considérer la partition comme intéressante, ici le Bolchoï m'a complètement bluffé, notamment pour la danse indienne où les tambours recouvrent totalement l'orchestre. Du haut de mon quatrième balcon, j'en prends plein les oreilles! Seul regret néanmoins, c'est que la chorégraphie paraisse moins musicale à Paris. Ainsi je garde un étonnant souvenir des deux notes gracieuses qui accompagnent la descente de Gamzatti de son carrosse, et qui ici passent inaperçu.

 

Les danseurs sont époustouflants d'énergie à travers cette immense scène. J'avais déjà eu cette impression quand j'avais vu la compagnie danser Don Quichotte et Flamme de Paris à Garnier il y a deux ans. Ainsi dans les derniers moments, Nikia réalise une diagonale de pirouettes d'une vitesse hallucinante avec un retour sur pointes tout aussi rapide.

 

L'énergie se retrouve chez Solor qui danse sans cesse, même à des moments où Noureev a choisi de ne pas chorégraphier de pas. La danse ne l'épuise pas pourtant et cela n'en parait que plus fluide. Il semble avoir un rôle plus important qu'a Paris. Gamzatti de la même façon se laisse entièrement porter par la musique lors de ses fouettés qui retiennent le souffle de tout le public. Shipulina se montre une belle technicienne.

 

Mais finalement, est ce qu'on ne perdrait pas quelque chose devant une telle flamboyance? Un certain lyrisme qui devrait être nécessaire? Et bien étonnamment non, les danseurs montrent une superbe capacité à passer du brillant show off à l'émotion. De plus, en tant que parisien, je m'attendais à la même histoire, où l'émotion des personnages était un élément clé, mais le message de ce ballet n'est pas toujours le même.

 

Car en réalité, si l'Opéra se vante d'être le seul à posséder la version Noureev de la Bayadère, les variations sont quand même les mêmes chez Grigorovich. Outre les passages dansés qui sont néanmoins plus conséquents, il y a dans la version Bolchoï une toute autre différence: l'histoire qui nous est racontée.

 

Ainsi Solor accepte de se marier avec Gamzatti alors qu'il avait promis fidélité à Nikiya. Lors de la cérémonie du poison, ce n'est pas parce que Gamzatti l'attire que Solor détourne la tête, mais parce qu'il semble hésiter. Et ceci est fatale, on ne refuse pas une bayadère, la prêtresse sacrée. C'est uniquement lorsqu'elle meurt qu'il réalise son erreur et se lamente. Mais réalise t-il qu'il était amoureux ou qu'il vient de s'attirer une colère divine?

 

Le dernier acte ressemble plutôt à une recherche de pardon que de l'être aimé. C'est peut être pour cela qu'elle défile aussi vite, pour montrer qu'elle s'est détachée de ce monde terrestre et qu'elle ne peut plus rien pour Solor qui s'effondre, mort d'épuisement d'avoir essayé de rattraper cette divinité.

 

La prêtresse gagne donc en sacralité. L'interprétation de Krysanova est vraiment très douce, toute timide en s'assumant néanmoins, jusqu'au dernier acte explosif. Ce n'est pas une femme qui a rompu ses voeux, elle reste pure jusqu'à la fin, même trompée par le superbe Solor de Loparevich.

 

Le trio principal m'a donc emballé, j'apprécie avec eux une version différente de celle que je connais. Pour le reste de la compagnie, le corps de ballet ne me parait pas aussi géométrique qu'à Paris, je ne vois pas une seule respiration lors de la descente des Ombres comme j'ai déjà pu en voir. Mais il y a également moins de stress et plus de sourire. L'idole dorée de Kochan m'a quant à lui époustouflé avec ses jambes et sauts qui feraient pâlir n'importe quel danseur

 

Ma première au Bolchoï m'a donc bien confirmé que les russes réussissent à donner leur version de la danse, si différente d'ailleurs, devant un public qui s'enthousiasme à chaque arrivée sur scène et à chaque variation, remerciant les solistes par de nombreux bouquets de fleurs.

 


Boris Godunov au Bolchoï

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Théâtre Bolshoi

7 mai 2013

Modest Mussorgsky

Direction musicale: Vassily Sinaisky; Mise en scène: Leonid Baratov

Boris Godunov: Vladimir Matorin; Kseniya: Nina Minasyan; Fyodor: Elena Novak; Shuisky: Maxim Paster; Pimen: Alexander Naumenko; Le Prétendant: Roman Muravitsky; Marina Mnishek: Irina Dolzhenko; Varlaam: Valeriy Gilmanov; Missail: Yuri Markelov; Tenancière: Alexandra Durseneva; Le Simplet: Marat Gali

 

 

Alors que je passe ma journée à m'extasier devant les églises du Kremlin, je me rends le soir au Bolchoï pour voir Godounov. Pouvoir apprécier ce pur opéra russe dans le plus grand et prestigieux théâtre du pays, c'est un luxe inouï. L'ensemble de la compagnie est habitué et habité par les rôles de cette production de 1948.

 

En effet depuis plus de cinquante ans le Bolchoï joue la même version de l'oeuvre, ce qui parait inimaginable dans un théâtre européen! Et pourtant, en donnant une version très littérale de l'œuvre qui suit les canons du grand opéra russe, on ne s'ennuie pas un seul instant. À l'inverse de Kovantschina vue ici à Bastille, il n'y a pas de désir d'interpréter la mise en scène: la production a lu le texte et s'est simplement demandée ce à quoi cela ressemblait à l'époque. J'ai bel et bien vu devant moi l'histoire russe défiler un instant, et non pas celle européenne depuis Pierre le Grand, mais bien celle quasi mythique des boyards et des patriarches dans les couleurs de la Moscovie médiévale.

 

Boris a tué le Tsarevitch Dimitri, fils d'Ivan le Terrible, et s'est fait élire Tsar par les boyards. Un jeune moine décide de se faire passer pour le défunt héritier, menant alors une rébellion contre l'usurpateur avec l'aide des Polonais catholiques. La famine s'étend sur le pays et Boris ne cesse de rêver que le prince n'était pas mort. Il finit par mourir de sa folie.

 

Tel Macbeth, Boris réussit à obtenir ce qu'il désirait: le pouvoir qu'il pourra ensuite transmettre à sa descendance. Il pense pouvoir, comme tous les fondateurs de dynastie, réussir à paraitre comme le roi mythique, bon et généreux envers son peuple, et que l'on oubliera son moyen d'obtenir le pouvoir. Mais il sera torturé par ses démons intérieurs, voyant le tsarevitch partout. Sa mission finira par se ralentir rapidement, n'ayant jamais réellement fonctionné. Il s'était mis chez les moines par choix au début de l'intrigue pour se faire appeler tsar, il tente d'y retourner par obligation avant de mourir pour reposer sa conscience, mais n'aura pas le temps de faire pénitence.

 

L'histoire ici divisée en tableaux bien distincts utilisant chacun des scénographies différentes est bien facile à suivre. Il y a moins d'intrigues et de personnages que dans Kovantschina. Si les scènes mettent parfois longtemps à se mettre en place (trois entractes plus dix minutes de pause entre chaque scène), cela permet de faire un point sur l'intrigue et l'évolution de chacun.

 

La mise en scène parait étonnamment fraîche et propre même après tant d'années. Les somptueux décors inspirés du Kremlin ou de paysages campagnards ainsi que la richesse des costumes brillants et raffinés (et le cheval présent sur scène) contribuent décidément à me baigner dans le folklore russe.

 

Dans son désir de contribuer à la formalisation de la culture russe, Mussorgsky réussit d'ailleurs à glisser ça et là des chansons plus traditionnelles, sans doute inspirées de la pièce originelle de Poushkine, spécialiste des contes. Ainsi les chansons de la tenancière de l'auberge, du moine ivre dans l'auberge, de la nourrice ou même la lamentation de la fille de Boris semblent provenir de sources extérieures et non européennes. De la même façon, le récit final du moine Pimen semble une anecdote que l'on pourrait retrouver dans des contes russes. Le personnage du mendiant simplet à lui seul symbolise également un pan de la culture russe, entre respect et moquerie des ermites.

 

Dans la musique d'ailleurs subsiste cette différence entre la musique symphonique plus classique et celle qui rappelle le sacré des grands choeurs russes ou alors le folklorique des villageois. Dès le début, comme une sorte d'introduction, nous sommes directement plongés dans les grands choeurs majestueux de lamentation qui demandent à Boris d'accepter la couronne. Comme dans certaines pièces antiques, peu d'actions se passent réellement sur scène, tout nous est raconté, accentué par la superbe musique dirigée par Sinaisky, que les Moscovites ont trop tendance à oublier lorsque le rideau commence à se fermer. L'ultime scène parait anecdotique, commençant par un débat du conseil des boyards sur la façon de tuer le Prétendant. La scène de la mort de Boris parait même peu réaliste, comme si la troupe avait du mal à jouer sur scène.

 

Vladimir Matorin recevra une quinzaine de bouquets et corbeilles de fleurs, ne sachant qu'en faire et les jetant un à un derrière lui. C'est un grand chanteur que j'ai eu la chance d'écouter, peut être un des plus grands rôles de basse que j'ai pu entendre dans un opéra. Sa voix profonde ne masque cependant pas ses lamentations et son mal être quasiment romantique, comme dans ses plaintes de l'acte II dans ses appartements suivies de l'apparition du spectre de l'enfant qui n'est représenté par rien d'autre que la musique. Même absent de la scène, il est le fil rouge de l'œuvre autour duquel viennent se greffer plusieurs personnages, davantage de spectres lui rappelant ses actions meurtrières.

 

Grigor, le moine opportuniste, comprend que le peuple a soif de vengeance et de changement et en profite comme l'aurait fait un Napoléon. L'histoire ne nous dit même pas ce qu'il advint de lui par la suite, il sert uniquement de menace invisible pour Boris qui ne le rencontre même pas. Son passage avec Marina dans un élégant jardin d'un élégant palais polonais à l'italienne semble totalement hors sujet. Comme une parenthèse romantique au milieu du folklore russe. C'est l'éternel sujet du décalage de la Russie par rapport au reste de l'Europe. Mais Mussorgsky semble se moquer de ce monde romantique puisqu'il n'est en réalité absolument pas question d'amour entre les deux jeunes gens mais de froids calculs de pouvoir. C'est pourtant un des plus beaux moments de l'oeuvre qui, comme l'opéra français coupé par un ballet de distraction au XIXe, interrompt l'intrigue pour nous proposer un divertissement.

 

Datant de l'époque soviétique, cette production, qui avait remaniée la partition, met en avant le peuple comme dernier acteur principal de l'oeuvre. En tant que choeur du Bolchoï, les choristes sont rompus au style russe. Ils envahissent la scène et semblent une vraie menace face aux imposants mais solitaires boyards. Leurs chants quasi sacrés montent jusqu'à mon balcon comme des prières.

 

C'est actuellement les vacances à Moscou, peut être que le Bolchoï a souhaité ressortir cette production pour satisfaire les touristes et les abreuver de grands opéras locaux. Qu'importe, j'ai pu enfin écouter l'un des piliers du répertoire qui défile à travers les âges et réussit à captiver, ce qui représente la magie de l'opéra.

 

Roméo et Juliette russe, mais terne

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Théâtre Bolshoï

10 mai 2013

Yuri Grigorovich, Serge Prokofiev

Direction musicale: Andrey Anikhanov

Juliette: Anna Nikulina; Roméo: Alexander Volchkov; Tybalt: Mikhail Lobukhin; Mercutio: Andrey Bolotin; Pâris: Vladislav Lantratov

 

 

Vérone, Renaissance, Shakespeare, les thèmes portent pourtant bien vers le raffinement et l'élégance. Si je ne suis pourtant pas particulièrement chauvin vis à vis du ballet de l'Opéra, il faut pourtant avouer que le Roméo et Juliette de Noureev est un des plus beaux spectacles de ballet qu'il soit donné à voir, autant pour la chorégraphie que les costumes et les décors.

 

La version du Bolchoï de Grigorovitch, qui date de 1979 et qu'ils ont eu la sotte idée de remettre sur scène, ne rend absolument pas hommage à la beauté de la Renaissance et me rappelle tristement les affiches de ce ballet de plus humbles compagnies d'Europe de l'Est, un peu kitsch et sans raffinement. Il est bien dommage pour une compagnie aussi douée et mondialement connue que le Bolchoï de disposer d'une version aussi peu esthétique d'un ballet pourtant vendeur et qui change des Bayadères et autres Lac des Cygnes.

 

La scène est coupée en deux. Au fond, le lit de Juliette, la cérémonie du mariage, les tribunes de spectateurs de bataille. Presque toute la narration s'y déroule. Comme je l'ai expliqué ici, la scène du Bolchoï est gigantesque; sans jumelles il semble impossible de pouvoir voir en détail l'intrigue. Devant cette arrière scène, un rideau noir et rouge transparent qui sera donc le seul décor du reste de l'espace scénique.

 

Les costumes ne suivent pas ce qui semble pourtant s'imposer comme une évidence, c'est à dire la séparation en deux ou trois couleurs pour l'ensemble du ballet: Montaigu, Capulet et les partisans du Prince (ici un Duc). Je m'y perds donc, ne réussissant que difficilement à repérer dès la première scène si c'est Tybalt ou Roméo qui se traine comme cela en diagonale à travers la scène. Je trouve dans l'ensemble les costumes bien pauvres.

 

Une fois finie cette liste d'accusations, je reviens à l'essence même du Bolchoï, la danse. Là, enfin, je retrouve l'énergie et la beauté qui manque à cette production. Finalement, dans cet espace épuré de décor, la danse en ressort presque mieux, mais je n'ai donc pas toujours l'impression que l'on me raconte une histoire.

 

Mercutio et Tybalt, les deux opposés, me semblent ici danser bien plus que dans la version parisienne. Ce qui m'impressionne le plus chez Mercutio est sa capacité à se rattraper pour réussir à cacher ses cafouillages. Il brille dans sa variation, réussissant à chauffer la triste salle de bal des Capulet, qui se réveille à peine lors de la danse des chevaliers. Sa scène de mort est une vraie tragédie, le poète entouré de sa foule de bouffons réussit à m'émouvoir. Tybalt me semble un peu plus en retrait mais me marque cependant lors de son irruption entre Roméo et Juliette, avec une violence de caractère remarquable.

 

La douce Juliette et Roméo forment un couple idéal, plein de jeunesse et d'entrain. Elle est fraiche, timide, se laisse porter par ses parents, sa nourrice, par son amant. Ses jolis pointes tournent sur la grande scène. Elle est pleine de poésie et semble écraser par le poids qui repose sur ses épaules. Mais elle semble un peu à part de l'histoire, servant d'excuse à Roméo pour danser. Les pas de deux sont surs, passionnés et lyriques, mais surtout grâce à lui.

 

La vraie surprise reste ce Roméo de Volchkov. Décidément devant mes différents ballets moscovites j'aurais été impressionné surtout par les hommes qui m'ont toujours paru avoir des rôles plus important qu'à Paris. Ce blond Roméo réussit à nous faire croire au passage du jeune homme romantique à l'adulte qui affronte ses réalités en face et prend en main sa vie. On voit d'ailleurs bien peu l'autorité paternel qu'il respecte, pour nous indiquer sa prise d'indépendance. Depuis son arrivée sur scène (applaudie évidemment), jusqu'à sa mort, les manèges se succèdent avec une finesse élégante et une très bonne présence scénique. Il vole à travers le ballet. Finalement, j'ai plus l'impression de voir la vie de Roméo que celle du couple.

 

Il manque à cette production le piquant narratif. La nourrice n'est pas très amusante, Pâris m'a semblé absent. L'histoire semble passer à la va-vite. Nous ne voyons pas l'arrestation de père Laurent avant Mantoue, ni la réconciliation ultime des familles, comme si le sacrifice des deux amants n'avait servi à rien. Ce qui est bien dommage puisque leur ultime pas de deux dans la mort nous faisait croire à une véritable histoire d'amour.

 

Etoiles d'aujourd'hui et de demain

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Théâtre des Sablons

15 Mai 2013

Isabelle Ciaravola, Karl Paquette, Laura Bachmann, Héloïse Bourdon, Yannick Bittencourt, Fabien Révillion, Yvon Demol, Sae Eun Park

 

C'était le premier gala de ce type où je me rendais. La formule est étonnante: quelques danseurs viennent danser des pas de deux du répertoire dans des théâtres moins prestigieux que Garnier ou Bastille. Un pas de deux reste pourtant pour moi l'aboutissement d'un ballet, de plusieurs actes qui se sont enchainés. Un pas de deux sans le reste du ballet reste une expérience douteuse. Et la succession d'extraits aussi classiques que Le Corsaire ou La Belle rend parfois l'exercice un peu longuet.

 

Néanmoins le principal point fort de ce type de soirée et qu'il nous permet d'apprécier les prestations de danseurs du corps de ballet dans des rôles de soliste. Les couples m'ont paru ici très bien choisi, notamment par rapport au titre de ce gala. 

 

Commençons par le couple d'étoiles d'aujourd'hui: Karl Paquette et Isabelle Ciaravola. C'est lui qui est l'organisateur de cette petite soirée, elle, c'est une de mes étoiles préférées. Leur premier morceau est extrait de la 3eme de Mahler, qu'ils ont récemment dansé à Bastille et que j'avais pu voir ici. Un petit rappel de cette superbe soirée mélangeant les corps et les positions néo classiques. C'est pour cette pièce que la musique enregistrée a été la pire, du Mahler en bande son, il y a mieux.

 

Ils clôtureront la soirée avec le pas de l'Abandon du Parc de Preljocaj, ouvrant alors sur la saison prochaine de l'Opéra. Seul pas non classique, il semble amuser quelques enfants neuillisiens de l'assemblée, non habitués à l'absence de pointes sur une danseuse, ou de collants sur des danseurs. Mais ces petits ricanements cessent bien vite. Comme le dit Danses avec la plume, "le parc, c'est diablement efficace." Et oui, que c'est beau. De tous les extraits présentés, c'est celui qui m'attire le plus dans l'ambiance du ballet en entier. La musique de Mozart lance les danseurs dans leurs gestes, arrivant à ce climax qu'est le baiser du Parc, [oui c'est celui de la pub Air France, d'accord] qui réussit à déclencher en si peu de temps bien des sentiments.

 

Une fois ces étoiles passées, que reste t-il chez les autres ? C’est la diversité entre sentiments forts, technique et classicisme.

 

Le Corsaire ouvre avec un pas de deux des plus classiques qui laisse découvrir les talents solides du couple Bittencourt/Park, mais l’adage ne semble pas tout à fait solide. Les variations s’enchainent pour arriver à une coda plus correcte. La danseuse coréenne est décidément impressionnante techniquement et Bittencourt réussit une prestation correcte. Mais les deux danseurs semblent bien plus à l’aise dans le superbe pas de deux du balcon de Roméo et Juliette. La musique à elle seule permet de se rappeler de toute l’histoire, on est tout de suite plongé dans l’univers amoureux. Un pas de deux qui ne soit pas découpé mécaniquement en quatre parties semble plus naturel dans ce genre de soirée.

 

Bourdon et Révillion, jeunes lauréats 2011 du prix AROP, sont décidément les jeunes danseurs assurés à qui l’avenir (et les distributions) sourit. La Sylphide nous dévoile leurs qualités de danseurs bien français, avec un travail du haut du corps remarquable. La variation de James est particulièrement notable. En face, leur Esmeralda m’a donné finalement une bonne image de ce pas, que j’avais trouvé bien ennuyant au TCE l’année dernière. Bourdon réussit ce qui n’est pas toujours facile, la danse avec un tambourin ! Et finalement puisque je ne la vois pas dans l’intégralité du ballet, je ne parle pas de la vraisemblance de son rôle de bohémienne.

 

Le couple des jeunes pousses Demol et Bachmann (que je pense n’avoir jamais vue) prouve de nouveau que l’Opéra recèle de nombreux talents dans son corps de ballet. Carnaval à Venise est un pas qui bien que très classique nous montre des aspects d’humour, un peu dans l’esprit des Millions d’Arlequin. Ils continuent à faire leur preuve dans le pas de la Belle qui laisse prévoir de bien belles choses pour les Fêtes de l'année prochaine.

 

 C’est finalement une démonstration du talent des danseurs du ballet et de la méthode d’apprentissage. Pour pouvoir réussir des pas de deux modernes comme Neumeier ou Preljocaj, il faut avoir fait ses preuves dans le classique de Petipa et Bournonville. Démonstration donc réussie ! 

C'était le premier gala de ce type où je me rendais. La formule est étonnante: quelques danseurs viennent danser des pas de deux du répertoire dans des théâtres moins prestigieux que Garnier ou Bastille. Un pas de deux reste pourtant pour moi l'aboutissement d'un ballet, de plusieurs actes qui se sont enchainés. Un pas de deux sans le reste du ballet reste une expérience douteuse. Et la succession de pas de deux aussi classiques que Le Corsaire ou La Belle rend parfois l'exercice un peu longuet.

 

Néanmoins le principal point fort de ce type de soirée et qu'il nous permet d'apprécier les prestations de danseurs du corps de ballet dans des rôles de soliste. Les couples m'ont paru ici très bien choisi, notamment par rapport au titre de ce gala Etoiles d'aujourd'hui et de demain. 

 

Commençons par le couple d'étoiles d'aujourd'hui: Karl Paquette et Isabelle Ciaravola. C'est lui qui est l'organisateur de cette petite soirée, elle, c'est une de mes étoiles préférées. Leur premier morceau est extrait de la 3eme de Mahler, qu'ils ont récemment dansé à Bastille et que j'avais pu voir ici. Un petit rappel de cette superbe soirée mélangeant les corps et les positions néo classiques. C'est pour cette pièce que la musique enregistrée a été la pire, du Mahler en bande son, il y a mieux.

 

Ils clôtureront la soirée avec le pas de l'Abandon du Parc de Preljocaj, ouvrant alors sur la saison prochaine de l'Opéra. Seul pas non classique, il semble amuser quelques enfants neuillisiens de l'assemblée, non habitués à l'absence de pointes sur une danseuse, ou de collants sur des danseurs. Mais ces petits ricanements cessent bien vite. Comme le dit dansesplume, "le parc, c'est diablement efficace." Et oui, que c'est beau. De tous les extraits présentés, c'est celui qui m'attire le plus dans l'ambiance du ballet en entier. La musique de Mozart lance les danseurs dans leurs gestes, arrivant à ce climax qu'est le baiser du Parc, [oui c'est celui de la pub Air France, d'accord] qui réussit à déclencher en si peu de temps bien des sentiments.

 

Une fois ces étoiles passées, que reste t-il chez les autres ? C’est la diversité entre sentiments forts, technique et classicisme.

Le Corsaire ouvre avec un pas de deux des plus classiques qui laisse découvrir les talents solides du couple Bittencourt/Park, mais l’adage ne semble pas tout à fais solide. Les variations s’enchainent pour arriver à une coda plus correcte. La danseuse coréenne est décidément impressionnante techniquement et Bittencourt réussit une prestation correcte. Mais les deux danseurs semblent bien plus à l’aise dans le superbe pas de deux du balcon de Roméo et Juliette. La musique à elle seule permet de se rappeler de toute l’histoire, on est tout de suite plongé dans l’univers amoureux. Un pas de deux qui ne soit pas découpé mécaniquement en quatre parties semble plus naturel dans ce genre de soirée.

Bourdon et Révillion, jeunes lauréats 2011 du prix AROP, sont décidément les jeunes danseurs assurés à qui l’avenir (et les distributions) sourit. La Sylphide nous dévoile leurs qualités de danseurs bien français, avec un travail du haut du corps remarquable. La variation de James est particulièrement notable. En face, leur Esmeralda m’a donné finalement une bonne image de ce pas, que j’avais trouvé bien ennuyant au TCE l’année dernière. Bourdon réussit ce qui n’est pas toujours facile, la danse avec un tambourin ! Et finalement puisque je ne la vois pas dans l’intégralité du ballet, je ne parle pas de la vraisemblance de son rôle de bohémienne.

Le couple des jeunes pousses Demol et Bachmann (que je pense n’avoir jamais vue) prouve de nouveau que l’Opéra recèle de nombreux talents dans son corps de ballet. Carnaval à Venise est un pas qui bien que très classique nous montre des aspects d’humour, un peu dans l’esprit des Millions d’Arlequin. Ils continuent à faire leur preuve dans le pas de la Belle.

C’est finalement une démonstration du talent des danseurs du ballet et de la méthode d’apprentissage. Pour pouvoir réussir des pas de deux modernes comme Neumeier ou Preljocaj, il faut avoir fait ses preuves dans le classique. Démonstration donc réussie !

Gioconda à Bastille

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Ponchielli

Opéra Bastille

20 mai 2013

Direction musicale : Daniel Oren ; Mise en scène : Pier Luigi Pizzi

La Gioconda : Violeta Urmana ; Laura : Elena Bocharova ; Badoero : Orlin Anastassov ; La Cieca : Maria José Montiel ; Enzo : Marcelo Alvarez; Danseurs: Letizia Giuliani, Angel Corella

 

Venise, entre ses canaux, ses petits ponts, ses rues serrées, est une ville propre aux meurtres, aux coups bas, malgré les splendeurs de ses palais et de ses églises qui semblent afficher au monde une République unie et heureuse qui festoient toute l'année. La Venise de Gioconda insiste sur cette opposition entre réjouissance et menace, entre carnaval et Inquisition.

 

 

Et cette vision binaire est symbolisée par l'opposition dans la mise en scène entre le rouge d'un côté et le noir et ses dérivées de l'autre. Une dualité qui rend de superbes tableaux. De nombreuses joueront avec la lumière pour créer l'équivalent d'ombres chinoises rouges et noires. Des formes géométriques qui viennent des canaux, des bateaux, des voiles, des escaliers ou même des hommes contribuent à un esthétisme raffinée.

 

 

Seules exceptions à ce tableau dual, Gioconda et Laura. L'une en violet, l'autre en blanche. La première agit sensuellement, alors que la deuxième, symbole de pureté bafouée à la Desdémone, subit, son infidélité ne semble pas condamner par l'opéra. Deux femmes d'exception qui semblent réunir à elle deux toutes les qualités du sexe. En recherchant, nous trouvons que Ponchielli fut l'élève de Puccini. Et je trouve que ces deux femmes, en fusionnant, comme tout cet opéra, annonce Tosca: la cantatrice qui se sacrifie pour sauver celui qu'elle aime.

 

 

Ici le sacrifice est encore plus important, elle se sacrifie pour sauver l'homme qu'elle aime et sa maîtresse pour qu'ils puissent s'échapper, sauvant en même temps sa pauvre mère aveugle. S'opposent deux grands méchants, le mari de Laura et Barnaba, espion de l'Inquisition qui voit des sorcières où cela lui chante.

 

 

Cette histoire semble bien banale pour un opéra, les méchants, les gentils, les faibles et le destin inexorable. Cela aurait pu ressembler à une histoire de Puccini ou Verdi, contemporain de Ponchielli. Il manque néanmoins la poésie dans les paroles. Je ne connais pas la pièce originale de Victor Hugo, mais Boito n'en a vraiment pas tiré quelque chose de correct. Le livret et les paroles m'ont paru absurdes. Une fois la trame narrative connue, il ne sert même plus de lire les surtitres.

 

 

La musique néanmoins réussit à attirer toute l'attention. Sous la baguette pointue d'un Oren toujours aussi impliqué, les notes durent et semblent sonner le glas de chaque instant, encore plus noir que le précédent. Les chanteurs ont l'air tout à fait à l'aise, à commencer par Urmana, dans un rôle qui semble la rapprocher de La Force du Destin où je l'avais entendue il y a deux ans. Elle est d'abord annoncée souffrante mais réussit pleinement ses différents arias [et il y en a] qui ne se veulent pas larmoyants à la Violetta, mais réalistes et pragmatiques avec des aigus initialement criards mais qui se révèlent être d'une clarté superbe. Un début de vérisme ?

 

 

La seule à m'avoir émue est La Cieca, la mère aveugle de Gioconda. Elle ne semble pas faire partie de cette histoire, qu'elle ne voit pas et où elle est totalement passive. Sa bénédiction et ses supplications paraissent presque décalées par rapport à la noirceur ambiante. Elles résonnent avec le début d'Ave Maria de Gioconda à la fin de l'œuvre où le personnage pense réussir à quitter l'huis clos vénitien, et ainsi l'opéra.

 

 

Dans cette fresque opératique, Enzo est le valeureux soldat prêt à défendre la veuve, l'orphelin et l'aveugle. Alvarez se prête totalement à ce rôle de jeune premier séducteur malgré lui. En face, sa douce Laura est très imposante, cachée initialement sous un masque, on ne devine pas sa physionomie qui vient en partie défigurer l'image de la douce colombe. Qu'importe, les deux sont charmants en amoureux qui se retrouvent.

 

 

Mais la douceur de ces agneaux s'oppose à la méchanceté de Barnaba et la froideur d'Alvise. Ce premier a la voix à la Scarpa, nasillarde, vicieuse, tel le serpent qu'il symbolise. Ces airs s'enchainent, semant le mal partout où il passe. Certaines mélodies me font penser à Gad Elmaleh quand il parle des 'méchants'. Je m'emporte. Sgura reste une superbe découverte.

 

 

Alvise semble également en dehors de l'opéra, malgré son rôle de fournisseur de poison à sa femme. Sa sombre basse dont je me rappelle Khovantchina et Luisa Miller est un peu engourdie par le climat de Toussaint qui règne à Paris, mais il réussit à être majestueux. Lorsqu'il descend et monte avec sa tunique rouge sang le grand escalier, on croit voir un empereur, un tsar, ou ici un doge qui règne et sur sa femme et sur le monde.

 

 

Pour compenser cette noirceur, la danse des heures tombe, telle une perruque dans la soupe, alors qu'Alvise pense sa femme morte et que Gioconda s'apprête à céder à Barnaba. Le rythme casse complètement l'ambiance des couleurs avec l'arc en ciel présent sur scène. Une distraction qui à l'époque laissait le temps aux messieurs du Jockey Club d'aller souper avant de reprendre la trame. On retrouve ainsi, notamment dans les grands opéras français, un ballet: Faust, Robert Le Diable, Les Troyens, Manon.... Une soirée qui mélange opéra et danse, j'ai déjà vue, à commencer par le sublime Orphée et Eurydice de Bausch. Ici c'est pourtant complètement dissocié.

 

 

Les danseurs ne viennent étonnamment pas du Ballet, mais de la compagnie espagnole qui a créé cette production à Madrid. Je remarque un vrai talent du couple principal, avec un corps de ballet au travail bien trop limité. Mais le public d'opéra ne sait pas trop comment se comporter et alors que ma voisine commence à applaudir toute seule les pirouettes de l'homme, la salle reste muette. Déchainant pourtant un tonnerre d'applaudissements dans la salle. Peut être même de Brigitte Lefèvre et Elisabeth Platel présentes au parterre, j'aurais du me retourner pour voir.

 

 

Un grand opéra italien bien dans son genre qui apporte à Bastille une belle production colorée.

LA Dance Project

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Théâtre du Châtelet

25 mai 2013, 15h

Reflections ; Chorégraphie : Benjamin Millepied ; Musique : David Lang ; Piano : Andrew Zolinsky; Danseurs : Amanda Wells, Morgan Lugo ; Nathan Makolandra ; Julia Eichten ; Charlie Hodges

Winterbranch ; Chorégraphie : Merce Cunningham ; Musique : La Monte Young ; Lumières : Beverly Emmons d’après Robert Rauschenberg ; Danseurs : Aaron Carr, Rachelle Rafailedes ; Amanda Wells ; Nathan Makolandra ; Julia Eichten ; Morgan Lugo

Quintett ; Chorégraphie : William Forsythe ; Musique : Gavin Bryars ; Danseurs : Rachelle Rafailedes ; Nathan Makolandra ; Charlie Hodges ; Morgan Lugo ; Julia Eichten

 

Qu'il le veuille ou non, Benjamin Millepied m'a posé une question cette après midi au Châtelet: qu'est ce que j'attends de la danse? Première question du ballettomane aguerri, mais surtout celle qu'il tente de repousser le plus loin possible. Je n'ai toujours pas de réponse mais par élimination d'ici une ou deux décennies ça devrait être bon. Et encore.

 

C'était la soirée Vip du moment, et j'aurais bien aimé savoir qui était là pour le seul nom de Millepied, ou même de Portman, sans même avoir regardé la programmation. C'est le show qui a apporté ces chorégraphies de ce côté-ci de la place du Châtelet. Forsythe, et surtout Cunningham, je les aurais plutôt vus au Théâtre de la Ville. Et le public n'avait pas l'air bien préparé à ce type de spectacle.

 

La pièce de Millepied était creuse mais dansée, celle de Cunnigham réfléchie mais pas dansée. Il faut attendre le Forsythe pour arriver au correct équilibre entre les deux.

 

Reflections est un reflet de ce que représente Los Angeles pour moi: une mégapole américaine qui bouge beaucoup.... et parfois trop. Commençons donc par ce décor qui semble tirer d'un univers pop art warholien, une écriture blanche massive sur un panneau rouge qui occupe le fond de scène et la scène elle même où sont inscrits: Stay, me think, think, of you. Je m'efforce de trouver un parallèle avec la danse, mais non.

 

Les mouvements s'enchainent, vaguement amoureux, peut être même violents de temps en temps, mais aucun sentiment ne ressort. Je ne suis happé dans aucune atmosphère. Tout au plus le solo de Charlie Hodges me plait, avec une certaine écriture de Forsythe justement, mais nous retournons rapidement dans des duos qui se trainent, s'enlacent, sans raison apparente. À travers la danse, Millepied ne s'est pas mis au service du spectateur.

 

Chez Cunningham en revanche, c'est la danse qui prend le dessus et le spectateur est résigné à un rôle tout à fait passif, voire de souffrance. Que la lumière soit éteinte ou allumée, les danseurs bougent, indépendamment du public. La lumière, elle, danse, les lampes de la salle s'allument une fois, puis c'est un projecteur qui semble tourner sur la scène, tel un projecteur de sécurité qui patrouille autour d'un site protégé.

 

Malheureusement je m'efforce de trouver une image, un semblant de fil rouge dramaturgique, même si je me dis bien que ce n'est pas le but du chorégraphe. Mais quand d'un coup la salle silencieuse s'ambiance d'un bruit grinçant qui semble mélanger une sirène avec des cris de chien, je vois dans ces corps qui s'animent une fratrie qui semble s'échapper. Mais tout parait désespéré et on assiste à la décomposition de leurs mouvements avant leur réunion finale.

 

En réalité, j'avais eu tellement d'appréhension devant ma première pièce de Cunningham en novembre que je m'étais préparé à tout. Winterbranch n'a rien à voir avec Un Jour ou Deux, une pièce 'dansée', mais j'ai été ici attiré dans un certain univers qui ne m'a pas laissé indifférent. Et donc malgré certes l'absence de danse à proprement parler, et les huées de la salle, cette pièce m'a plu.

 

Avec Quintett néanmoins, j'arrive à une pièce qui mélange tout ce qu'il faut pour une réussite. Les mouvements de Forsythe que j'avais découverts entre autres lors de la soirée des Fêtes à Garnier me plaisent toujours autant. Depuis que j'ai vu les DVD La Danse au Travail sur Forsythe et sur Guilhem, j'avais hâte de découvrir plus de pièces du chorégraphe.

 

Toujours un langage qui s'apparente tant au classique, placé ici sur la super musique de Bryars ‘Jesus’ Blood Never Failed Me Yet’, et auquel il rajoute une dose d'humour, des faux gestes, des frappes, pour nous livrer toujours autant de légèreté et de vie sur scène. Les danseurs semblent tout à fait à leur aise dans ce répertoire notamment via les six o clock de Rachelle Rafailedes et les lignes de Makolandra. Je ne sais pas ce que cette pièce me raconte, mais je ne réussis pas à en détacher mon regard, et c’est ce qu’il me faut pour de la danse.

 

Marouf, savetier du Caire

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Henri Rabaud
Opéra Comique
25 mai 2013
Mise en scène : Jérôme Deschamps ; Direction musicale : Alain Altinoglu et l’Orchestre Philharmonique de Radio France
Marouf : Jean-Sébastien Bou ; Saamcheddine : Nathalie Manfrino ; Le Sultan : Nicolas Courjal ; Le Vizir : Franck Leguérinel ; Ali : Frédéric Goncalvès ; Fattoumah : Doris Lamprecht

 

Ma saison à l’Opéra Comique a décidément été un grand succès, de Ciboulette à Diluvio en passant par David et Jonathas. Et la dernière de la saison n’aura pas été celle de trop, elle signe la continuité d’un travail toujours pertinent de répertoire, d’histoire du théâtre et de qualité des représentations.


Marouf ne dit aujourd’hui pas grand-chose au spectateur mélomane moyen, et pourtant ce fut un gros succès en France et dans le monde dès sa création en 1913 salle Favart. Il est ensuite transmis au répertoire de Garnier de 1928 à 1950, avant de disparaître du paysage musical français.


L’histoire provient de l'ultime conte des Mille et Une Nuits, un savetier marié à une "calamiteuse" décide de quitter Le Caire après s'être fait bastonner à tort. A la suite d’un naufrage, il échoue près de la maison d'un ami d'enfance qui décide de le faire bluffer: il serait le plus riche marchand du monde qui attend sa caravane. Le sultan le mariera ainsi à sa fille. Seul un bon génie pourra faire apparaître la caravane tant attendue et ainsi sauver Marouf de la mort.

 

Cette œuvre raisonne des tonalités de l'Orient, de Debussy, de l'héritage classique, sans pour autant ressembler à quoi que ce soit que j'ai déjà pu voir. La partition est ravissante, prenant de temps en temps quelques tonalités orientales pour nous rappeler le contexte. Mais elle joue surtout sur la finesse des flûtes traversières et la puissance des cors de chasse a la Wagner. Rabaud reprend d'ailleurs au compositeur les leitmotive, moins conséquents mais toujours présents. Altinoglu est, selon Agnès Terrier, un passionné de musique française et dirige le Philharmonique de Radio France avec une clarté et une énergie du meilleur effet.

 

La mise en scène s’adapte aux turqueries attendues d’un tel cliché. Les turbans des hommes affichent leur fonction ou personnalité, ainsi le vizir porte un chacal sur le sien, les marins des bateaux de papier, le juge une balance, le pâtissier un gâteau et une cerise géante et les vendeurs des bouteilles de coca. Les décors sobres du Caire et du palais permettent un franc jeu d’acteur et de comédiens. Le comique va parfois un peu loin, comme lors des danses des chevaux dans l’avant dernière scène qui font s’esclaffer le public mais ruinent l’air de Manfrino. Mais certaines scènes restent hilarantes, comme la femme qui fait frapper son mari car il a apporté du miel de canne à sucre et non d’abeilles.

 

Marouf est avant tout un travail sur le dialogue et le texte, brillamment réalisé par le librettiste Lucien Népoty. L’humour est fin, typiquement français, le dialogue précis semble sortir d’un théâtre et non pas d’un opéra ‘classique’. Rabaud était un compositeur attaché à la tradition ancienne de l’opéra, qui insistait davantage sur la théâtralité de l’œuvre, sans pour autant nous donner une œuvre où les dialogues parlé et chanté sont brusquement séparés.

 

Cette pièce est servie par le premier rôle tout à fait magnifique de Jean-Sébastien Bou. Magnifique car il est presque en permanence sur scène, qu’il étonne dès les notes de ‘il est des musulmans’ jusqu’au chœur final, que son air de la caravane et de la déclaration d’amour sont superbes. J’adore vraiment sa voix de ténor, si loin des rôles plus sérieux du répertoire. Il s’amuse sur scène, arrivant en sautant dans un sac, courant à travers la scène, acceptant les coups des gendarmes. Sa déclamation impeccable rend le spectacle encore plus agréable.

 

Et ce spectacle se clôture merveilleusement avec celle dont j’avais l’impression d’entre parler tout le temps sans jamais l’avoir vue : Nathalie Manfrino, superbe soprano dans sa robe gonflée massive. Elle convient naturellement au rôle, elle est belle, ressemble à une princesse et sa douce voix raisonne des chansons d’amour qu’elle chante à son parvenu de mari. Elle l’aime et le lui montre, telle une princesse dédiée à son prince.

 

C’est bien simple, on ne s’ennuie pas une seule seconde. Je rigole, je sors avec des images de génie bleu et des chansons dans la tête. En voyant les réactions des lycéens présents dans la salle, je me dis qu’avec ce type d’opéra, la culture ne peut plus effrayer.

Les Ballets Russes à Garnier

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Opéra Garnier
27 mai 2013
Direction musicale : Vello Pahn
Oiseau de Feu (Stravinsky/Bejart) : Florian Magnenet et Jérémy-Loup Quer
L’Après-midi d’un Faune (Debussy/Nijinski) :Jérémie Bélingard et Eve Grinsztajn
Afternoon of a Faun (Debussy/Robbins) : Matthias Heymann et Myriam Ould-Braham
Boléro (Ravel/Cherkaoui et Jalet) : Aurélie Dupont, Marie-Agnès Gillot, Alice Renavand, Muriel Zusperreguy, Letizia Galoni, James O’Hara, Vincent Chaillet, Marc Moreau, Alexandre Gasse, Daniel Stokes et Adrien Couvez

 

 

Cent ans après le scandale du Sacre du Printemps, l'Opera rend hommage à la fameuse compagnie des Ballets Russes en proposant un programme varié sur trois pièces et les différentes interprétations qui ont pu en être données.


Le meilleur rendu est indéniablement ce doublé de Faune, la version originale de Nijinski avec celle de Robbins: comment un chorégraphe moderne réussit-il à s'approprier une pièce si connue? Robbins nous livre une œuvre qui rend hommage à l'originale, mais en lui donnant une toute autre approche, la mise en abyme du danseur.

Quand Heymann se réveille de son sommeil et commence à regarder le public qui lui sert de miroir, il ne se regarde pas lui en tant que personne, mais plutôt en tant que danseur. Son regard n'est pas celui d'une personne assurée et narcissique, mais plutôt d’un danseur apeuré et stressé, obsédé par son travail. Finalement, on n'est pas bien loin des Chaussons Rouges et de Black Swan.

Et quand la délicieuse Ould Braham entre dans la salle, il voit en elle une rivale et décide de sortir. Mais elle est bien attirante, et pour une fois Heymann pense a autre chose. Pendant dix minutes, c'est la longue hésitation. Ils dansent ensemble, toujours en regardant le public, ils réalisent qu'ensemble ils dansent bien, même mieux. Les longues jambes d’Ould-Braham se déplient, portées par un Heymann toujours aussi présent sur scène. Puis un instant enfin, ils se regardent l'un après l'autre, s'embrassent. Mais l'art doit primer et telle une nymphe Myriam finit par s'en aller, laissant Mathias se rendormir à terre, ayant rêvé un instant de mêler sa passion à de l'amour.

Avant Robbins, Grinsztajn et Bélingard nous ont présenté l'original de Nijinski, celui la même qui avait choqué le Tout Paris au Théâtre du Chatelet en 1912. Et Bélingard se remet tout à fait dans la peau de Nijinski, jouant à fond l'animal pervers et lubrique. Son regard est direct et parle pour lui, son râle de fin résume à lui seul sa prestation. Ses gestes rappellent les vases grecs de l'époque géométrique que le chorégraphe avait vu au Louvre, marchant le torse en avant mais les jambes et la tête sur le côté.

Grinsztajn reste comme toujours altière et impériale et semble à la fois offusquée et attirée par cette étrange bête. Elle semble un instant sombrer dans les bras du Faune, mais finit par partir, lui laissant cependant un châle en guise de souvenir. Une prestation qui relève autant de la danse que du théâtre.

Si ce doublé nous montre le succès de la reprise du Faune, la dernière pièce nous montre les limites des réécritures.

Grand fan de Lelouch, j'ai eu les images du Boléro de Béjart sur la place du Trocadéro bien longtemps avant de m’intéresser à la danse. La partition et la chorégraphie sont pour moi indissociables. Est ce donc la nouvelle chorégraphie qui m’a ennuyé ou suis je trop influencé?

Les éléments étaient pourtant rassemblés et très (trop?) VIP: le duo de chorégraphes à la mode, THE scénographe Abramovic, le designer fashion Riccardo Tisci. Mais il y avait surtout l'ombre Béjart-ienne que j'ai vu flotter tel le fantôme de l'Opera sur la scène de Garnier.

J'ai trouvé la scénographie et surtout les lumières très séduisantes, avec ce grand miroir incliné, ses lumières qui dessinaient des vortex un peu angoissants. Les costumes y sont très biens, même s'ils m’avaient effrayé en photo, ils s'adaptent tout à fait au contexte une fois sur scène.

Je retrouve les éléments de Béjart ici démultipliés et inversés, les cercles de danseurs sont vides et répandus sur la scène, à l'exception du début et de la fin ou les danseurs sont tous rassemblés autour d'une figure phare. Comme s'il n'y avait pas eu d'évolution drastique, à l'exception des capes qui ont tournoyé pendant que les danseurs les enlevaient. Où est le climax que la musique semble appeler? Si ce spectacle m’a certes plu d’un point de vue esthétique, je n’ai pas ressenti de forts sentiments.

Enfin, la soirée a ouvert avec une reprise de l'Oiseau de Feu de Béjart, un ballet qui choisit de ne reprendre que la partition et non pas la trame narrative. Les danseurs habillés simplement dansent en groupe tout d'un coup éclairé par une étrange lumière rouge qui les attire. Lorsque soudain, Magnenet sort du lot, et affiche un costume à la Béjart comme celui d'Arepo. Du leader révolutionnaire qui rejoint sa troupe d'oiseaux voilant et entrainant ses anciens camarades, je ne vois pas grand chose. Magnenet n'est pas du tout dans le bon esprit de Béjart, sa danse est trop française, trop pointilleuse. Mais l'œuvre reste un joli spectacle que j'ai apprécié.


Sacres du Printemps: Centenaire et Création

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Théâtre des Champs-Elysées

31 mai 2013
Valery Gergiev et l’Orchestre du Mariinsky
Ballet du Théâtre Mariinsky
Chorégraphies de Nijinski et de Sasha Waltz

 

 

Le 29 mai 1913, au cours de la saison inaugurale du Théâtre des Champs Elysées, le plus grand scandale artistique de ce début de siècle lance la modernité sur le monde de la musique et de la danse. Selon Gabriel Astruc, fondateur du théâtre, était présent des spectateurs allant de la duchesse de Guermantes à Coline et Schaunard. Dès le prélude, le public commence à s'insurger sur la musique, puis sur la danse. Les gifles et les insultes volent, les huées se mélangent aux bravos. Nijinski est forcé de taper le rythme depuis les coulisses pour que les danseurs puissent danser sans entendre l'orchestre. L'œuvre réussit quand même à arriver à la fin, Le Sacre du Printemps venait de chambouler l'histoire.

 

 

Un siècle plus tard, la chorégraphie originelle a été remontée par un doublé d'Anglais s'appuyant sur la musique, les lettres, les commentaires et les dessins réalisés. Le choc avait été d'autant plus rude que Nijinski avait été formé puis renvoyé du Mariinsky de Petersburg car déjà à l'époque il avait choqué en portant des collants et une tunique courte pour danser Albrecht devant les grandes duchesses. Le Théâtre des Champs a donc choisi de convier la prestigieuse compagnie pour l'anniversaire de ce Sacre, rendant donc un hommage à Nijinski.

 

J'ai eu l'impression d'être devant une pièce de musée. Les costumes en peau de bête me rappellent certaines vieilles photos des productions wagnériennes que personne n'aurait aujourd'hui l'idée de monter. Effectivement dans ce sacre, tout est laid et grotesque comme disait un critique de l’époque, mais aujourd'hui cela ne choque plus. Sont-ce des mouvements? De la danse? Les danseurs commencent par sautiller sur place, puis tout le monde court. On apporte un vieillard qui vient embrasser la terre. À la fin, l'Elue gesticule avant de s'effondrer. Et portant, bien que laid, c'est agréable à regarder, on se sent entrainés.

 

Ici pas de fatalité ou d'événements incongrues qui, tel le Déluge, pourrait entrainer la fin de l'humanité. Non, c'est plutôt l'idée d'un renouvellement et d'un sacrifice rituel habituel. Il faut désigner la jeune fille que la Terre appelle vers elle pour se ressourcer et ainsi que le printemps arrive. Pas d'émotions sur les visages, tout le monde semble résigné à attendre que le temps s'écoule. L'Elue ne rechigne pas à son sacrifice.

 

Stravinsky a nommé sa partition Images de la Russie païenne, et en voyant ces danseurs, effectivement on se sent à l'aube d'une civilisation, qui va déjà néanmoins 'sombrer' dans le raffinement. Car le Mariinsky ne réussit pas totalement à se glisser dans la pure bestialité qui serait nécessaire. Ils réussissent donc un mélange subtil entre élégance et laideur. Ainsi les demi-pointes qu'arborent les danseuses me paraissent très agréables, les élançant vers le haut. Tout comme ces sauts certes grotesques mais rythmés par la musique.

 

Ce qui m'a le plus marqué est la partition, cette musique qui, comme la chorégraphie, mêle des thèmes très rudes avec parfois quelques accents plus clairs. Je ressens parfois des relents de Wagner ou encore de Prokofiev et de sa marche des chevaliers. Au bâton, Gergiev dirige l'Orchestre du Mariinsky, autant une star que le Ballet, les gens se lèvent pour voir le maître en chair et en os. Première fois que j'entendais ce Sacre, et j'ai vraiment adoré.

 

À la version classique succède une création de Sasha Waltz, dont Michel Frank, directeur du Théâtre, est particulièrement friand. Mes expériences avec ses chorégraphies ont été variées, de son Roméo et Juliette à Medea. Ici je reste scotché par tant d'énergie sur scène, je suis captivé.

 

On ne sait pas qui est l'Élue, si certains solistes semblent ressortir, on ne trouve pas. En prélude, un couple s'embrasse alors qu'une danseuse fait un solo. Puis soudainement les autres danseurs arrivent. Ils ont peur, quelque chose arrive. Du haut de la scène commence à descendre un long pique doré qui atteindra le sol après la dernière note. Une pyramide gravier, qui rappelle la bute primitive dans la mythologie égyptienne. Personne ne semble la voir. En la renversant sans attention, est-ce le début du cataclysme?

 

Ils ont peur, ils courent partout, ils s'attrapent, les couples se forment, se déforment, les danseurs s'effondrent, se relèvent, repartent. L'opposition homme femme déjà palpable chez Nijinski parait ici encore plus clair, les femmes s'effondrent, faisant des hommes les dominateurs. Mais une femme finit par tuer un homme à la force de ses poings. La solution pour ce qui va arriver pourrait elle être l'amour? Les danseurs commencent à se déshabiller en s'embrassant avant de s'allonger à terre. Rituel païen et sexualité, indéniablement reliés.

 

Dans cette idée de renouvellement des saisons, du temps qui passe, l'idée de fertilité n'est jamais loin. On voit des hommes frottant le ventre de certaines femmes. Deux enfants finissent par faire leur apparition, formant alors une famille avec deux danseurs. Ils dansent les mêmes pas que leurs ainés, comme si l'ensemble de la population était concerné par ce qui allait arriver.

 

Les hommes portent alors toutes les femmes, comme s'il fallait attendre que l'une d'elle soit désignée. Mais finalement, une à une elles chutent. Commence alors un travail d'identification de l'Élue. Elle finit par être poussée par toute la communauté. C'est ce qui transpire dans ce ballet et dans les deux versions, le poids écrasant de la communauté sur l'individu. Ici elle a peur, à l'inverse de chez Nijinski, elle ne veut pas se sacrifier. Mais sous le poids de la société, elle accepte de revêtir une robe violette, couleur sacrée, et de s'engager dans une dernière danse mortuaire d'une belle grâce et d'une grande désolation.

 

Le spectacle nous amène comme pour la soirée Ballets Russes de Garnier, à comparer original et réécriture. Waltz réussit à livrer sa version de l'œuvre tout en gardant l'héritage de Nijinski. Mon seul regret: ne pas pouvoir voir les danseurs du Mariinsky dans un autre registre.

 

Noureev and Friends

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Palais des Congrès

1 juin 2013
Orchestre Pasdeloup, direction Valery Ovsianikov

Petite Mort (Kylian, Mozart) : Danseurs de l’Opéra National de Bordeaux
La Sylphide (Bournonville, Lovenskiold) : Iana Salenko, Marian Water (Ballet d’Etat de Berlin)
La Bayadère, pas de deux du 2ème acte (Petipa, Minkus) : Evgenia Obraztsova (Bolchoï), Evgeny Ivanchenko (Mariinsky)
Manon, pas de la chambre (McMillan, Massenet) : Tamara Rojo (English National Ballet), Federico Bonelli (Royal Ballet)
Two Pieces for Het (Van Manen) : Maia Makhateli, Remi Wörtmeyer, Het Nationale Ballet
Raymonda (Noureev, Glazunov) : Myriam Ould Braham, Mathias Heymann (Opéra de Paris)

La Belle au Bois Dormant (Petipa, Tchaïkovsky) : Evgenia Obraztsova, Dmitry Gudanov (Bolshoï)

Manfred (Noureev, Tchaïkovsky) : Mathias Heymann (Opéra de Paris)

Marguerite et Armand (Ashton, Liszt) : Tamara Rojo (English National Ballet), Rupert Pennefather (Royal Ballet)

Lac des Cygnes, Adagio blanc (Petipa, Tchaïkovsky) : Daria Vasnetsova, Evgeny Ivanchenko (Mariinsky)

Le Corsaire (Petipa, Adam) : Aleksandra Timofeeva (Kremlin Ballet), Vadim Muntagirov (English National Ballet)

 

 

À la suite de l'hommage à Noureev de l'Opéra de Paris qui n'a pas semblé satisfaire grand monde, ni le petit rat ou danses avec la plume par exemple, et que j'avais du manquer, Charles Jude et la Fondation Noureev ont eu l'idée tardive mais excellente de renouveler une vieille idée du maitre: Noureev and Friends.

 

Noureev avait l'habitude d'emmener en tournée en France et dans le monde certains danseurs de ses amis et de l'Opéra, leur permettant de s'illustrer dans les rôles du répertoire. Vingt ans après sa mort, très peu de danseurs, pour ne dire aucun, présents à ce gala n'ont connu le danseur. Seule Elisabeth Platel présente dans la salle semble réaliser le lien entre le présent et le passé, notamment lorsqu'une vidéo nous rappelle la création de la Bayadère où l'étoile tenait le rôle de Gamzatti.

 

Hommage donc, via ses chorégraphies, des pièces ou des chorégraphes qui lui plaisaient ou encore en mettant sur scène de jeunes danseurs ayant bénéficié des bourses de la Fondation. Certains des meilleurs danseurs d’Europe et de Russie s’étaient donné rendez-vous pour ces deux soirées mythiques.

 

C’est néanmoins bien dommage, la salle est remplie au tiers, je suis replacé du dernier au sixième rang. Le nom de Noureev n’est-il plus accrocheur ? Alors que des compagnies comme le Saint Petersbourg Ballet Théâtre réussissent à remplir la même salle avec des tarifs équivalents, pourquoi cette soirée n’a-t-elle pas marché ? La danse reste donc l’apanage d’une certaine élite au courant des événements, et les têtes présentes étaient indéniablement les mêmes habitués que nous voyons à Garnier ou Bastille.

 

Trêve de plainte, retournons donc à l’ambiance de fête qui transpire dès la lecture frissonnante du programme.

 

La soirée commence par un étonnant ballet, Petite Mort de Kylian, dont j’ai du mal à voir le rapport avec Noureev, mais que j’ai adoré. L’Opéra de Bordeaux, dirigé par Charles Jude, réussit à danser avec la finesse nécessaire pour du Kylian dans cette ambiance si propre au chorégraphe. Les hommes commencent des solos avec des fleurets, rapidement rejoints par des femmes. Je sens certes une violence, mais aussi beaucoup de douceur. Une histoire de domination sur les concertos pour piano de Mozart, c’est un spectacle ravissant et sincère.

 

Commence ensuite une longue série de pas de deux, qui paraissent certes étonnants sortis de leur contexte. Mais c’est le jeu des galas que de faire passer des extraits pour des pièces et faire ressentir au public certaines émotions. L’enjeu n’est pas réussi partout, et les résultats ne sont pas forcément là où on les attend !

 

La Sylphide me donne décidément bien envie de découvrir ce ballet (dès le 28 avec Obraztsova pour ma part), le couple de la Staatsoper de Berlin m’a donné tout ce que j’attendais de ce pas de deux. J’avais bien entendu parler de la finesse chorégraphique de Bournonville, et les deux allemands ont réussi une interprétation délicate du pas. Les jambes ne vont pas forcément au dessus de la taille, le travail des mains est raffiné et les manèges délicatement tracés. Tout est dans le raffinement. Et dans le kilt aussi, que Noureev a arboré à son retour au Mariinsky à 50 ans.

 

 

Changement de registre avec la Bayadère version Mariinsky, où Ivancheko arrive avec une force surhumaine sur scène. Un vrai homme grand et musclé pour un danseur, cela change des formats habituels. Mais il en fait presque trop, et le partenariat avec Obraztsova ne marche pas tout à fait, je doute qu’il y ait eu beaucoup de répétitions, la distribution a changé au dernier moment. En observant son visage, j’ai l’impression qu’elle danse la Mort du Cygne. Les portés sont parfois hasardeux. L’extrait de bravoure russe ne passe pas très bien.

 

 

C’est finalement les couples de danseurs venant des mêmes institutions qui réussissent les meilleurs moments. Ainsi le pas de la chambre du Manon est une merveille. Je ne me souvenais pas d’une musique si passionnelle. Rojo me rappelle Ciaravola avec ses cheveux noirs, et Bonelli le jeune homme de Ganio. Ils sont superbes, j’ai retrouvé ce que j’avais adoré dans la chorégraphie de McMillan. Même pour ce court extrait, les deux danseurs ont l’air amoureux.

 

 

Noureev admirait les chorégraphes du Nord, comme Thomas van Manen. Sa pièce Two Pieces for Het m’a plu au début, mais semblait un peu longue. Le thème m’a paru ibérique, de la fierté et de la passion, le refus de se soumettre mais le lien physique avec l’autre. Les deux danseurs complices font palper une certaine tension entre eux. Si j’ai trouvé cela intéressant, la durée m’a paru longue comparée aux autres morceaux. Mais cette pièce aide à une certaine diversité au sein de la soirée.

 

 

Enfin arrivent ceux que l’on peut considérer comme les enfants de Noureev, les danseurs formés par ceux de la fameuse génération Noureev : Heymann et Ould-Braham. Leur pas de Raymonda est chaudement applaudi, Myriam est applaudie avant même de commencer sa variation. Elle livre une claque en toute douceur, qui peut manquer de l’insolence de Cojocaru telle que je l’avais vue, mais sa délicatesse est agréable. Mais c’est surtout la variation de Heymann qui m’époustoufle, je suis tellement content de le voir sur scène. Ses sauts sont si impressionnants. Dans la coda, ses mouvements de bas de jambe m’obsèdent par leur vitesse et leur réponse à la musique. Un très beau moment de danse.

 

 

Le pas de deux qui suit l’entracte est sans doute le second le mieux réussi après Raymonda. La musique de La Belle m’obsède toujours autant, et avec les danseurs du Bolchoï c’est un vrai délice. Les piqués d’Aurore cafouillent un peu, mais je l’oublie rapidement devant la douceur de leur adage suivi de l’énergie de leur coda. Gudanov maitrise totalement sa technique et me rappelle Hallberg dans la version filmée avec Zakharaova.

 

 

Le seul solo de la soirée permet d’imaginer ce que donnait Noureev seul sur scène, lorsque le public se déplaçait en masse pour voir danser la star. Je n’ai pas laché Heymann des yeux, et je comprends pourquoi le public lui avait réservé une ovation à Garnier le 6 mars. Il tient ici le rôle d’un poète torturé romantique qui semble déchiré, qui explose de l’intérieur. Un superbe moment de danse qui passe trop vite.

 

 

Après ces moments plus forts les uns que les autres, la tension et l’attention perdent en vitesse avec Marguerite et Armand, étrangement arrangé pour ce gala. A l’inverse de tout le reste de la soirée, il y a quand même ici une volonté dramaturgique qui ne fonctionne malheureusement pas du tout. Ainsi, il faut attendre de voir Rojo et Pennefather seuls sur scène dans les derniers instants pour voir un couple superbe. Mais c’est un peu tard et l’intérêt a diminué.

 

 

Le cygne pâtit aussi de l’ambiance gala, je ne ressens pas grand-chose, malgré le talent du Mariinsky. Il manque la tension que l’ensemble du ballet apporte. A l’inverse de la plupart des grands ballets d’action, le cygne a besoin de la dramaturgie et d’images frappantes pour que nous ressentions de fortes émotions devant les pas de deux.

 

 

Et quelle meilleure fin que ce bouquet final qu’est Le Corsaire ? Un morceau de bravoure qui rappelle l’énergie de Noureev dans un de ses rôles emblématiques, représenté ici par un Muntagirov en pleine forme.

 

 

Une bien belle soirée où ne manquait à l’appel que les danseurs d’Australie pour qui Rudy avait monté Don Quichotte, ou encore des danseurs Nord-Américains. L’hommage est rendu, j’aurais souhaité qu’il puisse toucher un public plus large et que la mémoire de Noureev puisse perdurer. Mais tant que ses chorégraphies seront encore dansées, on se souviendra encore de lui.

Sacre de Pina Bausch

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Théâtre des Champs Elysées
6 juin 2013
Tanztheater Wuppertal

 

En voyant Le Sacre, je me dis que j'utilise sans doute trop l'idée que la danse me parait naturelle dans de nombreuses pièces (y compris classique ou néo). Ici, les danseurs se livrent corps et âmes à la chorégraphie, sans fards, accédant jusqu'à leurs limites physiques personnelles. S'ils sont exténués et qu'ils crient, soit. De la même pour la lourde respiration après de rapides enchainements. Les émotions les plus simples de l'homme se lisent sur les visages marqués. La peur, la violence, la fatigue, l'attention à l'autre.

 

Cette chorégraphie est marquante, elle m'a presque autant fatigué que les danseurs et j'en sors avec le cœur qui bat. Comment réussir à la détailler? Elle suit la trame la plus simple de la partition de Stravinsky. Alors que l'humanité semble s'éveiller, un grand danger approche, quelque chose est apparu. Il faut se purger, sans débarrasser, ou alors tout sera réduit à néant.

 

Une des femmes est allongée sur un étrange drap rouge. Une autre arrive, elle semble déjà avoir peur. Les autres suivent, plus sereines. L'arrivée des hommes semble instaurer une autorité craintive. L'opposition semble évidente. Les femmes semblent relativement soumises mais redeviennent tout d'un coup craintives. Les hommes deviennent plus attendrissants, ils ne ressentent rien pour l'instant. Le drap rouge se passe de femme en femme, comme un poids que personne ne peut supporter.

 

Alors que tous restent ensemble dans un coin, le doyen des hommes s’allonge soudainement sur le drap rouge et comme dans la version Nijinski il semble baiser la terre. Lorsqu'il se relève, les hommes forment un groupe qui se détourne de la scène. Les femmes sont recroquevillées, elles ont peur. Le doyen sait qu'il trouvera l'Élue, celle qui doit se sacrifier. Une à une les femmes s'approchent de lui avec le drap rouge, tour à tour apeurée, étonnée, hésitante. Puis la plus faible d'entre elles avance. Il ne la lâche pas alors que le reste de la foule tourne autour d'eux. Elle enfile le drap rouge, une robe sacrificielle. Puis se lance dans un dernier solo mortuaire désespéré où elle s'abandonne totalement aux mouvements.

 

Mes souvenirs exacts restent vagues, j'ai senti alors que les dernières notes tombent une énorme force et un grand épuisement. Le public a ovationné, mais je n'avais pas la force d'applaudir, tant j'étais sonné.

 

En voyant la compagnie interpréter une de ses œuvres phares, je me dis que le spectacle doit être bien différent avec une compagnie plus uniforme comme le Ballet de l'Opéra. Ici c'est bien l'humanité qui est représentée. Et elle n'est pas filiforme. Différentes origines géographiques, des grands, des petits, des maigres, des plus gros. La variété est surtout notable chez les femmes, une grande rousse aux larges épaules côtoie le physique plus faible et philippin de l'Élue. C'est sans doute cette variété qui rend encore plus frappante l'œuvre, ce n'est plus de la danse pour la virtuosité ou la beauté esthétique, mais pour frapper l'individu et dénoncer la violence dans la société.

 

Et pourtant même sans le vouloir, ils arrivent à des mouvements gracieux chez les femmes avec de superbes mouvements de bras et des mouvements bien plus violents et athlétiques chez les hommes. Ainsi lors d'une alternance de musique très légères à la flûte et plus graves au cor. Superbe.

 

Je regrette néanmoins que la soirée soit si courte. Alors que le Sacre sera présenté à Naples en Juillet en doublé avec l'autre chef d'œuvre de 1975 qu'est Café Muller, le public parisien se contente d'un documentaire en première partie. Film sur le travail de Pina avec une soliste du Sacre qui présente la chorégraphe comme on a pu la voir dans le film de Wenders ou le Tanzträume, mais ici cela me semble bien long, j'ai hâte de découvrir la pièce. L’étude de chaque mouvement de la main et du bassin attirera certes les professionnels, mais pour le reste du public, cela tourne rapidement à l’ennui. La fin du film est même huée. L'entracte est plus distrayant avec les machinistes qui installent la terre du Sacre, la ratissent et l'uniformisent avant d'être sauvagement mais superbement ravagée.

Percussions et Danse

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Palais Garnier
7 juin 2013
Musique de table : Thierry de Mey
Trio per Uno : Nebojsa Jovan Zivkovic et Sébastien Bertaud.
Soi-Atman : Sébastien Escobar et Bruno Bouché.
Music for Pieces of Wood: Steve Reich et Bruno Bouché.
Clapping music : Steve Reich

Musiciens : Christine Lagniel, Jean-Baptiste Leclère, Damien Petitjean, Tsuey Ying Taï, Christophe Vella.
Danseurs : Amandine Albisson, Aurélia Bellet, Audric Bézard, Bruno Bouché, Vincent Chaillet, Adrien Couvez, Alexandre Gasse, Aurélien Houette.

 

Il avait fallu attendre un tweet de Sébastien Bertaud pour que les balletomanes se penchent sur cette soirée cachée classée dans la catégorie concert/récital à l'Opéra. Un concert de percussions ne rentrait pas dans ma programmation de l'année à Garnier et j'ai finalement eu bien tort de ne pas le repérer avant. Si j'y allais comme bon nombre d'entre nous pour découvrir les chorégraphies de Bertaud et Bouché, je leur ai finalement préféré la musique, illustrée certes par de jolie œuvres dansées.

 

La première œuvre Table Music se présente de façon étonnante, une femme et deux hommes derrière un bureau. Ils commencent à frotter puis frapper une boite, et les sons commencent à sortir. Leurs mains et cette boite sonorisée sont leurs instruments. Étonnante d'abord, la musique qu'on perçoit devient rapidement entrainante. Leurs gestes commencent à ressembler à ceux de dactylo tapant sur une machine, triant et découpant des feuilles et recommençant inlassablement. Ces minutes relèvent autant de la musique que du spectacle vivant, c’est innovant et amusant !

 

C’est ensuite le moment le plus attendu et réussi de la soirée, la création de Sébastien Bertaud sur une musique de Zivkovic. Trois mouvements, trois groupes d’instruments, trois musiciens et trois danseurs. Le premier mouvement est violent, Bézard et Chaillet en boxers [certaines dans la salle n’ont pas survécu] semblent s’affronter. Au début, ils dansent l’un avec l’autre, répondant à leurs mouvements respectifs, puis chacun sort du carré de lumière et danse indépendamment de l’autre. Ils finissent par se retrouver, comme un miroir, une réconciliation.

 

Le deuxième mouvement arrive avec la charmante Amandine Albisson, qui sur une partition beaucoup plus légére et aigue apporte de la douceur dans ce monde de brut. Un premier solo sur un fil, puis elle danse avec l’un et l’autre de ses camarades. Bertaud dit avoir choisi ses danseurs pour leur complémentarité entre langage classique et force contemporaine. Il n’aurait pas pu mieux choisir, chaque mouvement est gracieux. La pièce s’achève sur de fort jolies musiques d’instruments comme des xylophones, qui sont tout à fait adaptés au monde chorégraphique.

 

Après un entracte où je réalise que le parterre est composé de Gilbert, Martinez, Cozette, Paul, Lefèvre, Hilaire, nous retrouvons un chorégraphe plus habitué en Bruno Bouché. Ici, impossible de ne pas penser à Béjart. Quatre emplacements de tambours ou autres instruments sont placés géométriquement sur la scène. Aurélia Bellet une fois entrée sera la Musique, la Symphonie qui relie ces quatre musiciens entre eux. Après quelques instants de percussions plutôt classiques, deux musiciens s’approchent du fond de la salle d’où un panneau monte, dévoilant alors un grand récipient d’eau. Ils y plongeront des gongs après les avoir frappés, arrivant ainsi à des sonorités étonnantes. Une belle découverte musicale, même si la chorégraphie m’a paru un peu en retrait. Je suis trop occupé à regarder chacun des musiciens plutôt que de contempler sa gestuelle qui se traine d’un bout à l’autre de la scène.

 

La dernière pièce dansée est sur une musique de Steve Reich que j’apprécie beaucoup depuis le Rain de Keersmaeker. Les musiciens tapent le rythme sur des claves sur l’espace scénique, ils ne sont pas placés sur le côté mais intégrés au processus même du spectacle. Chaque danseur est rattaché à un percussionniste qu’il suit, jolie symbolique. Puis les quatre danseurs se mettent à danser en cercle autour des cinq percussionnistes. Quelques mouvements plus tard et les cercles se sont inversés. Une percussionniste centrale, les danseurs puis un cercle de musiciens. Qui du musicien et du danseur entraine qui ? C’est la poule et l’œuf.

 

L’ultime morceau est le plus amusant, encore plus étonnant que le premier. Les danseurs, les musiciens et les chorégraphes avancent du fond de la scène en applaudissant. Le public commence à faire de même, sans vraiment comprendre. Et c’est en réalité une pièce de Reich. Les musiciens regardent attentivement la partition (à laquelle j’aimerais bien jeter un coup d’œil) et les danseurs les suivent, dans une très bonne ambiance. Le rythme est répétitif et entrainant, finissant ainsi de bonne humeur cette sympathique soirée !

Oblomov

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Comédie Française
8 juin 2013
Adaptation et mise en scène : Volodia Serre d’après Gontcharov
Zakhar : Yves Gasc ; Agafia : Céline Samie ; Oblomov : Guillaume Galienne ; Alexeïev : Nicolas Lormeau ; Olga : Marie-Sophie Ferdane ; Stolz : Sébastien Pouderoux

 

Cela faisait très longtemps que je n’avais pas été au Français, entre les multiples reprises et la peur d’aller voir un trop grand classique à la Dom Juan. Mais Galienne et le répertoire russe ont suffi à me convaincre. En arrivant au Vieux Colombier, on me distribue une feuille sur l’oblomovisme du gouvernement actuel et de Hollande et du gouvernement passé. Mais c’est quoi Oblomov ?

 

Oblomov, c’est un déchet, un homme raté qui passe sa vie et ses nuits sur son divan plein de poussière. Il ne comprend pas le monde, ne comprend pas pourquoi il change. Pourquoi tout ne se passe pas comme à Oblomovka, sa propriété où il a passé son enfance et où tout se passait comme dans le jardin de Candide. Dès qu’il s’endort, des images lui reviennent, il marche dans la forêt, aperçoit au loin la grande maison. Le tout sur le Casta Diva de Norma, air qui le rend littéralement fou.

 

Il est néanmoins incapable de faire quoi que ce soit pour changer sa vie ; tout le fatigue. Il se fait virer par son propriétaire, son revenu diminue à cause d’un mauvais gestionnaire, il doit faire des travaux pour améliorer sa propriété, mais il repousse tout au lendemain. Il purge sa mauvaise humeur et sa fatigue sur son serviteur Zakhar, le même qui l’a élevé et qui servait ses parents avant lui. Le seul lien avec ce paradis perdu d’Oblomovka.

 

Galienne réussit presque à nous déprimer, mais réussit quand même à nous faire rire. On lui propose de partir en Egypte et la seule pensée le fatigue : « Mais qui va en Egypte ?! Mais tu réalises les inepties que tu sors ? »

 

En face, étonnamment, son meilleur ami est tout ce qui lui est opposé, Stolz, l’éternel allemand de la littérature russe, est l’homme hyper actif, inscrit dans la mondialisation naissante où il s’accomplit tout à fait. Pour lui la vie c’est ça, voyager, découvrir Paris, Londres et New York. Il arrive, jeune premier, sourire aux lèvres, passant d’une soirée à une place de train à un magasin à la mode. Pouderoux ne me convainc pas tout à fait, mais dans les dialogues avec Galienne, cela passe presque inaperçu.

 

Entre ces deux hommes qui s’opposent tant, une femme qui semble le seul élément ‘normal’, réaliste, qui ramène l’un et l’autre vers la réalité, et c’est l’étrange Marie-Sophie Ferdane qui interprète Olga. Sa voix est juste quand elle chante Norma accompagnée d’une guitare. Alors que les deux hommes semblent étonnamment bien réels, elle parait voguer dans une sphère différente.

 

Quand à la fin de la première partie elle chante Norma, Oblomov lui avoue subitement qu’il l’aime, il voit peut être en elle les souvenirs d’Oblomovka. Mais il réalise qu’elle ne peut pas aimer quelqu’un comme lui, il repart dans ses délires sur le décalage de sa vie par rapport à ce qu’elle attend. Il finit alors par causer lui-même son départ alors qu’elle l’aime. Puis elle retourne vers Stolz qu’elle épouse. Mais lui est trop ravi, il ne comprend pas qu’elle puisse parfois se sentir mal. C’est d’ailleurs le pire moment du spectacle lorsqu’ils sont tous les deux seuls sur scène, cela me parait long.

 

Comme toute la pièce finalement. Si la première partie nous aide à comprendre le personnage, je réalise bien que c’est une caricature, que le personnage ne réussira pas à évoluer. La pièce ne réussit en tout cas pas à nous y faire croire. Et la deuxième partie parait bien longue, commençant d’ailleurs dans une ambiance presque Krämer-ienne avec cet arbre blanc devant ce mur vert.

 

Oblomov finit par se trouver une petite femme, une bonne ménagère qui lui fait des quiches et recoud ses pantalons et ses chaussettes alors qu’il continue à languir sur le même divan poussiéreux. A attendre que sa vie se déroule de la même façon routinière, que la maladie et la mort l’emporte.

Kontakthof de Pina Bausch

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Théâtre de la Ville
11 juin 2013
Tanztheater Wuppertal

 

Kontakthof ou la cour des contacts. Au fond du décor, il y a un théâtre. Est-il utile? Non, le rideau ne s'ouvrira pas, a une exception prés. Pourquoi regarder à travers le prisme d'un théâtre alors que finalement tout ce que l'on recherche se trouve dans la salle même. Et que cherchons-nous? Ce que Pina cherche souvent à nous montrer: les sentiments humains, le plus naturellement du monde mais pourtant sans donner d'expressions aux danseurs. Ou alors parfois cet étonnant sourire en coin que l'on voyait sur la chorégraphe.

Comme dans le Sacre, je suis émerveillé par le naturel de la compagnie. Ils ne sont ni beaux ni moches. Ils sont humains, endimanchés ici dans des robes et des costumes pour cet étrange bal. On oublie toute idéalisation de l'homme ou de la société. Les rapports sont francs, poussés à l’extrême et le public se sent engagé dans ces conflits perpétuels de la société.

Une vingtaine de danseurs commencent par se présenter, se mettre à nu pour indiquer l'absence de faux-semblant: visage, dents, seins, fesses. Les relations des couples se découpent, se recréent, s'améliorent ou empirent. Ils se caressent, s'embrassent, mais tout devient vite violent. Ils défilent et s'agressent calmement l'un l'autre. A chaque frappe, les autres assis sagement au fond applaudissent. Et ce jusqu’au moment où l'une frappe le sexe de l'autre, déclenchant alors une violente et animale opposition homme femme. Comme une absence de surmoi qui laisse libre à toutes les expressions physiques. Un court extrait de ce spectacle de trois heures qui s'écoule aussi vite (ou presque) que le Sacre.

La sexualité est évoquée, une danseuse demande des pièces dans la salle pour actionner un cheval de manège. Il est d'abord débranché, elle ne comprend pas, elle ne sait plus déclencher sa libido. La solitude, le commérage, les vieilles filles, l'hypocrisie de la galanterie. Ou encore les premiers amours: un homme et une femme assis sur des chaises se regardent en se déshabillant, gênés mais intrigués. Autour d'eux commence cette étonnante ronde des danseurs que les autres finiront par rejoindre. Chacun s'y épie, s'attire, se caresse sur un même rythme.

Alors qu'ils dansent de lentes valses, un homme prend les couples en photo, distribuant les clichés à quelques chanceux membres du public. Mais avant, c'est une histoire d'amour de chacun que nous entendons dans sa langue natale (français, anglais, allemand, espagnol, coréen...). Puis la musique s'arrête, nous découvrons un documentaire sur le développement de nouvelles espèces de canards dans un étang artificiel. Ou comment un nouveau milieu social se crée. On n’est pas loin du documentaire su la langouste de Mission Cléopâtre!

Le public n'hésite pas à rire, même lorsqu’il entend cette pauvre femme crier 'Darling' avec toutes les intonations possibles jusqu’aux pleurs. Tous les autres l'abandonnent alors, la regardant avec mépris et dédain.

Pina réussit a nous interloquer. Comme dans la version jeune (immortalisée dans le Tanzträume, film que je vous recommande), on est ému. Quel rôle jouons-nous dans cette ronde incessante? Celui qui abandonne, qui frappe, caresse, court après, déchire? Elle s'oppose à la séparation Tanz et Theater, réunissant les deux dans un spectacle déconcertant mais profondément humain.

Light par le Béjart Ballet Lausanne

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Théâtre de Chaillot
9 juin 2013
Light: Kateryna Shalkina; La femme: Elisabeth Ros; Venezia: Lisa Cano; Poverello: Julien Favreau; Le Marquis: Iker Murillo Badiola; Le prêtre roux: Harrison Wynn; Giraluce: Marco Merenda

 

Comme j'ai pu le voir récemment dans le Boléro, Béjart est décidément un chorégraphe que j'apprécie. A l'inverse de nombre d'entre eux, je n'ai pratiquement jamais été déçu devant une de ses œuvres. J'en sors toujours heureux, avec un sourire aux lèvres et une envie de vivre. J'avais lu que certains n'aimaient pas ces ballets, trop populaires, trop faciles. Mais Béjart est sans doute le des premiers chorégraphes à avoir rempli le palais des sports pour un spectacle de danse, beau signe de réussite de démocratisation d’un art jugé parfois élitiste.

Light est un hymne a la danse, un semblant de propos est installé, une excuse, un cadre pour délimiter les danseurs. Béjart vieillit mal, c’est une évidence, mais ici la chorégraphie a un aspect vintage. Pas de costume, de lumière ou de décors aussi affreux que dans Kabuki par exemple.

Le cadre est celui de San Francisco des années 80: rainbow flag, musique contemporaine (un peu vieillie certes). Mais on s'en détache rapidement. Saint François vient chercher la femme et l'entraine dans l'univers qui baignera toute l'œuvre: Venise au XVIIIe, sous les musiques de Vivaldi, entourée par les personnages de la commedia dell'arte. Elle y donnera jour à sa fille Light, espoir entre les peuples et les régions du monde.

Mais qu'importe l'histoire, car c'est bien la danse qui est ici la plus importante. Les corps se succèdent, emmenés par des figures de proue comme le prêtre roux (Vivaldi), le marquis. Le corps des couleurs est particulièrement remarquables, oscillant entre langage classique et moderne. Les solos commencent par brouiller les pistes du traditionnel homme/femme et le meilleur moment est sans doute le pas entre Elisabeth Ros et Shalkina, la mère et la fille. Ros sert d'appui à sa fille qui esquisse ses premiers pas. Le langage est presque classique: pointes, dépliés. C'est facile d'accès, le public comprend tout de suite.

Le marquis nous offre également une jolie prestation en grande finesse entourée des pulcinellas, ces personnages de gravure qui semblent sortir de la musique de Vivaldi. C’est le pas de deux de Light et du poverello Favreau est un délice, une complicité et un apprentissage. C'est comme une transmission de savoir de la danse.


Jules César, Händel

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Palais Garnier

18 juin 2013

Emmanuelle Haïm et le Concert d'Astrée

Mise en scène: Laurent Pelly

Cesare: Lawrence Zazzo; Cleopatra: Sandrine Piau; Sesto: Karine Deshayes; Cornellia:; Achillas: Paul Gay; Ptolémée: Christophe Dumaux

 

 

En voyant ce Cesare, je me suis imaginé Laurent Pelly regardant le film La Nuit au musée et se disant que ce serait une bonne idée d'utiliser le principe dans un opéra. Les gardiens et conservateurs de musée s'occupent de trier, ranger et surveiller les œuvres alors que des esprits malfaisants qu'ils ne voient pas chamboulent tout ça. En réalité Cléopâtre, Ptolémée, César et tous les autres semblent s'éveiller dès que la nuit tombe pour rejouer inlassablement la même histoire, celle de Jules César en Égypte, ou Giulio Cesare in Egitto, le nom initial de l'opéra.

 

Le décor, les objets, les costumes, tout pourrait donc provenir d'une cave d'un musée richement fourni. La tête de Pompée mort est donc une tête d'un colosse de Pompée en marbre, portée par des palettes de mécaniciens modernes. Mais lorsqu'il faut donner l'impression d'une cour, on ne trouve que les apparats d'une cour du XVIIIe! Lorsque César rêve de Cléopâtre et de son double Lidia, des tableaux défilent de paysages égyptiens, de portraits de la reine. Les armes à travers tout l'opéra sortent des tiroirs et des armoires métalliques.

 

Dans cette mise en scène qui me parait si décalée du travail habituel de Pelly, comme l'Elixir d'Amour ou encore La Fille du Régiment, les chanteurs se donnent à nouveau à cœur joie au le jeu dramatique. La dernière reprise avec Natalie Dessay devait donc être dans ce sens un joli succès, tant la cantatrice sait jouer l'actrice (à tel point qu'elle décide d'y consacrer sa carrière dès la saison prochaine).

 

Sandrine Piau semble ainsi s'éclater à jouer la reine capricieuse et séduisante, énervant ou suppliant son frère, attirant César et se prenant pour une grande tragédienne au bord de la tombe avec un serpent en plastic. On s'éloigne ainsi certes d'un aspect plus larmoyant de l'œuvre mais on gagne tellement plus en modernité et en autodérision! Piau réussit la meilleure gymnastique soprano de l'oeuvre, allant jusqu'à s'en moquer parfois, elle ne force pas, tout lui vient du ventre comme quelque chose de naturel.

 

Car la pièce n'est pourtant pas débile attention! Des symboles sont laissés ça et là également et on alterne entre rires et larmes. Ainsi lorsque Sesto parle de vengeance, on voit trois personnes au fond qui telles des Parques filent travaillent avec des files, et c'est la dernière qui reste, la Parque qui coupe le fil et déclenche la mort.

 

De toute façon, vu la longueur de l'œuvre il faut bien diversifier les émotions. C'est peut être là le secret qui fait passer quatre heures de spectacle. Deshayes s'instaure donc comme l'anti Piau dans le sens où elle campe un personnage beaucoup plus sérieux, un jeune homme plein de fougue, d'honneur et d'espoir, là où la reine est capricieuse, maladroite et séductrice. C'est avec Deshayes qu'il y a le plus d'émotions palpables dans ces moments plus attendrissants de malheur et de défense de l'honneur.

 

Entre les deux une Cornellia intéressante aussi mais par trop de fois larmoyante, le personnage ne m'intéresse pas en soi, elle ne pleure pas son mari mais plutôt la perte de son statut de femme d'une famille romaine patriarche. Le personnage d'Achillas, son complémentaire dont elle ne comprendra jamais vraiment l'amour est bien plus intéressant. Paul Gay m'impressionne toujours autant (il avait été le seul à sauver Faust du désastre l'année dernière), il a ici une tessiture plus douce mais toujours aussi sure.

 

La surprise et la découverte viennent notamment de Lawrence Zazzo, dont j'ai beaucoup aimé les variations de ton et la diction, c'est un type de voix que j'avais rarement entendu et qui permet de fragiliser un personnage comme César. Ce n'est pas encore un ténor ou un basse d'empereur mais encore un général en chef qui instaure la pays dans l'empire.

 

Enfin, de mon premier rang, j'ai particulièrement pu apprécier l'orchestre et la vie qui anime ce groupe humain pendant une œuvre aussi longue. Deux musiciens se sont amusés à mettre la même cravate moche, une femme enceinte tente de tenir sa contrebasse, les deux cithares se racontent leurs potins, tous semblent rire aux choix musicaux des autres. Ils regardent tous Haïm avec le sourire et une attention qui fait comprendre pourquoi la chef refuse de diriger d'autres formations que la sienne. Sa façon tellement gestuelle de diriger rend sans doute la compréhension bien ardue.

 

Ils nous offrent une musique qui me parait bien plus efficace et enjouée que lorsque j'ai pu les entendre dans Médée au TCE. L'usage périodique de la flûte donne à l'instrument une importance rare. Ce sont les violons qui servent de fond sonore sur lequel se rajoutent les autres, les bassons, le clavecin, les contrebasses. Une partition riche qui nous offre des émotions bien diversifiées pendant ces quatre heures de spectacle!

 

La Sylphide, Obraztsova/Heymann

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Palais Garnier
28 juin 2013
Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni
Direction musicale : Philippe Hui
La Sylphide : Evgenia Obraztsova ; James : Mathias Heymann ; Effie : Mélanie Hurel ;  
La Sorcière : Stéphane Phavorin ; Pas de deux des Ecossais : Muriel Zusperreguy, Emmanuel Thibault.

 

 

En 2009 je découvrais la danse avec Onéguine, l’année suivante je vois mes premiers Noureev, Casse Noisette et La Bayadère. Deux étapes importantes qui m’ont fait découvrir différentes visions de ce qu’on appelle des ‘classiques.’ Et ce soir avec la Sylphide, je découvre un grand ballet romantique, vu comme le premier des grands ballets classiques. C’est donc avant tout une découverte de style que Pierre Lacotte a choisi de remonter.

 

Légère déception donc de passer ma première soirée découverte de l’œuvre avec un couple aussi accompli que Heymann et Obraztsova, j’aurais sans doute préféré les voir un peu plus tard dans la série, une fois que je m’étais davantage approprié l’œuvre. Mais quelle introduction ils m’ont donnée! Tout ce que j’avais pu lire sur le style romantique semblait ici s’illustrer comme un cours d’histoire !

 

La plus grande innovation est la différence avec la plupart des grands ballets au répertoire de l’Opéra, comme les Noureev et les néo-classiques. Les premiers sont tellement explosifs, feu d’artifice, époustouflants d’énergie. Les deuxièmes retiennent notre souffle avec leur force dramatique. La Sylphide n’a rien à voir ou même à envier à ces deux catégories, tout est plutôt dans le raffinement, le détail, la minutie et la légèreté, là où les Noureev me paraissent parfois plus imposants. Les pointes ne sont pas évidentes, j'en apprécie encore plus l'élancement qu'elles offrent à la ballerine.

 

Alors que James doit épouser Effie, un petit être malicieux se glisse dans sa maison, inatteignable mais désirant jouer. Le jeune homme en devient fou et finit par délaisser sa fiancée. Comme le prince de la Belle et la Bête, il chasse une sorcière venue se réchauffer, qui lit l’avenir dans les mains des jeunes personnes. Effie n'épouserait pas James, mais Gurn un ami. James finit par partir à la poursuite de la Sylphide. Au deuxième acte, James continue d’essayer de l’attraper, elle s’est réfugiée avec ses amies volantes dans les bois. Il demande conseil à la sorcière pour attraper la jeune femme. Elle lui donnera un châle qui enlèvera les ailes de la Sylphide, la tuant alors. James s’effondre alors que le corps s’élève porté par les êtres blancs.

 

Ce qui me frappe le plus est la capacité d’Obraztsova de paraitre à la fois légère et féerique tout en gardant un caractère mutin. Elle ne semble pas amoureuse de James, elle veut s’amuser, elle sort par la cheminée, disparait dans le sol, s’incruste dans les pas de deux et pique les anneaux. Elle nous offre avec cela une technique impeccable pour la petite batterie et le bas du corps. Elle semble avoir mis de côté ses feux d’artifice de danseuses russes (en gardant les applaudissements néanmoins!). Le long tutu, les arabesques à moins de 90 degrés, me rappellent une phrase d’une professeure de Claude Bessy qui lui disait qu’elles n’étaient pas là pour danser le cancan mais un ballet. La mousseline du tutu aidant, c’est avant tout ses gestes de mains et ses mouvements de tête qui la rendent tout à fait aérienne.

 

En face, un Heymann en grande forme comme je ne l’avais jamais réellement vu. James est bien plus terre à terre et j’ai trouvé l’opposition entre son affirmation sur scène et l’aspect volatile d’Obraztsova tout à fait adapté et réussie. Ses manèges sont époustouflants de virtuosité et d’énergie en le combinant avec une certaine grâce : mix entre le réalisme d’Effie et l’idéal sylphidien. C’est un jeune homme mature qui désire atteindre un idéal mais ne réussit pas à l’attraper, il a un très bon air de désespéré ou plutôt de romantique qui ne sait pas qu’il l’est. Il conclue parfaitement avec une époustouflante série d’entrechats quelques instants avant de s’effondrer.

 

Pour revenir sur le réalisme d’Effie, je trouve que c’est un rôle qui va plutôt bien à Mélanie Hurel, danseuse que j’apprécie dans des rôles bien terre à terre. Elle semble bien innocente et amoureuse lors du superbe pas de deux (plus un) auquel nous avons droit.

 

A l’exception de Stéphane Phavorin (dont j’ai appris que c’était la dernière saison !) merveilleux dans les rôles de caractère comme Madge, le reste de la compagnie m’a un peu décu. Les Sylphides s’ennuyaient presque, les trois demi solistes n’étaient absolument pas en rythme entre elles ou avec la musique. L’orchestre m’a d’ailleurs bien ennuyé, la partition n’est déjà pas très amusante, une direction stimulante et mieux organisée serait appréciable. Toutefois, le pas des deux des écossais apporte une dose de fraicheur avec Zusperreguy et Thibault en bonne forme !

 

J’ai donc passé un bon moment avec deux danseurs de talent, interprètes jusqu'au bout des pieds, mais le ballet ne m’a pas laissé une impression impérissable. J’ai certes ressenti une idée de début XIXème devant les décors, costumes, machineries (les Sylphides volantes dans le deuxième acte) et la chorégraphie, ce ballet représente l’essence du classique. Mais les scènes du corps de ballet ne me ravissent pas plus que cela, trop de sylphides qui ne me paraissent pas bien oniriques. Je relève enfin la tête devant la course poursuite incessante et alléchante de James avec son idéal, qui finit par l’envol du corps de la Sylphide dans les cieux : l’inatteignable disparait définitivement.

La Sylphide, Raveau/Hurel/Froustey

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Palais Garnier
29 juin 2013
Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni
Direction musicale : Philippe Hui
La Sylphide : Mélanie Hurel ; James : Pierre-Arthur Raveau ; Effie : Muriel Zusperreguy; La Sorcière : Stéphane Phavorin ; Pas de deux des Ecossais : Mathilde Froustey, Marc Moreau.

 

 

Après le premier épisode de La Sylphide, retour le lendemain après-midi à Garnier pour une distribution tout aussi intéressante et qui ne comporte presque que des prises de rôle. J'avais surtout pris cette place pour assister à la dernière parisienne de Mathilde Froustey qui prend un congé d'un an pour aller danser au ballet de San Francisco. Mais l'après-midi a été une vraie surprise et m'a révélé Pierre-Arthur Raveau.

Je n'avais pas pu me rendre à son Basilio en décembre mais la critique avait été dans l'ensemble plutôt positive. Ici, il a montré preuve d'une bien belle endurance, je ne le sens pas fatigué même dans les derniers instants, malgré le rôle, et d'une technique assurée et confirmée dans ce rôle romantique. Physiquement il est bien différent d'Heymann évidemment, et son profile de jeune premier lui assure encore mieux l'aspect dramatique du romantique en recherche d'idéal (aidé notamment par le kilt qui lui va plutôt bien). Il n'est pas encore homme et se permet de flotter vers son idéal, qu’il ne semble finalement jamais trouver.

Il semble avoir d'ailleurs moins accroché au sol et rejoint la sylphide dans son coté aérien, avec une légèreté même dans ses pirouettes et ses manèges. Il semble plus stressé dans les partenariats, s'appliquant nettement à bien tenir la taille ou la main d'une de ses partenaires. Il parait à ces moments là peut être trop méticuleux et moins dans son rôle. Mais cela me parait normal pour son premier James. Élancé comme il l'est, Raveau m'a fait penser à ce que j'attendais de Ganio dans le rôle. Manque de chance, l'étoile s'est blessé et ne finira pas la saison, je resterai donc avec les images de Pierre-Arthur.

Hurel n'ayant rien à voir avec Obraztsova, je ne jouerai pas au jeu des comparaisons. J'ai souvent le même avis sur Hurel, qui s'est en partie confirmé cet après-midi. Je la voyais comme une danseuse très précise, que je qualifierais presque de géométrique. Elle sait se mettre en avant c'est évident avec une technique droite, mais pas toujours avec un jeu dramatique ou une rondeur particulièrement marqué. Dans du Forsythe par exemple elle doit être très bien. Ici elle a certes acquis les bases de la Sylphide, le jeu du haut du corps, la petite batterie, mais ne semble pas toujours comprendre son importance, ce qui entraine quelques légers cafouillages.

Mais après tout, sa Sylphide m'a quand même intéressé dans le sens où elle paraissait plus terrienne. On sort alors du combat intérieur de James entre idéal et réalité, pour se rapprocher davantage d'un choix entre deux femmes dont aucune ne peut lui donner ce qu’il désire. La première, souriante, bonne femme au foyer, s'oppose au petit lutin malicieux. James pense trouver en elle son idéal, mais ne réussit pas. Ce qu’il voit comme son idéal s’évanouit devant lui, il a entrainé celle qu’il voyait comme tel jusqu’à la mort. La ballerine a été forcée et finir par s’effondrer.

Zusperreguy joue d'ailleurs un rôle qui lui va si bien, celui de la jeune fille (bergère, paysanne, ...) insouciante qui illumine la scène de son sourire éclatant. Elle pense que James joue un jeu devant elle quand il s'esquive lors du pas de trois et que le mariage lui suffira amplement. Puis, telle une enfant, elle commence à pleurer, il ne joue pas à un jeu qu'elle aime.

Le corps de ballet m'a donné exactement les mêmes impressions que la veille. Avec toutefois comme importante différence le pas des écossais. J'ai trouvé que le pas était un peu plus maladroit que la veille, la complicité Froustey/M Moreau ne vaut pas celle Zusperreguy/Thibault. Mais les variations étaient très honorables; si Moreau a encore à gagner en maturité malgré des débuts tout à fait corrects, Froustey fait une ultime fois preuve de ses talents et de sa présence scénique.

Je remarque d'ailleurs son petit coup de blues à la fin de l'adage et de sa version, au lieu de sortir comme l'avait fait Muriel la veille, elle reste assise sur le côté, comme pour profiter encore une fois de l'ambiance sur scène. Alors que je vais la voir à la sortie des artistes, elle ne semble pas trop triste, plutôt entre nostalgie des années à l'Opéra, l'excitation de son départ pour San Francisco et son possible retour. Les fans étaient nombreux à attendre et le début prometteur de Raveau et le départ (provisoire?) de Mathilde.

 

J'avais déjà parlé du dernier concours de promotion, et vous retrouverez chez danses avec la plume une longue et sincère interview. Je lui souhaite maintenant une très bonne saison maintenant qu'elle a repris les cours outre-Atlantique, nous la retrouverons aux Etés de la Danse en Juillet prochain et, qui sait, de retour ensuite à l'Opéra !

Le Ballet de Vienne rend hommage à Noureev

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4 juillet 2013

Théâtre du Châtelet

Laurencia, pas de six de l'acte II
Before Nightfall
La Chauve Souris, pas de deux de l'acte II
The Vertiginous Thrill of Exactitude
La Belle au Bois Dormant, pas de deux de l'acte III
Rubis, pas de deux
Le Lac des Cygnes, pas de cinq de l'acte I
Black cake, duo
Le Corsaire, pas de deux
Bach Suite III

 

L'hommage de la communauté mondial du ballet à Noureev continue et s'inscrit dans le calendrier des rendez-vous annuels avec ici Les Etés de la danse. Sous le patronage d'un prestigieux board de mécénes, les invitations sont toujours intéressantes, ballet de Novossibirsk, Miamy City Ballet, Alvin Ailey ou encore Paul Taylor. Cette année, comme vous avez pu le voir sans doute à chaque station de métro depuis quelques mois, c'est le ballet de Vienne qui est invité. Il ouvre sa saison estivale avec un gala d'hommage Noureev qui est surtout l'occasion de découvrir l'ensemble de la compagnie dans un répertoire varié.

Alors pourquoi aller à ce gala, ou même pourquoi aller voir cette compagnie danser? Vienne, c'est quand même le règne de l'opéra, la Staatsoper locale présentant des saisons lyriques parmi les plus prestigieuses du monde. Le français Dominique Meyer a été nommé à sa tête en 2010 et, pratique commune, il invite un danseur français à diriger le ballet. Et pas n'importe lequel, celui qui fut sacré 'meilleur danseur du monde' (si cela veut dire quelque chose), celui qui fut un bébé Noureev avec la clique Platel-Guillem-Hilaire-…, bref Manuel Legris.

Je ne sais pas si c'est particulièrement grâce à lui, mais je l'espère, sa compagnie est rayonnante, pleine d'énergie et de talent. Si je m'attendais un peu à des danseurs poussiéreux qui livreraient des classiques académiques et s'écraseraient pieds, mains, mentons dans le reste du répertoire, j'ai finalement passé une très bonne soirée grâce à ce ‘reste du répertoire.’

Tout comme le gala du palais des congrès, cet hommage mélange des extraits de Noureev ou des œuvres et extraits qu'il a dansés, aimés ou programmés. Noureev a donné quelques chorégraphies à Vienne, dont un Don Quichotte et un Lac qui ne sont pas les mêmes qu'à Paris. Il a souvent dansé à Vienne, capitale qui l'avait adopté [Rudy fut naturalisé autrichien après sa défection] et y a importé quelques pas de Russie.

Le premier morceau est donc un extrait de Laurencia que Rudolf avait dansé au Kirov alors qu'il n'avait que 20 ans avec la prima ballerina locale Natalia Doudinskaïa, qui avait cru parmi les premiers au potentiel du jeune Tatare. Cet extrait ne m'a pas laissé de souvenir impérissable, mais j'ai bien aimé le format pas de six, qui change du pas de deux, permettant des pas de trois féminins et masculins. Le couple Marcin Dempc et Camille de Bellefon ressort particulièrement. Le lendemain, elle passait avec succès le concours externe du Ballet de Paris, l'atmosphère viennoise lui a donc été bénéfique!

Le couple principal montrait qu'il était près pour affronter les don-quichotteries des prochaines semaines, elle avait notamment de très jolis sauts plein d'énergie, j’y apprends d’ailleurs le nom du ‘saut Laurencia,’ castagnettes à l’appui.

J'ai trouvé le pas de la Belle lourd et sans grand intérêt, il ne réussissait pas à s'élever et elle avait du mal à tenir ses pointes complètement. Il faut aussi avouer que je suis de moins en moins fan de ce pas de deux, j'espere qu'une fois intégré au reste du ballet je le préférerais! Lui succédait le pas de deux de rubis, que j'ai trouvé bien plat à force de se vouloir pompeux et exubérant.

Enfin, le dernier extrait purement classique était celui du Lac des Cygnes version viennoise avec un pas de cinq que Rudy n'avait pas choisi d'intégrer à la version parisienne vingt ans plus tard. Et grand bien lui en a fait! J'ai trouvé cela platement ennuyant. La performance des danseurs était tout à fait correcte, mais ce morceau ne peut pas constituer en lui même un extrait, pas de points forts remarquables, de morceaux de bravoure ou de lyrisme. La variation de seconde femme fut particulièrement réussie et m’empêche de m’endormir tout comme la variation de Siegfried. Intéressant historiquement, je sens les débuts chorégraphiques timides de Noureev, qui explosera quelques années plus tard !

Fini les critiques, passons maintenant aux coups de cœur!
La Chauve Souris tout d'abord de Petit qui vient sauver la soirée après un Before the Nightfall intéressant et initialement musical mais qui s'éternise pendant vingt longues minutes. Roland Petit propose ici un pas de deux simple, qui va dans la lignée du Jeune Homme ou de Carmen, la femme est ici secrète et en position de force et finit, castratrice, par couper les ailes de son mari déguisé et volage.

La belle blonde Olga Esina joue cette femme sensuelle et mystérieuse et nous fait profiter de ses longues et superbes jambes qui ne sont qu'un moyen de plus pour attirer l'homme. Ses jambes tremblaient quand elle était sur pointes, et face à sa chauve souris de mari, j'aurais cru voir un malicieux cygne. En face, Shishov volait de place en place, plein de désir, finissant anéanti, s'écroulant comme James, il n'a pas réussi à attraper le fruit de ses désirs.

Le duo Black Cake de Von Manen continue sur cette lignée de couple qui s'attire et se repousse avec une chorégraphie amusante sur le thème des danses de salon. La femme appelle l'homme avec ses talons, puis ils s'embarquent dans un tango, mais il part de son coté, elle du sien, elle s’accroche à son dos, elle se hisse sur ses talons. Elle fait la minette, regarde ses ongles, il finit par la trainer en dehors de la scène. Quatre petites minutes délicieuses sur le Scherzo à la rose de Stravinsky qui ne sont pas sans rappeler l'humour de Bausch dans Kontakthof. À nouveau je regrette le gout de Van Manen pour les strings masculins noirs (visible notamment sous le pantalon transparent).

Je range également dans mes coups de cœur ce Corsaire si explosif qui a décidément toujours le même effet sur le public. Je me souviendrais longtemps des ´oh´ et des ´ah´ des spectateurs devant les tours acrobatiques et sportifs de Cherevychko ainsi que des applaudissements en rythme lors de son manège. Pour peu on se serait cru en Russie. Face à lui, Yakovleva me donne les mêmes impressions que sa Kitri en décembre, une sensibilité apparente et une technique pointue. Le cocktail des deux est un pas de deux mémorable.

Des deux pièces restantes, j'ai préféré le Forsythe (obviously) avec ses tutus tout plats qui semblent un pied de nez aux pas classiques. Les positions rappellent Balanchine, mais avec la petite touche Forsythe qui rend tout de suite le ballet délicieux. La musique qui appelle la coda, les successions de placements, de pirouettes, de jambes qui s’étirent, de bras qui se courbent. Certes les lignes ne sont pas aussi droites et impressionnantes qu’à l’Opéra, mais les cinq danseurs, dont le malicieux Kimoto, ont su m’entrainer dans la musique de Schubert pour quelques instants ravissants.

 

Cette longue soirée s’achève par un clin d’œil à Neumeier que Noureev avait programmé pour l’Opéra de Paris : Bach Suite III. Neumeier a toujours su choisir sa musique, et depuis les extraits de Petit et Balanchine que j’ai vu, je sais que Bach est un choix que j’adore pour la danse. Ici je commence un peu à fatiguer, mais j’apprécie un super travail des Viennois, la chorégraphie me rappelle dans l’ensemble la Troisième de Mahler, mais en moins imposant. Cette pièce me parait plus lyrique, plus douce et moins complexe. C’est également Olga Esina qui illumine cette pièce, apportant douceur et légereté pour finir la soirée.

 

Chaque pièce commençait par quelques images de la troupe en répétition nous présentant les différents interprètes et les répétiteurs, comme Manuel que l’on aperçoit de temps en temps : le savoir Noureev continue à être enseigné !

Programme mixte Ballet de Vienne

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Théâtre du Châtelet
9 juillet 2013
A Million Kisses to My Skin David Dawson sur une musique de Bach.
Eventide Helen Pickett sur des musiques de Philipp Glass et Ravi Shankar, Jan Gabarek et Shaukat Hussain.
Windspiele de Patrick de Bana sur une musique de Tchaïkovsky
Vers un Pays Sage de Jean-Christophe Maillot sur une musique de John Adams

 

 

Noureev Corporation a bien vendu cette année, le label des vingt ans de décès s'est appliqué à plusieurs représentations partout dans le monde (même, ai-je découvert ensuite, le troisième acte de Raymonda de Covent Garden). Marges optimisées. Mais même en plaçant l'ensemble des Étés de la danse sous le patronage de l'ami Rudy, Manuel Legris a eu l'intelligence de ne pas non plus noyer le public parisien sous d'éternels hommages.

 

 

Legris propose donc quatre œuvres qui n'ont jamais été présentées à Paris, à l'image de Noureev invitant Forsythe and co à Garnier. Quatre chorégraphes peu ou jamais vus à Paris obligeant à arriver sans a priori dans la salle. Ca fait du bien !

 

 

Dès les premiers instants de A Million Kisses, je me dis que tout le monde ne peut pas faire du Forsythe. Alors certes c'est un peu plus innovant, des danseurs qui s'arrêtent tout d'un coup, qui reprennent ensuite, qui se livrent à des duos seuls dans leur coin. Mais globalement j'ai l'impression que Dawson a réussi à mettre de la poussière sur Forsythe. Un premier mouvement électrique, puis trois couples qui se croisent et se remplacent en toute beauté pour revenir à une ambiance plus énergétique.

Les danseurs viennois sont bien sages, presque timides parfois, sauf peut être Olga Esina la grande gueule et longues jambes que l'on voit à nouveau briller. Legris, comme Maitre Noureev, a ses chouchous et les met en avant. La troupe semble un tantinet stressée, le spectacle commence bien à l'heure et dès le lever de rideau et tant pis pour les replacements; quelques danseurs arrivent trop tôt ou trop tard pour rejoindre leur partenaire, comme Kimoto qui s'amuse à nouveau sur scène avec une dose de retenue que je n’avais pas vu jeudi dernier.

Dans l'ensemble leur travail est propre et attentionné mais j'y sens moins de passion que dans l'œuvre suivante Eventide. J'ai eu très peur au début, rien n'avançait, tout semblait bien lent, jusqu'à ce que je comprenne mieux que l'ambiance était celle d'une fin de journée quelque part entre Venise, Chypre et l'Orient, lampes en verre de Murano à l'appui comme décoration.

Une sorte de bal assez lent, le corps de ballet passe de temps en temps, sort suffisamment des coulisses pour nous rappeler que les trois couples principaux ne sont pas seuls au monde. Puis le soleil se couche (et le rideau de fond avec) et nous sombrons dans une ambiance tout à fait différente, comme si la nuit avait le même effet que dans Twilight.

L'ambiance se tourne peu à peu vers Carmen avec des femmes plutôt dominantes. À l'inverse d'Odile qui a le même tutu que le reste du corps de ballet (les diamants en plus) alors que Siegfried se permet des excentricités vestimentaires, ici ce sont les solistes hommes qui ont exactement les mêmes justaucorps que les femmes. Ce n'est pas très flatteur (pour ne pas dire moche), mais met encore plus en avant les solistes femmes avec leur habit qui revêt lors des pirouettes, astucieux effet d’optique à l’appui, la forme d’un tutu.


Les femmes renvoient peu à peu leurs hommes, les remplacent, les mettent à terre, s'imposent décidément. Le dernier mouvement semble les réunir finalement, comme au climax de la nuit sous les reflets de la lune qu'un grand cadre lumineux nous offre en décor.

À la mi-temps je reste donc satisfait et j'ai hâte de découvrir en deuxième partie de match les seuls noms du programme à me dire vaguement quelque chose: Bana et Maillot. Et bien je suis maintenant fixé.

Je ne vais pas m'étendre longuement sur l'affreux morceau de Bana, Windspiele. Une musique trop connue et qui me parait bien peu dansable, le concerto pour Violon de Piotr Illitch. Un super nom pour les costumes (rappelez-vous les Enfants du Paradis!), Letestu a pondu des espèces de longs tutus en papier froissé et des longs pantalons arts martiaux asiatiques.

J'y ai vu, euh, pas grand chose, et je me suis franchement bien ennuyé. Le soliste semble aux anges en dansant ce rôle étrange qui me rappelle un Rocky Balboa en conflit interne et qui a sans doute oublié qu'il y avait de la musique derrière lui. Il y avait peut être une volonté narrative, que je n'ai pas du tout saisie en tout cas. Passons. Je découvre au moins Kirill Kourlaev, un soliste en grande forme technique et qui apporte un peu de testostérone dans ces pièces qui font dans l’ensemble la part belle aux femmes.

Bana, out, passons donc à Maillot, qui est une jolie découverte et laisse des traces intéressantes. Je ne suis pas fan de toute l'œuvre, parfois trop gymnastiques ou patinoire (la jolie Olga en fait d'ailleurs les frais en s'écroulant à terre avant de s'enfuir dans les coulisses), mais je reste avec cette jolie image des corps de ballets hommes et femmes qui, sur un fond jaune fluo, semblent s'ignorer puis se retrouver alors que le reste de l'œuvre n'est faite que de retrouvailles entre danseurs, d'échanges et de départs attristés.

Ce n'est pas Denys que nous voyons le plus mais Roman Lazik, qui me conforte dans l'idée que, homme comme femme, la compagnie dispose d'atouts majeurs. Je suis frappé de leur joie de vivre et de danser (même du Bana, oui oui), ils se regardent et se sourient en dansant. Ce n'est pas un regard froid vers le public mais bien envers chacun, pour vérifier que tout se passe bien. Une complicité qui permet de donner de la vie à un ballet et rendre attirant un programme qui ne vendait pas beaucoup de rêve initialement.

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