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Channel: La Loge d'Aymeric
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Spectacle de l'Ecole de danse 2014

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C'était la deuxième fois que j'assistais au spectacle annuel de l'école de danse, après la semaine de faste du Tricentenaire de la saison dernière. Décidément un joli spectacle toujours très attendrissant. Le choix de la programmation me réjouissait d'avance, il permettait de montrer l'ADN de l'École de danse, éternellement entre classique et moderne, entre technique et interprétation.

 

Le programme ouvre avec une pièce qui pourrait aisément le finir, tant les derniers instants servent de défilé aux élèves. La Royal Ballet School de Londres est dotée de son propre défilé qu'elle présente toujours en fin de programme (comme ici en 2012), Paris pourrait s'en inspirer. On voit dans ce Concerto en Ré le désir de Claude Bessy de montrer l'évolution entre les différentes classes.

 

On voit donc se succéder naturellement les divisions, de la sixième à la première, la technique s'affirmant, les ballons des garçons s'améliorant et les pointes apparaitre et se perfectionnant chez les filles. La musique de Bach rythme l'ensemble qui finit par une image de tous les danseurs se retournant sur scène, deux premières divisions portant alors la plus jeune fille avec ses bras en couronne, qui semble porter la lyre de l'Apollon musagète.

 

Le deuxième morceau est extrait de Bournonville. Un pas de deux puis des extraits de Napoli. La fêtes des fleurs à Genzano permet sans doute pour la première fois à Anaïs Kovacsik et Chun Wing Lam de danser intégralement un pas de deux sur scène. Ils sont évidemment un peu stressés et encore très académique mais la technique est présente et on les suit avec intérêt sur scène.

 

Je regrette néanmoins l'ennui profond du pas de six de Napoli, intéressant historiquement pour retrouver des traces du fameux placement danois de Bournonville, mais dont la chorégraphie nécessite un fort charisme. Il est sans doute trop tôt pour en demander tant aux élèves. Heureusement, je retrouve un certain entrain dans la Tarentelle, notamment avec le malicieux Alexandre Boccara.

 

La pièce de José Martinez Scaramouche ne m'a pas tant plu que cela. Elle est certes amusante et doit intéresser les élèves, mais je n'ai pas été convaincu. Une partie sur ce qui se passe avant l'arrivée du professeur de danse dans une classe, une partie en hommage à la commedia dell'arte, qui s'achèvera sur un carnaval avant l'arrivée du professeur. Le seul moment que j'ai trouvé réellement bien était l'hommage aux ballets du répertoire avec un Albrecht d'un mètre vingt (cape et fleur blanche à l'appui) et trois Ombres que l'on voit s'avancer. Cela reste un bon exercice d'expression pour les élèves, notamment le Scaramouche d'Andrea Sarri.

 

Mais la pièce que je tenais particulièrement à revoir était le Yondering de Neumeier que j'avais pu voir par les élèves britanniques. Sur des musiques folk américaines (enregistrées par le génial Thomas Hampson), les histoires se succèdent pour ces jeunes adultes, fils et filles de pionniers de l'Ouest américain. Entre le lyrisme de Molly et de Jeanie, on retrouve de la fougue dans l'épisode What's the matter. Chacun des premières divisions y trouve sa place et se donne au jeu de la technique et de l'expressivité pour une pièce qui demande autant de danse que de jeu d'acteur. Les personnalités peuvent enfin se dégager pour ces futurs professionnels.

Spectacle de l'Ecole de danse 2014

Otello au TCE

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La date était marquée d'un trait rouge sur les agendas mélomaniens de Paris (avec le sublime concert de Kaufmann le lendemain), le retour-tant-attendu de Cécilia Bartoli dans un opéra mis en scène dans une salle parisienne. Plus de vingt ans depuis son dernier Cherubini à Bastille dans la mise en scène de Strehler.

 

Le choix de l'oeuvre est un peu dommage, j'ai trouvé l'oeuvre de Rossini un peu faible et trop peu consistente. Comme d'habitude chez lui, de très grands airs s'alternent avec des récitatifs bien ennuyants. Les chanteurs présents sont dans l'ensemble trop peu acteurs pour nous divertir tout à fait en dehors des grands airs. L'opera seria est à double tranchant, ici je n'ai pas particulièrement attaché. Le style permet cependant de superbes démonstrations de techniques.

 

Pourtant, les changements de dramaturgie par rapport à la version tellement plus connue de Verdi sont très intéressants. La jalousie et l'amour du couple est ici mis au second plan, préférant laisser la place à la situation du Maure à Venise. Elmiro, le père de Desdémone, l'accepte comme défenseur de Venise, mais ne le considère pas comme son égal et lui refuse la main de sa fille. L'Africain est donc regardé de haut par la Sérénissime. Rodrigo, fils du Doge, serait donc un meilleur mari. Mais Otello et Desdémonde se sont mariés en secret. S'ensuit la conspiration de Iago et la double mort.

 

Le racisme est donc l'enjeu majeur, comment un immigré africain pourrait-il briguer un mariage avec un des plus beaux partis de Venise? Même après l'intervention du Doge et la mort de Iago, Rodrigo et Elmiro frapperont le corps inerte d'Otello.

 

Ayant eu la chance d'assister à quelques répétitions, j'avais déjà pu voir les décors et voir le choix de mise en scène. De Venise, Leiser et Corier n'ont conservé qu'un lustre de Murano, le reste rappelle des appartements bourgeois, faisant presque référence, avec les costumes, à la mafia italienne des années 50. Le choix est efficace, rien de trop sobre ou de trop flamboyant, c'est d'un niveau juste pour convenir tout à fait à l'oeuvre. Ceci est suffisamment rare pour être souligné.

 

Le salon de l'acte I s'échappe sur une salle à manger luxueusement garnie où les convives s'installent laissant les solistes chanter dans une salle élégante et simple avec ses fournitures, ses miroirs et sa cheminée. La chambre de Desdémone est plutôt vétuste avec son grand lit et son mur en diagonale qui coupe l'espace. Enfin, le bar est vraisemblable et encombré comme il faut.

 

Si j'ai trouvé le public grossier lors de la première, huant la mise en scène et Spinosi, il est vrai que je n'ai pas trouvé le travail de l'Ensemble Matheus digne de ce que j'avais pu entendre ailleurs, notamment au Châtelet entre Rossini et Bellini. L'ouverture m'a particulièrement crispé avec des vents vraiment difficiles. Mais par la suite, le niveau est acceptable sans être ni exceptionnel ni déshonorant.

 

Dans les bonnes surprises, je note surtout le superbe Rodrigo d'Edgardo Rocha, sa voix est toujours juste et bien placée et ses différents airs sont particulièrement réussis. John Osborn réussit tant bien que mal à nous effrayer et atteint toutes ses capacités à travers l'opéra. J'ai bien aimé le personnage du père Elmiro, grande figure de patriarche intransigeant. Peter Kalman en a le physique et la voix.

 

Quant à Bartoli, mes attentes ont été comblées. Elle est d'une rigueur étonnante, elle n'a pas du tout l'aspect diva que l'on pourrait aisément lui prêter. Sa voix monte dans les aigus mais jamais dans le vulgaire. C'est une des seules à pouvoir doubler sa voix avec un certain talent d'actrice. Son air du saule est réellement émouvant. Moi qui pensait préférer l'air de la fin chez Verdi, je pense avoir changé d'avis. Enfin, son combat avec Otello est un des moments les plus forts de la soirée. Par amour, elle préfère qu'il la tue. Une superbe Bartoli qui m'a rappelé certaines figures mythiques des grandes divas qui ont déjà interprété ce rôle (Malibran, Viardot ou encore Callas).

Otello au TCE

Cendrillon (Malandain) du Ballet de Biarritz

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Cendrillon, tout comme sa compère Blanche Neige, est un conte qui ne souffre pas toujours le passage au ballet. Ainsi la version de Noureev en ennuie plus d'un et avait en tout cas réussi à me dégouter de la partition de Prokofiev. Regain d'intérêt la saison passée avec Maguy Marin qui transposait ici l'univers dans une maison de poupées tout à fait adorable.

 

Thierry Malandain choisit délibérément de charcuter la partition pour ne garder que ce qui l'intéresse, notamment l'essentiel de l'histoire. Pas d'entracte, pas de pause pour l'oeil ou pour l'oreille, mais un ballet dense, qui se suit avec délice et intérêt. Le talent de Malandain est de savoir garder l'attention du spectateur qui se demande bien comment chaque épisode va être interprété. Je connais la partition et l'histoire et j'attends donc de voir s'il relève le défi. Finalement un pari bien gagné, l'ensemble est sobre, néo classique voire moderne et diablement efficace.

 

Chaussures, danse, Repetto. Le chausseur de la rue de la paix a fourni les escarpins noirs qui sont accrochés et forment le sobre décor de la pièce. Pas de fioritures de conte de fées: tout le monde connait l'histoire, Malandain refuse donc les artifices. Les costumes dans des couleurs douces ou simples (chaire, bleu pastel, noir, blanc) participent d'un ensemble raffiné, un cadre épurifié pour laisser davantage de place à la danse qu'au spectaculaire. Cela m'a fait penser à certains travaux de Robert Carsen en mise en scène.

 

La chorégraphie de Malandain repose avant tout sur une troupe que j'ai trouvée d'une jeunesse et d'une beauté remarquable. Le père de Cendrillon semble donc plutôt être le grand frère beau gosse, sa mère et bonne fée une cousine un peu plus âgée qu'elle. Qu'importe, on voit bien que ce sont les gens qui importent à Cendrillon mais qui ne peuvent maintenant plus rien pour elle. Elle est devenue adulte et doit subir elle même la violence sociale. (Je suis allé voir Into the woods de Sondheim au Châtelet et ai donc relu Bettelheim).

 

Trois hommes au crâne rasé, avec des robes aux couleurs plus éclatantes qui font résolument tâche, sont de merveilleux acteurs et danseurs dans les rôles de la marâtre et de ses filles. Malandain reprend d'ailleurs la terminologie Disney bien connue de Javotte et Anastasie. Ils sont drôles dans les scènes du cours de danse, de la couturière, en arrivant au palais, en essayant les chaussures. J'en suis presque troublé et essaie de me rappeler à quoi ces danseurs ressembleraient dans la vraie vie.

 

Le corps de ballet est remarquable d'énergie sans jamais tomber dans du vulgaire show. La scène du bal avec les mannequins noirs venus de chez Alaïa est une jolie démonstration de la cohésion de l'ensemble. Lors des dernières scènes du voyage du Prince et des retrouvailles, ils s'insèrent tous très bien dans les ensembles. J'ai particulièrement aimé Patrizia Velasquez comme guide du prince et de ses compagnons, une petite danseuse aux pointes mignonnes comme tout. Elle a eu des problèmes avec ses fouettés mais s'en remet rapidement.

 

Malandain mélange les inspirations de Grimm et Perrault, la marraine qui veille sur Cendrillon et à la fois sa mère et une fée. Pas de magie à proprement parler, mais une cohorte de petits esprits ou elfes qui l'entourent et soutiennent Cendrillon. Au nombre de douze, comme les heures qui finiront par s'échapper (rien d'innovant ici, comme chez Noureev les heures tombent et roulent avant de disparaitre).

 

La fée est la très élégante (et Grace Kelly-esque) Claire Lonchampt, femme souriante et résolument maternelle. La chorégraphie lui offre des pas de deux avec le père de Cendrillon (Raphaël Canet), très tendre et amoureux. À l'inverse de nombreuses interprétations scéniques, le père n'est pas un alcoolique, mais quelqu'un d'attentionné qui semble toujours rêver de sa femme défunte. On ne le voit donc presque pas avec la marâtre. L'histoire reste centrée autour de Cendrillon, on ne voit que son rapport à elle avec les autres personnages.

 

Je regrette néanmoins que le personnage éponyme s'efface quelque peu devant le reste du cast. Miyuki Kanei, dont les traits me rappellent ceux de la Blanche Neige de Preljocaj, est une danseuse attentionnée mais peut-être trop introvertie. Elle est très délicate, discrète, il aurait sans doute fallu un peu plus de force. Le contraste avec la belle famille en est donc d'autant plus fort.

 

Le double personnage du maître à danser et du chambellan du prince est quant à lui une autre forme de marraine, qui veille sur le prince (dont il est très proche) et Cendrillon. C'est le bondissant Arnaud Mahouy qui lance ses grands jetés sur scène. Je regrette presque de le voir rejoindre le corps de ballet à la fin tant il m'a plu en soliste. Sa chorégraphie était naturelle et s'intégrait parfaitement au reste.

 

Je ne dirai pas la même chose du Prince de Daniel Viczayo qui me rappelle décidément le Charmant de Shrek, il veut faire son beau gosse et sa chorégraphie, bien plus classique, veut dépasser le cadre posé par le reste de la troupe. Pirouettes, manèges qui semblent donc pour un temps faire un clin d'oeil aux adaptations classiques du genre. Il est souriant, moqueur lors de son bal, mais finit par se tordre de douleur en voyant les heures et Cendrillon s'échapper. Il finira très attentionné avec sa jolie princesse.

 

J'ai un peu de mal avec les derniers moments, Mandain semble n'avoir pas été très intéressé puisqu'il intègre les saluts à la chorégraphie. Le public balbutie un peu avant de comprendre. Si je trouve particulièrement touchant le pas de la fée et du père, la dernière ronde où tous les danseurs entourent le couple principal n'était pas frappante.

 

Le ballet passe très vite, le style est certes concis mais surtout pas ennuyant, on en ressort très content. Plus que du simple néo, c'est presque du néo néo classique, on respire, on se laisse flotter.

Cendrillon (Malandain) du Ballet de Biarritz

Itinérances: tournée de Nicolas Le Riche

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Petit tour en province pour assister à la première de la tournée d'adieux de Nicolas Le Riche, Itinérances. Si les adieux officiels sous les ors de Garnier seront pour le 9 juillet, le danseur étoile a choisi quelques villes pour présenter son spectacle, qui finira (légèrement modifié) au Théâtre des Champs en novembre prochain.

 

Pour l'accompagner, différents artistes que Le Riche a côtoyés. Sa femme Clairemarie Osta que l'on retrouve avec plaisir après ses adieux il y a deux ans et ses malheureuses péripéties du CNSMDP; la superbe Isabelle Ciaravola qui danse de nouveau après son ultime Onéguine et que nous ne reverrons pas danser de sitôt malheureusement; enfin, Russel Maliphant que Le Riche a connu à Londres et que je voyais pour la deuxième fois.

 

Le programme n'avait pas pour vocation de rendre hommage au danseur étoile et de retracer sa carrière mais plutôt de montrer quelque chose de bien plus personnel, des pièces qui lui tenaient à coeur. La force des interprètes a permis de combler quelques aléas de la programmation.

 

Le choix du lieu, ici la Maison de la culture d'Amiens, rend la soirée bien plus sympathique, voir des danseurs d'aussi près est extrêmement rare. C'est donc depuis le premier rang que j'ai vu ce spectacle et ces danseurs. Heureusement, cette salle brisait les distances habituelles; certaines de ces pièces auraient été quelque peu perdues dans l'immensité d'une grande salle comme Garnier. Je crains d'ailleurs un peu le passage au Théâtre des Champs Elysées.

 

La soirée s'ouvre avec un duo entre Maliphant et Le Riche, Critical Mass. Cela commence par une sorte d'échauffement où les deux danseurs tels deux aimants ne se lâchent pas, se battent et testent leur réactivité l'un par rapport à l'autre, le tout dans une ambiance plutôt zen. Ensuite, on passe à une sorte de tango sur une musique latinos.

 

C'est dans la force des interprètes que réside le succès de cette pièce. Je les vois sourire et se sourire mutuellement. La chorégraphie est dans l'ensemble bien simple, au mieux des étirements de bras, sinon des expressions physiques de déhanchement, de pieds qui se tordent. Une certaine sensualité mais surtout beaucoup de virilité ibérique.

 

On retrouve Maliphant dans une autre de ses chorégraphies un peu plus tard, le solo Shift qui part d'une belle idée mais n'arrive pas à grand chose. Grâce à l'inclinaison des projecteurs et aux toiles du fond, un, deux, trois ou quatre ombres de Maliphant se projettent. Suivant sa position et ses mouvements, les ombres apparaissent, disparaissent, se tordent et on a alors l'impression qu'il y a plusieurs personnes présentes dans des postures différentes. Finalement c'est Peter Pan qui s'amuse avec son ombre qui lui échappe.

 

Mais au delà de cette idée technique, la chorégraphie reste bien vide. Au bout de quelques instants, je finis par me lasser. Néanmoins je sens une sorte d'introspection de Maliphant qui semble très concentré dans chacun de ses mouvements, presque un combat contre lui même.

 

Autre danseur-chorégraphe, Le Riche nous présente sa dernière création, Odysseus, qu'il danse avec Osta. Je trouve toujours cela intéressant de voir un couple 'réel' danser ensemble, surtout lorsque le thème est aussi fort que la séparation d'Ulysse et Pénélope.

 

Dans un premier instant, dans le noir, on voit Le Riche porter Osta de trois ou quatre manières différentes, comme un lointain souvenir du temps où ils étaient ensemble. Puis la lumière s'allume et ils commencent à danser dos contre dos, comme si un mur les séparait. Osta a peur, elle court, Le Riche la rattrape. De toute la pièce ils ne se regardent dans les yeux qu'une ou deux fois. Les thèmes de l'éloignement et de la peur de la solitude permettent de créer une atmosphère de stress plutôt pesante qui réussi à s'alléger lors de certains portées bien plus aériens et lents. Les bras de Le Riche disparaissent dans des tourbillons derrière une Osta presque terrorisée. Une jolie émotion et une certaine densité pour cette pièce portée par deux artistes forts.

 

Le Riche a également choisi de rendre hommage aux chorégraphes avec qui il a travaillé dans le passé: Angelin Preljocaj, avec qui il avait par exemple travaillé le Parc et Roland Petit qui avait créé Clavigo pour Osta et lui.

 

Ciaravola et Osta dansent donc le duo Annonciation de Preljocaj, précurseur en ce jeudi saint. J'avais pu voir cette pièce biblique lors du festival Paris Quartier d'Été, à cette occasion la compagnie Preljocaj avait dansé l'oeuvre dans l'église Saint Eustache, un cadre parfait!

 

Ici, comme un peu déjà à l'époque, j'ai trouvé que la pièce datait vraiment. La musique semble venue directement des premières années de l'électro encore balbutiante, et je vois mal l'archange Gabriel(le) venir devant Marie sur une musique de vortex. (Sans doute suis-je trop romantique.)

 

Mais la chorégraphie, bien que si marquée Preljocaj, est intéressante, à commencer par l'arrivée de l'ange qui se présente à Marie comme dans l'Annonciation de Botticelli. Avant cela, Marie est balbutiante, mal dans sa peau, ne comprend pas ce qui lui arrive alors qu'elle devient femme. L'ange vient alors la guider dans sa métamorphose, lui montre comment se tenir, comment bouger. Son baiser semble donc une transmission, un acte de passage symbolique qui permet à Marie de devenir réellement une femme.

 

Osta réussit comme souvent ce rôle de femme faible, mal dans sa peau, qui apprend à se maitriser. Puis elle se transforme en la femme et danseuse forte et attentionnée que l'on connait. Je garderai longtemps l'image d'elle dans l'épisode de la Cuisine d'Appartement de Mats Ek, montrant le bébé mort à un Jérémie Bélingard tétanisé. Ciaravola arrive comme un ange plutôt étonnant, mais qui se révèle bien pédagogue, avec des étreintes, des embrassades et une jolie délicatesse du mouvement.

 

Mais là où Ciaravola se révèle réellement c'est dans sa prise de rôle dans Le Jeune Homme et la mort de Roland Petit, indéniablement le moment fort de la soirée. Ciaravola apparait telle que dans Le Rendez Vous de Petit, une femme fière, cynique, moqueuse. Sans doute l'inspiration corse. Son teint blanc et ses cheveux noirs finissent ce personnage bien taillé.

 

Elle a parfaitement compris le rôle, tant dans les moments plus techniques comme les développés, ou les coups de pointes, mais surtout dans les moments plus caractériels. Ainsi sa façon de tourner autour de la table, sa façon de cracher la fumée sur Le Riche ou encore son sourire sordide et son rire sourd alors qu'elle s'échappe. Réellement une fascinante découverte.

 

Quant à Le Riche, je l'avais déjà vu dans ce rôle à Garnier il y a quatre ans. À ce moment là néanmoins il y avait l'intégralité du décor et une musique bien plus correcte que cet enregistrement. La poutre comme la table sont un peu tremblantes mais réussisent à tenir.

 

Nicolas Le Riche y est magique, le terme de jeune homme s'applique sans problème pour la danse, même s'il donne un aspect plus mature au personnage. Je finis par ne plus m'étonner de ses capacités, tant tout est parfait, ses sauts, ses expressions, ses postures (même sur une table chancelante et une potence branlante). Je n'ai simplement pas lâché ce couple des yeux et n'ai pas décroché mon sourire.

Itinérances: tournée de Nicolas Le Riche

Jeunes Danseurs

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Après les très très jeunes danseurs de l'école de Danse il y a deux semaines, me voilà donc devant les jeunes danseurs de l'Opéra, qui dansaient des pièces montées par leurs ainés ou camarades (Belarbi, Martinez, Bart, Le Riche, Bertaud, Paul) ou pour eux (Millepied, McGregor, Preljocaj, Kelemenis). Peu de classiques, ce qui permet d'éviter en partie l'effet ennui-désorienté du gala. J'ai été épaté par le niveau global, tous ces beaux danseurs sont bouillants et donnent l'envie de les voir davantage.

 

Surtout qu'il est parfois difficile de s'insérer dans des rôles si fortement attachés à certaines personnalités.

 

Ainsi l'épisode de La Source, pour lequel l'on s'attend à voir Ould Braham et Heymann débarquer. Mais finalement Alice Catonnet se révèle une moelleuse et mélancolique Naïla qui m'a finalement même plutôt rappelé Pagliero. Quant au Zaël-Puck d'Antoine Kirscher, il est bondissant et malicieux, un lutin qui réussit à dépasser la barrière de la technique. Je regrette le manque d'inspiration de Mélac: un bien beau danseur qui semblait fatigué par le rôle après pourtant un manège réussi.

 

De la même façon pour Caligula où je me souvenais bien de Bullion et Osta. Alexandre Gasse semblait complètement à l'aise dans le personnage de l'empereur fou et Galioni est aussi délicate que d'habitude, j'espère la revoir vite. Louvet s'est acquitté comme il pouvait de ce ridicule rôle de cheval alors qu'il aurait pu nous offrir tellement mieux dans une pièce plus classique.

 

Le Parc, vu et revu avec différentes étoiles de l'Opéra, aurait aisément pu souffrir de la comparaison avec Ciaravola, Le Riche, Legris, Dupont.... Mais la délicieuse Charlotte Ranson et le fier Yvon Demol ne m'ont pas fait lâcher mes jumelles une seule seconde. Avec des danseurs plus jeunes, l'œuvre est bien différente, avec une sorte de réalité dans l'Abandon à l'amour et une tendresse juvénile plus présente.

 

Enfin, si je n'avais jamais vu la pièce Fugitif de Sébastien Bertaud, j'ai eu l'impression de revoir des extraits de Pas Parts de Forsythe, immortalisés notamment par des photos d'Audric Bézard, d’Hervé Moreau ou d'Agnès Letestu. Et finalement, la comparaison fonctionne. Bien qu'un peu verts, Lucie Fenwick et ses longues jambes et Mickaël Lafon plus costaud, nous entrainent dans ce court duo dans un espace confiné.

 

Il y a ensuite les extraits qui nous donnent envie de découvrir l'intégralité de l'œuvre.

 

Je me suis donc trouvé un peu perdu devant Genus. Hugo Marchand se montre aussi bon en classique qu'en contemporain et m'a entrainé dans son duo. Juliette Hilaire semblait effrayée, regarder quelque chose au loin, une menace, un fléau qui arrivait, lui la protégeait. Un mélange de fascination et d'incompréhension devant l'extrait, qui semblait à lui seul plus puissant que mon souvenir de L'Anatomie de la sensation du même McGregor (d'ailleurs présent au balcon).

 

Impression encore plus forte devant l'extrait d'Amoveo de Millepied avec le très beau couple Léonore Baulac et Jérémy-Loup Quer. Toute fine, fragile, elle se laisse porter. C'est réellement le moment le plus réussi de la soirée, on a décidément bien quitté le cocon du corps de ballet, ce sont de vrais solistes qui, à l'inverse de la plupart des autres, réussissent à communiquer quelque chose d'autres que la simple technique. Et en plus, danser sur la musique d'Einstein on the Beach de Philipp Glass, c'est un bonheur. 

 

Et enfin, il y a la catégorie: le reste, où l'on a de tout.

 

Un regret d'abord, l'extrait d'ouverture de Wuthering Heights avec Coste et Bachmann. Ce sont deux danseurs aux personnalités fortes que j'avais déjà vu danser, notamment Bachmann dans un gala à Neuilly. Mais je n'accroche pas à ces jeux enfantins au milieu d'un champ de maïs. Dommage de ne pas les voir dans une chorégraphie qui passe mieux dans ce genre de soirée.

 

Une découverte ensuite avec la pièce de Nicolas Paul, Quatre Figures dans une pièce. Oppression et autisme pour chacun de ces quatre danseurs coincés dans leur carré de lumière, qui dansent à tour de rôle puis tous ensemble. Ils écrivent à la craie au sol, ce qui réduit d'autant plus leur espace vitale. Daniel Stokes est la personnalité qui se dégage le plus de cette pièce, mais je remarque aussi Antonin Monié, un physique particulier mais qui convient très bien à ce type d'œuvre plus expressive.

 

Une surprise enfin avec Les Enfants du Paradis. Au milieu du foisonnement perpétuel de ce ballet, je ne me rappelais pas ce joli pas de deux tiré de la scène de Robert Macaire qui commence et finit dans le noir. Hannah O'Neill est une très belle danseuse, très élégante et raffinée, qui se laisse porter par l'attentionné Mathieu Contat que j'ai également trouvé tout à fait comme il faut: ni trop expressif, ni trop faible techniquement. Un très joli couple de danseurs accomplis.

 

Une belle soirée qui a permis à ces danseurs de sortir des rôles de corps de ballet ou de demi-soliste pour briller en solo.

 

Merci @LA_de_M pour la photo.

Jeunes Danseurs

Répétition de Daphnis et Chloé (Millepied, Baulac, Moreau)

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Millepied entre sur la scène de l'amphithéâtre, jean, t shirt, baskets, sourire aux lèvres, pour nous présenter son travail sur sa nouvelle création, à voir dès le 10 mai à Bastille: Daphnis et Chloé. Il commence par quelques mots sur la partition, qui "semble écrite pour un ailleurs" et se félicite du travail de Daniel Buren et de la direction de Philippe Jordan. Décor et musique pourrait déjà suffire pour le spectacle.

Il est accompagné de Léonore Baulac et Marc Moreau, qu'il va faire travailler sur le pas de deux "Le Lever du Jour." Le jeu de la répétition n'est pas faussé, on voit bien que le couple n'a pas encore travaillé avec le chorégraphe.

Le sujet et la coryphée semblent intimidés par l'exercice. Sans doute la première fois qu'ils répètent en public, de surcroît pour ce pas qu'ils ne maitrisent pas encore. Moreau n'hésite pas à faire comprendre qu'il ne se souvient pas encore des pas et que ce n’est pas si facile que Millepied le présume avec humour. Baulac se laisse faire même quand son futur directeur la trimballe un peu sur pointes. Il avoue qu’elle est très légère et très coordonnée. Dans l’ensemble il semble très satisfait des danseurs.

Millepied ne se pose pas de barrière, il se tourne beaucoup vers Lionel Delanoë (maitre de ballet, assis dans les gradins) pour vérifier les pas et l'ordre dans lequel il s'enchaine. La chorégraphie n'est pas encore finie d'ailleurs, il reste les deux dernières minutes à préparer. Les danseurs se relâchent au fur et à mesure de la répétition, on les voit se tromper, en rire, reprendre, s'amuser.

Beaucoup de naturel et de retour vers les habitudes américaines de Millepied. Ses interventions sont ponctuées de "and", "let's go", "lift" "that's it", ses pas font référence à son travail new yorkais. Il nous dit ainsi qu'un des moments où le danseur accompagne sa partenaire sur sa jambe en pointe provient directement du pas de deux du Casse Noisette de Balanchine.

Comme chez le maitre d'ailleurs, il insiste sur la propreté des jambes et la mise en valeur de la ballerine. Il faut donc que Marc Moreau ajuste discrètement ses pieds et place correctement ses mains pour que le spectateur ne le regarde pas tant lui qu'elle.

Sans musique d'abord, il porte une grande attention aux soucis techniques: "fais la monter plus haut", "accompagne la pour l'aider", "fais la glisser sur toi", "le coude au dessus pour tourner plus facilement." Il n'hésite pas à se soustraire à l'une ou l'autre pour voir quel effet cela fait. Pauvre Moreau donc, qui se retrouve à porter un instant Benjamin plutôt que la légère Léonore. Différentes carrures chez les deux hommes pour deux styles bien différents.

En tant que chorégraphe, Millepied nous dit que les pas ne sont pas tout à fait les mêmes pour chaque distribution. Ainsi, il peut très bien avoir écrit un moment avec deux tours, comme avec un seul. À voir ensuite ce qui convient mieux à chaque couple de danseurs. Et éventuellement changer si quelque chose convient mieux.

Millepied parle beaucoup d'espace, de s'élancer. La chorégraphie laisse apercevoir de nombreux portés, des pas de deux sur pointes. Apercu fort intéressant de cette chorégraphie, dont nous voyons des images dans ce reportage de Canal + avant la première dans deux semaines.

Répétition de Daphnis et Chloé (Millepied, Baulac, Moreau)

Tartuffe à l'Odéon

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Les critiques n'ont pas été tendres avec ce Tartuffe. C'est donc avec une certaine appréhension que je me rends (pour la première fois) aux Ateliers Berthier.

La mort de Patrice Chéreau a ému le monde artistique, mais a surtout chamboulé plusieurs projets, comme sa mise en scène de Comme il vous plaira à l’Odéon. Bondy a donc fait revenir in extremis sa production viennoise de Tartuffe, ici en version originale.

Chez Bondy, la sobriété et l'élégance sont souvent au rendez-vous. Pas d'exception ici avec cet intérieur bourgeois, un salon au plancher en damier, sur lequel se promènent les tables, les chaises et les personnages. Les rideaux s'ouvrent et se referment sur les côtés, les personnages absents viennent contempler depuis la loggia.

Le texte ne souffre pas d'un écart avec cette mise en scène quoique moderne mais pas choquante. Tout au plus une cassette enregistreuse vient perturber l'intrigue. Mais donc, pas de choc, pas d'étincelle, et je m'ennuie beaucoup pendant cette pièce. Croire que seuls les vers de Molière et le comique du texte peuvent sauver un spectacle, c'est un peu faible.

L'Orgon de Gilles Cohen n'en fait pas assez dans ce rôle multi-facette dont on pourrait tirer tellement plus qu'un maigre changement de position dans les derniers instants. Valère (Yannick Landrein) en fait quant à lui un peu trop, alors que son rôle est trop court.

Seule la Dorine de Lorella Cravotta m'extirpe de l'ennui lors de la première heure. Elle est bien placée et juste dans le rôle classique de la servante insubordonnée de Molière, qui se joue de son maîtres pour sauver sa maîtresse.

Clotilde Hesme joue la nouvelle femme dépressive qui traine toute la première partie en peignoir, avalant des cachets d’anti dépresseur. J’ai du mal à croire à sa métamorphose par la suite, mais elle se transforme en une superbe Elmire, attirante, calculatrice et vraisemblable.

Et finalement, je note la très belle prestation de Micha Lescot. Tant son physique que sa voix participent de son rôle de manipulateur dragueur dévot. Personnage sec, dont le marcel apparent sous la chemise laisse paraitre ses origines parvenues. On voit nettement sa transformation entre le personnage hypocrite et le véritable squatteur.

Mais dans l’ensemble, cette mise en scène manque de prise de position, de point de vue et de force. Les écueils de la pièce (comme ce deus ex machina final qui nous sauve de la tragédie) ressortent, entrainant des moments irréalistes, notamment les premiers et les derniers instants.

Seule la scène où Elmire se laisse séduire par Tartuffe est réellement un aboutissement théâtral, c’est un peu court, mais je m’en souviendrais !

Tartuffe à l'Odéon

Le Barbier de Séville (TCE, Malgoire)

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Un Barbier, encore un Barbier, on prend, on ne prend pas dans l'abonnement, on y va, on annule? Quand j'ai vu le Barbier pour la première fois (Châtelet, Spinosi, 2011), j'avais l'impression d'être devant une comédie musicale: le théâtre est au moins aussi important que la musique, on connait tous les airs et la musique par cœur. C'est bien agréable (et certes facile) de se retrouver devant une œuvre dont on est très familier. Donc oui, le Barbier on en reprend. Au risque pourtant que le spectacle ne repose uniquement sur le titre.

Les deux versions que j'avais pu en voir (Châtelet 2011, Bastille 2012) plaçaient ce Barbier dans des couleurs chatoyantes et lumineuses espagnoles, en misant sur la bouffa la plus simple. Ici toutefois, l'élégante scénographie de Schiaretti et Décarsin entraine le spectateur vers d'autres thématiques. A défaut de percevoir un aspect politique (comme cela est expliqué dans le programme), je comprends notamment la cause féminine, aisément perceptible dans la musique. Ainsi le décor est très simple, un grand salon, dont les murs sont ceux d'une cage à oiseau.

Bartholo vérifie donc que son bel oiseau Rosine ne s'en échappe pas, ni par les petites ouvertures (le balcon), ni par le loquet, ni par la grande ouverture du fond. Par un effet de perspective, avec le rideau de fond de scène et un rideau intermédiaire, la cage se retrouve soudainement sous un voile. Les couleurs sont moins de Goya que de Paul Klee.

Les lumières sont la clef de voute de ce spectacle, non pas chatoyantes et exotiques, mais sombres et pourpres, reflétant cette atmosphère de calomnie peinte par Basilio. Si les costumes sont plutôt simples, ils prennent de nouvelles textures grâce à cette lumière.

Ce qui m'a enchanté chez les chanteurs, c'est que la troupe dégageait une certaine sympathie. J'avais l'impression de me retrouver dans quelques vieux livres XIXème sur les spectacles aux Bouffes Parisiennes ou aux Italiens. Quelque chose de très Offenbach dans la comédie, le tout pourtant teinté d'un certain sérieux.

Le niveau vocal n'est pas excellent (après Siragusa-Deshayes lors de mon dernier Barbier c'est difficile), je n'ai pas été conquis par les grands airs habituels, mais par l'ensemble de ces petits airs soli ou en chœur qui entrainent l'histoire. Ravi donc d'entendre les airs s'enchainer, hérités de Mozart, le dernier air, mais aussi le Ziti ziti piano piano, et tous les airs de transition.

Ainsi, la Rosina de Ruth Rosique se sort comme elle peu de Una Voce poca fa, mais les notes les plus dures sont un peu noyées, en revanche je la trouve plein de malice dans la scène de la leçon. Elle est plutôt élégante dans sa robe fin XVIIIème. Almaviva (Juan Antonio Sanabria) a une voix un peu crispante, mais réussit à nous entrainer sous ses divers travestissements avec humour et justesse.

Plus de chance pour Figaro, dont le largo al factotum réussit à éviter les dernières notes. Joan Martin-Royo est certes un très bon clown (il ressemblait à un prestidigitateur de Pinder), mais l'intelligence du personnage ressort directement. Renaud Delaigue souffre de son physique (trop grand, trop jeune) pour nous offrir un Basilio scéniquement acceptable, il ne fait malheureusement pas suffisamment aigri et avide, mais son air de calomnie en fait ressortir la vague destructrice. Une bonne surprise enfin avec la servante Berta pour son unique air sur l'amour, une parenthèse dans l'intrigue joliment menée par Marie Camille Vaquié. Bartholo contribue enfin à l'ambiance générale, avec des airs d'autorité justement placés.

La féminité donc, et surtout la sexualité, ressortent de cette production. Tout le monde semble vouloir être avec Rosine, Bartholo, Basilio, Figaro et Almaviva. Les intentions de ce dernier sont d'ailleurs peu claires et on ne voit pas réellement d'amour, mais surtout beaucoup de désir. Rosine, éternellement au centre de l'œuvre, ici enfin dans sa véritable dimension de femme.

Je ressens des émotions bien différentes de Bastille, pour retrouver quelque chose de plus intimiste, qui convient bien à ce type de répertoire. La direction de Malgoire manque dans l'ensemble de puissance et de rondeur, les chanteurs n'ont pas toujours suffisamment de voix, mais pourtant l'atmosphère du spectacle, son humour, sa mise en scène et l'engagement des chanteurs participent d'un relatif succès.

Le Barbier de Séville (TCE, Malgoire)

TranscenDanse: présentation

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Je me suis rendu à la présentation de la nouvelle saison danse du Théâtre des Champs. Ces cinq spectacles sont regroupés dans le festival Transcendanse, une production Sarfati. Les différents acteurs de ce nouveau festival étaient présents pour nous en parler.

Michel Franck, le directeur du théâtre, commence par nous parler du centenaire célébré la saison dernière et de la volonté de son fondateur, Gabriel Astruc, de faire du TCE un théâtre multimodale. La danse y a eu dès 1913 une place importante avec le scandale du Sacre.

 

Le Ballet national de Norvège (22-23-24 septembre)

Ingrid Lorentzen, entousiaste, prend la suite pour nous parler de la compagnie qu’elle dirige. Cette jeune compagnie réside à l’Oslo Opera House, une superbe salle toute récente qui leur permet d’écrire leur histoire. La compagnie, plutôt cosmopolite, est constituée de 59 danseurs, de 20 nationalités différentes. Sa directrice prend comme un honneur et un privilège d’être invitée dans ce prestigieux théâtre plein d’histoire.

Concernant Kylian, la compagnie possède 17 ballets du chorégraphe à son répertoire. Lorentzen nous parle de lui comme « un des poètes de la danse de notre époque. » Leur partenariat avait commencé dans les années 70 et c’est en 1999 que la compagnie présentait une soirée entière de ses chorégraphies. La directrice prend donc cette opportunité pour renouveler le lien qui existe avec eux. Les pièces présentées seront le mythique Bella Figura, Symphonie de Psaumes et (pour la première fois en France) Gods and Dogs.

 

Carte blance à Nicolas Le Riche (4-5 novembre)

Nicolas Le Riche, plus solennel, nous parle de sa soirée et de son plaisir de revenir sur cette scène où il a visiblement fait ses premiers pas quand il était à l’École de danse. C’est également pour lui un lien avec Roland Petit et de l’histoire de la danse en général. Il exprime son désir de partager une danse sincère, authentique et variée. Le programme est en écho à la tournée actuelle (que j’ai pu voir ici à Amiens). « Ce n’est pas le même programme, voire pas du tout même. Oui ce n’est pas le même. » En plus d’Annonciation, de Critical Mass et d’Odyssée, Nicolas Le Riche dansera Suite of Dances de Robbins et la compagnie de Hervé Diasnas présentera Aires Migratoires. Il sera de nouveau accompagné de Clairemarie Osta, Eleonora Abbagnato et Russell Maliphant

 

Compagnie nationale de danse d'Espagne (27-28-29 janvier)

Ensuite, José Martinez, directeur depuis deux ans de la Compagnie nationale de Danse d’Espagne, vient présenter trois pièces (Sub de Itzik Galili, Extremely Close de Alejandro Cerrudo et Casi Casa de Mats Ek). Sur la vidéo de présentation, les extraits de Casi Casa sont ceux d’Appartement : la cuisine, la télévision. Apparemment Ek aurait mélangé plusieurs inspirations. A découvrir donc, déjà pour la musique de Fleshquartet. Quand Ek et Laguna sont venus à Madrid, il y a apparemment eu deux jours de fête ensuite.

Martinez nous parle d’un plaisir d’être de retour à Paris, c’est un nouveau défi pour la compagnie après 35 ans d’existence. Après son arrivée, la moitié des 45 danseurs est restée, il a donc fallu trouver une nouvelle homogénéité. En Espagne, seule la CND est apte à accueillir des chorégraphes en résidence, c’est donc pour son directeur un moyen de soutenir la danse espagnole.

 

Eifman Ballet Théâtre (9-10-11 février)

Boris Eifman étant retenu à Moscou, c’est Lily Sarfati, une productrice qui travaille avec lui depuis 25 ans, qui nous glisse quelques mots sur la future création, Up and Down. Finalement elle n’en sait malheureusement pas grand-chose, elle allait voir les répétitions la semaine suivante. La chorégraphie sera inspirée du roman de Fitzgerald Tender is the Night, avec une ambiance des années 30, Schubert, Gershwin, Berg pour la musique.

 

Russel Maliphant Company (19-20 mai)

La rencontre finit avec Russel Maliphant, so british. Si Still Current est le dernier duo du spectacle, c’est aussi le nom de cette soirée de cinq œuvres. Il travaillera de nouveau avec Michael Hulls pour les lumières et le design. Il souhaite chorégraphier l’espace pour que la lumière puisse s’installer. Il recherche une animation de la lumière, des changements de source : la lumière doit être programmée comme un DVD. Les influences viendront de la street dance, du popping.

TranscenDanse: présentation

Tous à l'Opéra: Jaroussky au Théâtre des Champs

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A l'occasion de la huitième édition de Tous à l'Opéra, les salles lyriques parisiennes ouvraient leurs portes pour différentes activités. Je me suis rendu au concert de Philippe Jaroussky au Théâtre des Champs des Elysées.

Parrain de l'association, il donnait un récital avec différents partenaires: Julie Fuchs, Chantal Santon et Marie-Nicole Lemieux. Le programme a parcouru l'histoire de l'opéra, de Monteverdi à Bizet. Il a été très intéressant de voir l'évolution de la musique et de la diction sur plusieurs siècles.

Beaucoup de bonne humeur sur scène. L'idée étant d'attirer un public plutôt néophyte, les chanteurs ont commencé avec un certain formalisme (avec l'élégante Julie Fuchs, Zürich et Louboutin) pour les airs les plus anciens avant de s'amuser de plus en plus en arrivant au XIXème siècle.

Fuchs et Jaroussky commencent par le 'créateur de l'opéra' Monteverdi, avec un duo extrait de Poppea plutôt sérieux, mais finissant dans une ambiance plus tendre. C'est dans son air de lamentation de Didon (Purcell) que Fuchs m'a le plus impressionné avec des Remember me qui pourraient s'avérer larmoyants dans une version complète de cet opéra.

Jaroussky chante un air de Haendel (Rinaldo), son répertoire de prédilection, et quel plaisir de l'y entendre, il reflète toute la colorature et les variations de sa voix.

Il commence ensuite à s'amuser avec Chantal Santon dans les airs de Mozart. Santon passe de l'intrigante Vitellia à la (folle) furieuse Electre avant de finir à l'eau de rose dans l'air du couple niais de Titus. Une panoplie des rôles féminins chez Mozart, alors que Jaroussky complète avec un des airs les plus charmants de Mozart, celui de Cherubini. Ces rôles travestis (Sesto, Cherubini) pour lesquels j'avais pu entendre des femmes (d'Oustrac, Deshayes) prennent ici une certaine vraisemblance avec Jaroussky.

Le délire commence alors avec l'arrivée de Marie-Nicole Lemieux. Elle chante le grand air de Tancrède "Oh patria" en jouant la carte de la moquerie, vêtue d'une armure sur le torse et d'une épée. Jaroussky finira par s'interposer pour enlever ces déguisements. Lemieux se recoiffe et s'arrange alors devant la glace. Le plus fort est qu'elle réussit à continuer à chanter brillamment tout l'aria. Ils nous chantent également le duo des chats de Rossini en jouant aux chats sur tout le plateau.

Jaroussky s'est d'ailleurs entre temps glissé au milieu des musiciens avec un tambour pour l'ouverture de La gazza ladra, joli revirement de carrière pour le contre-tenor!

Ils reviennent tous les deux pour les Fleurs de Lakmé (Delibes), plus sérieux, une jolie parenthèse plus calme qui finit en laissant tomber des fleurs sur le plateau pour annoncer la suite: Carmen. Après l'ouverture, l'air le plus connu "L'amour est un oiseau rebelle" qui rassemble les quatre chanteurs sur scène, qui jouent au jeu de la séduction.

Enfin, ils nous appellent à chanter le choeur des hébreux de Nabucco, comme jadis les Italiens à l'enterrement de Verdi et comme ont presque failli faire tous les Italiens depuis la réunification. Le public est un peu timide et se lance au début avant de laisser la place aux chanteurs, qui finissent par recevoir une grande ovation bien méritée.

 

Violon: Geneviève Laurenceau; Elise Thibaut; Alto: Adrien La Marca; Violoncelle: Christian-Pierre La Marca; Piano: Jérôme Ducros; Clavecin: Yoko Nakamura

Tous à l'Opéra: Jaroussky au Théâtre des Champs

Capulet et Montaigu

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Ce (super) spectacle n'a malheureusement pas eu de couverture suffisante et les mélomanes de Paris l'ont quelque peu boudé, alors que le titre n'est pas suffisamment connu du grand public.

Les plus chanceux avaient pu voir cette même production il y a quelques années, avec Joyce di Donato et Anna Netrebko (ou Ciofi) dans les rôles principaux. Quant aux néophytes, ils connaissent Bellini plutôt pour Norma, ou se disent qu'un n-ième Roméo et Juliette ne devrait rien avoir de passionnant.

Sombre erreur chez les deux, puisque ce spectacle dont je n'attendais pas grand chose fut intense. Après le baroque du Tancrède de Campra la veille à l'Opéra de Versailles, il me fallait un peu d'italiennerie bel canto. Pari réussi.

Ce n'est pas l'histoire de Roméo et Juliette, mais celles des Guelfes contre les Gibelins. Bellini est effectivement revenu à la trame la plus vraisemblable historiquement de Roméo et Juliette: l'opposition des deux familles a enfin une raison politique. Les deux amants se connaissent avant l'ouverture, exit donc bal et balcon. Tout s'insère dans un schéma politique. La première scène montre ainsi une réunion des chefs Capulet et une promesse solennelle de vengeance contre les Montaigus et Roméo, l'assassin du frère de Juliette.

Comme chez Shakespeare, il y a une forte oppression de Capulet, la complicité de Frère Laurent et la fin tragique. Roméo n'est en revanche pas un jeune homme romantique, mais un chef de guerre reconnu et craint. Et, choix étonnant mais pas désagréable, Roméo n'est pas un ténor mais une mezzo soprano. 

L'opéra sort donc du mélodrame habituel et gagne un côté qui rappelle Game of Thrones et son red wedding. Alors que Tybalt et Juliette doivent être mariés, Roméo surgit par surprise avec son clan de Montaigu et la fête est bien courte. L'histoire d'amour n'est donc qu'une superbe parenthèse dans le conflit dont nous ne voyons ni le début ni la fin. La mort des amants n'apaise pas le combat des deux clans, qui s'intensifie au contraire.

Ce n'est pas une des productions actuelles de Carsen, bien ficelées du début à la fin (comme ici, ici, ici ou Elektra) mais une mise en scène un peu plus ancienne qui date de 1995. Tout n'y est pas parfait, mais laisse déjà voir quelques indices des productions futures.

La sobriété est de mise (évidemment) avec ce rouge sanglant du rideau de scène et ses grandes parois qui peuvent rappeler les plaques extérieures de la Bastille. Le sang que l'on retrouve d'ailleurs sur les habits des Capulet, les épées et les lumières. Seule Juliette, la tendre héritière enfermée est vêtue de blanc. Elle n'a pas de parti pris, elle ne veut pas choisir entre les clans et refuse de s'échapper avec Roméo, lui demandant de comprendre.

Les grands espaces entre les parois se font et se défont entre les tableaux, et c'est malheureusement un peu long. Ces espaces occupent bien le plateau et écrasent le couple principal, quelque peu perdu dans cette grande histoire. Les chaises et l'éclair de lumière servent à représenter l'église. Un grand escalier, une paroi ouverte et une arrivée lumineuse nous font comprendre que nous sommes dans le tombeau Capulet. Dans l'ensemble, cette mise en scène est marquée par les lumières et les obscurités de ce début de Renaissance.

Pour du bel canto, la pression repose notamment sur les chanteurs. Je n'ai pas trouvé les déséquilibres habituels du genre aussi accentués que pour d'autres oeuvres. Les récitatifs s'insèrent plutôt pas trop mal entre les airs, les chanteurs sont suffisamment bon comédiens pour que le public ne s'ennuie pas. L'opposition entre la barbarie primaire et les airs angéliques des amants fait ressortir les spécificités de chacun.

Chaque air est chaudement applaudi, dès le premier aria de Tybalt. Castronovo, que j'entendais pour la première fois, a une belle présence dramatique et vocale. Il n'est peut-être pas toujours très audible mais je me suis retrouvé happé dans ses excès les plus violents. Aucune douceur pour Juliette, juste un désir de vengeance et une soif de pouvoir.

Je n'avais pas entendu Paul Gay depuis longtemps mais je le retrouve avec plaisir en figure autoritaire. Son habit lui donne une prestance que sa voix appuie. Quelque chose de bien ténébreux dans ses notes les plus basses, qui annonce déjà le dénouement. Je regrette un peu la prestation de frère Laurent, un peu trop en retrait par rapport aux quatre autres solistes.

Deshayes est un très bon Roméo. Le meme entrain et le même désir de bien faire que dans Werther, Cesare, Figaro.... Sa voix devient un vrai délice alors que l'on s'enfonce dans l'intrigue. En face, la soprano de Siurina campe une Juliette qui se détache du reste, un ange d'aigu qui me met les larmes aux yeux.

Enfin la direction de Campanella, la musique est bien du Bellini et nombreuses ont été les fois où elle m'a rappelé Norma. Enjoué, violente avec cette clarté et cette finesse qui en font une musique si élégante.

Capulet et Montaigu

Balanchine/Millepied

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Première de rêve pour ce programme américanisé, avec huit étoiles présentes sur scène et plusieurs anciens et nouveaux talents que le public de Bastille a découverts, émerveillé. Une soirée waouh-c'est-trop-bien.

Les deux ballets vivent en symbiose, le premier nous donne la pêche et l'énergie nécessaire pour apprécier le deuxième. Les apprentissages de Balanchine se retrouvent, modernisés chez Millepied. Les influences extérieures se sentent, quelque soit le côté de l'Atlantique.

Le palais de Cristal est la seule chorégraphie que Balanchine a créée l'Opéra. Il l'a ensuite reprise (et simplifiée comme nous l'apprennent les Balletonautes) sous le nom de la partition de Ravel, Symphony in C, pour le New York City Ballet (qui le dansait d'ailleurs en même temps au Lincoln Center). La musique est électrique, rythmée puis plus délicate sans perdre de sa force. Les nouveaux costumes de Lacroix brillent sans doute moins que la Source mais rendent hommage à la tradition. Seul petit hic, les solistes et le corps du ballet du premier mouvement, les couleurs jurent un peu.

Quatre mouvements dont trois allegro, quatre couleurs, quatre styles. N'ayant jamais vu Joyaux en live, je ne permettrais pas de dangereux parallèle mais j'ai quand meme bien senti  la même alternance de styles de danse, tantôt plus russe (comme cette entrée Lac des Cygnes au deuxième mouvement), tantôt plus raffiné français ou plus américain.

De retour sur scène, Mathieu Ganio met déjà la barre très haute avec Amandine Albisson qui remplaçait Laetitia Pujol. Le rythme effréné du premier mouvement ne laisse pas de place à l'erreur. J'ai trouvé les demi solistes un peu en retrait, mais l'ensemble campait une superbe entrée en matière. Deux danseurs nobles aux lignes fines et élégantes.

S'ensuit un autre retour, celui de Gillot, qui se retrouve bien occupée avec son Orphée à Garnier. C'était la première fois que je la voyais sur pointe et il faut avouer qu'il y a quelque chose de particulier et de magnifique dans sa façon de danser du néo. Le partenariat avec Paquette, s'il n'est pas brillant, offre un joli rendu avec une certaine finesse.

Retour à l'allegro avec le vert de Pagliero et Thibault, qui remplaçait Mathias Heymann malheureusement retiré des distributions. Si j'étais bien content de le revoir, Thibault semblait un peu fatigué dans l'ensemble (un remplacement au pied levé peut-être?) alors que Pagliero nous a fait partager de jolis moments de technique assurée comme elle sait si bien le faire. C'est le mouvement pour lequel j'ai le plus profité des demi solistes, le quatuor Westermann-Bourdon-Révillion-Bittencourt étant très en forme.

Enfin le quatrième mouvement rassemble tout le monde sous le lead de Raveau et Nolwenn Daniel, mignons mais un peu dragée dans leur costumes roses. Raveau est vraiment un des meilleurs danseurs de sa génération et il continue à m'époustoufler, même à coté de ses ainés.

Après l'entracte, la nouvelle création de Benjamin Millepied, une sorte de première rencontre entre le futur directeur et la troupe. On sentait une certaine excitation générale depuis le début des répétitions et la première a été accueillie par des ovations. Millepied nous avait parlé de son ballet lors d'une rencontre publique et je voyais donc la réunion de ses travaux avec ceux de Buren et Jordan. Je passe outre l'histoire un peu incompréhensible des amours du berger et de la nymphe.

La musique nécessite à mon avis une première écoute avant de la découvrir en même temps que le ballet. Elle est onirique et céleste, à mille lieux du divertissement féérique, une musique réellement sérieuse pour de la danse. Quant à Buren, l'idée n'était pas mauvaise, faisant s'alterner en l'air les formes géométriques et colorées qui doivent venir des restes de Monumenta et s'alternent avec les éternelles bandes noirs et blanches. Mais il y a presque trop de mouvements et j'ai été un peu trop dérangé par ces va et vient pas toujours justifiés. Les danseurs reprendront dans le dernier mouvement les différentes couleurs de Buren pour un résultat chamarré plutôt réussi.

Pour arriver à la chorégraphie, je sens que Millepied a créé selon le danseur. Ainsi le moment le plus fort de ce ballet est la variation d'Alu, indéniablement brillante. Je ne pense pas avoir déjà vu une telle danse à l'Opéra. Virtuose, enflammée, tenant sur la longueur sans jamais fatiguer. Jamais vu une telle ovation à la suite d'une variation.

Léonore Baulac a également eu droit à quelque instants privilégiés, dont un instant seule sur scène avant d'entrainer ses compagnons. Je regrette que le couple de seconds rôles n'ait pas une chorégraphie plus importante. Abbagnato et Carbone étaient à leur habitude très bons, surtout dans des rôles de séducteurs experimentés, mais j'aurais bien aimé les voir un peu plus sur scène.

Quant aux rôles principaux, le couple Moreau-Dupont a été élégant et passionné comme à son habitude. Ils ont su s'approprier la chorégraphie plutôt technique et pas toujours très facile. Les bras se croisent et se décroisent en tournant, les corps volent et les jambes s'entrelacent.

Balanchine/Millepied

Ali Baba (Lecoq, Opéra Comique)

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Après-midi ensoleillée qui appelle davantage le farniente que l'opéra, sauf si celui-ci est aussi rafraichissant que cet Ali Baba. Comme souvent, l'Opéra Comique sait ressortir des œuvres étonnantes de son répertoire (comme Ciboulette la saison dernière) et surtout les placer correctement dans l'année. Théorie des climats, Pelléas m'aurait donné une insolation sous le soleil, Les Brigands un rhume en hiver. La pièce de Lecoq a été un oasis de trois heures.

Opérette un peu, comédie musicale pourquoi pas, opéra également. Je trouve plutôt dur de classifier cet Ali Baba. Lecoq a été un élève d'Offenbach et a développé le genre entre Paris et Bruxelles. D'où des intonations et une musique plus fines, alors que les récitatifs, actualisés, sortent d'une joyeuse comédie de Feydeau. Certains airs sont actualisés, j'entends ainsi parler du chéquier, de la Gucci et des clés de Nassim.

La mise en scène d’Arnaud Menier participe de la sympathie de la pièce. Les scènes se succèdent un peu trop lentement, d'où des pauses un peu longuettes entre chaque changement de décor. Mais l'ambiance des années 50-60 (un peu Achille Talon pour les amateurs) est plutôt sympathique. Des escalators, des devantures de magasin, des palmiers, des portes et des arbres suspendus : il n'y a jamais trop de choses sur scène, juste ce qu'il faut.

L'équipe est bien équilibrée, centrée autour du joli couple Christoyannis et Marin-Degor. Leurs airs respectifs sont chaudement applaudis. Cassim-Rougier est bon en Picsou qui se prend un bain de pièces d'or et s'enrhume, Bélanger en femme cougar, aussi vénale que sexuelle et le pauvre neveu, dont le sort ne dit rien mais qui semble continuer dans sa triste vie.

Sans jamais lasser le public, les scènes les plus habituelles se succèdent (ciel mon mari, découverte d'argent, découverte de l'amour), avec une petite ironie de comment se font et se défont les fortunes sous la IIIème République. Les caractères et les airs font bien souvent sourire, voire rire et le public, relativement jeune, réserve un bel accueil lors des saluts.

Ali Baba (Lecoq, Opéra Comique)

Balanchine/Millepied, 2ème tour

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Deuxième service de ce programme, pas le plus brillant mais de jolies choses à retenir.

Si le Balanchine de la première m'avait enchanté, je n'ai pas retrouvé de piquant et d'énergie dans cette distribution. Sorte d'allégorie de la hiérarchie du Ballet (corps de ballet, demi-solistes et solistes), je me perdais un peu à repérer les différents grades. J'aime toujours autant la chorégraphie, d'un académisme certes rigide, mais qui se laisse apprécier joliment.

Le mouvement rubis semblait peiner à ouvrir la pièce, malgré le sourire de Nolwenn Daniel et la bonne volonté d'Hoffalt. Les demi-solistes s'en sont plutôt mieux sortis, notamment le couple Hecquet/Lorieux. Le couple bleu, sauveur des séries de ballets à Bastille, nous offre un joli mouvement très Mort du Cygne plutôt fin, mais Pagliero ne réussit pas à nous hypnotiser autant que Gillot, malgré une technique toujours très propre dans la petite batterie. Paquette semble osciller entre absence scénique et retour inopiné. Dans le dernier mouvement, Thibault m'a semblé moins fatigué qu'à la première, et son arrivée avec Colasante montre un joli lien entre les générations, au milieu de demi-solistes en forme.

Le mouvement émeraude est sans doute le plus réussi et le plus équilibré. Il semblerait qu'on ait dit à Alice Renavand que danser du Balanchine, c'était danser à l'américaine, et donc sourire Colgate obligatoire. Elle est la seule à m'offrir un peu de cet entrain si nécessaire au chorégraphe. Bézard semble ravi d'être là mais est un peu en peine. Il danse seul une diagonale qui ne prend pas, trop en décalage sur la musique. Sinon le partenariat s'avère efficace et jeune dans l'ensemble. Les demi-solistes sont toniques, avec une jolie distribution: Bittencourt/Bourdon, Westermann/Révillion.

Lorsque tous se retrouvent sur scène, je ressens un instant le piquant initial, puis non, il manquait ce jour là un élan général. Au moins, la musique ne m'est pas sorti de la tête.

Après la distrib quatre étoiles + Alu de la première, une distribution plus jeune ici. Marc Moreau , que j'avais vu répéter avec Millepied, a donc finalement eu droit à une date, mais sans Léonore Baulac. Finalement Albisson m'a semblé avoir un petit aspect Dupont, autant dans sa technique que dans son expression. Le couple est jeune et plus réaliste dans le genre pastoral avec une jolie tendresse juvénilee. Un certain moelleux dans ses bras à elle, une assurance naïve chez lui et surtout, comme pour tous, une grande joie d'être sur scène.

J'ai beaucoup aimé le pas de Léonore Baulac et Allister Madin, entre diabolisme et lyrisme. Je n'avais pas vu Madin depuis longtemps et suis content de le retrouver bien en forme et violent. Quant à elle, on croirait une sirène de l'Odyssée, jolie, innocente, mais finalement bien perverse (comme dans Camélias d'ailleurs).

Révillion a la malchance de mal finir son manège alors qu'il a réalisé une très bonne variation, bien différente d'Alu, moins de spectacle, plus terrienne et plus mature. Le public reste très réceptif.

Dans les deux spectacles, le corps de ballet s'est investi à fond. S'il sert un peu de potiche (mais nécessaire) dans Balanchine, son investissement est plus remarquable chez Millepied. J'ai retrouvé beaucoup de têtes de la première, ils semblaient bien impliqués et dédiés, notamment pour les filles dans ce joli passage où Daphnis gît à terre.

La partition de Ravel nécessite une deuxième écoute pour être pleinement appréciée, pari réussi, surtout une fois que j'ai fait abstraction des ornements de Buren. Jordan dirige l'ensemble orchestre-danseurs-choeur avec une main de maitre.

Balanchine/Millepied, 2ème tour

Lucrèce Borgia à la Comédie Française

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Petit événement de la saison place Colette, le trio Podalydès-Lacroix-Ruf a rapidement affiché complet. Pas toujours une réussite, leur Don Pasquale au TCE n'est pas resté ancré dans la mémoire collective, avec des costumes plutôt ternes. Certes, les tutus du Palais de Cristal brillaient un peu trop mais Lacroix a réussi à trouver un équilibre pour ce Lucrèce, les costumes d'époque sont plutôt bien réussis. La Renaissance bat son plein dans les grandes robes rouges, les costumes noirs, les grands bonnets.

Lucrèce Borgia, fille du Pape et d'une danseuse, appartient à une famille qui contrôle l'Italie après avoir tué tous ces opposants. Fratricide et incestueuse, la jeune femme a tué un de ses frères et a eu un enfant de l'autre. Elle a renoncé à cet enfant avec qui elle correspond par lettre sans avouer son nom. Elle retrouve l'enfant à Venise qui lui avoue une haine féroce des Borgia. Après lui avoir sauvé la vie une première fois, elle l'empoisonne accidentellement avec certains de ses compagnons d'armes. Alors qu’il meurt, il la poignarde.

Podalydès signe une mise en scène certes un peu classique, mais efficace et le public ne s'ennuie pas un seul moment. Le texte d'Hugo est suivi sans obstruction avec la force et la théâtralité de sa prose, rythmée par l'élégante scénographie d'Eric Ruf. La scène de Venise avec la gondole et le fond bleu nous plonge dans les vapeurs que l'on peut trouver au crépuscule sur la place St Marc. Le palais de Ferrare s'imagine superbe avec ces pans de mur qui montent et descendent au fond avec ses arcades et ses rosaces. Je trouve toujours grandiose ces intrigues papales et politiques dans les grands palais de la Renaissance.

La pièce tourne autour du super duo Brahim-Galienne. En Lucrèce Borgia, transformée ici en mère-monstre, Galienne reprend le travestissement qu'il a affiché au cinéma, ici dans un rôle de grande tragédienne. L'imaginaire m'amène à penser à Sarah Bernhardt en Hamlet. Tout comme José Martinez a dansé bon nombre de rôles travestis, je me dis qu'un homme est parfois le meilleur pour interpréter certains rôles de femme. Ce qui est toutefois différent, c’est que Lucrèce n’est pas une mégère ou une octogénaire. Elle respire encore la sexualité.

La voix de Galienne, quelque peu asexuée, donne à Lucrèce un aspect de femme jeune mais déjà vieillissante et terriblement usée. Sa discussion avec le Duc montre que tout est passé, tout n'est plus que souvenir, Lucrèce a fait (et a tué) beaucoup, maintenant elle récupère les fruits de ses années de labeur. Elle ne l’a certes pas choisi et semble plutôt fatiguée d'avoir existé et d'avoir été une Borgia.

De même, Suliane Brahim est un jeune Gennaro tout à fait crédible, naïf, fougueux et diablement romantique. Du lyrisme à la violence, elle fait ressentir les différents états d'humeur avec force. Certains changements sont toutefois parfois brutaux et peu crédibles, comme la dernière scène "je suis ta mère" un peu Star Wars.

Eric Ruf est un Duc majestueux. Tout comme Galienne, je lui ai trouvé une certaine superbe dans leur discussion dans le palais, un des moments les plus forts de la pièce. Il ne se contente pas de jouer le mari jaloux mais nous fait ressentir le poids des Borgia, la fatigue d'avoir supporté Lucrèce et l'exaltation de pouvoir enfin la contrôler. Quelque chose d'une basse, un fantôme qui reviendrait pour apprendre à Lucrèce que la vengeance arrive contre elle, déclenchant le carnage final.

Le dernier acte est superbe, les costumes rouges sangs, les intrigues, les œillades, ce vin qui coule à flot de carafes d'or. Tout tourne autour de la large robe rouge de Georgia Scaliett, princesse venimeuse, bourreau sexuel. Peu à peu le danger apparait, les portes se referment, le poison fait effet: la vengeance de la Borgia outragée se met en place.

Mention spéciale à Christian Hecq qui réussit (enfin) à sortir de ces rôles de bouffons habituels pour jouer ici l'humour noir et sanglante du traitre, dansant une chanson mortuaire. Si le public s'amuse, c'est d'effroi et d'horreur.

Quelques petits décalages de rythme toutefois, des émotions mal placées, qui devraient néanmoins s'améliorer au fur et à mesure des représentations.

Lucrèce Borgia à la Comédie Française

La Traviata (Jacquot, Damrau, Tézier)

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Ce spectacle était un des plus attendus de la saison, enfin Damrau allait venir chanter Violetta à Paris, un rôle qu’elle avait brillamment interprété à Milan et Londres au cours de la saison. Bilan des courses, une belle soirée marquée par la sobriété qui manque toutefois de peu de choses pour devenir une très belle soirée.

Benoit Jacquot avait réussi un joli coup avec Werther, vu sur cette scène de Bastille il y a peu de temps. Le romantisme allemand, la musique de Massenet et les voix de Koch et Alagna s’étaient installés dans les tableaux immobiles du cinéaste. Malheureusement le coup ne marche pas à tous les coups, et Traviata est une œuvre davantage en mouvement. Une toile de fond ne peut donc pas suffire pour mettre en valeur la sensualité et les spécificités de l’œuvre.

Comme cinéaste, Jacquot ne doit pas aimer que le décor évolue devant l’œil du spectateur, il n’y a donc aucun mouvement sur scène, pas même un escalier qui tourne pour s’installer. Deux entractes entrecoupent l’œuvre pour installer chaque acte. S’il l’avait pu, Jacquot aurait sans doute calé un troisième entracte entre les deux parties du deuxième acte. Résultat, il préfère couper la scène en deux, d’un côté un arbre pour la maison de la campagne, de l’autre un grand escalier pour symboliser le retour à la grandeur parisienne. Aucun lien entre les deux alors qu’il aurait pu en jouer.

Ainsi le premier et le troisième acte nous montre sur un fond noir le lit de Violetta, l’Olympia de Manet, une coiffeuse et éventuellement un indiscret. Rien de plus. Dans les deux actes, le panneau du fond de scène s’ouvrira pour nous montrer les chœurs d’homme qui resteront malheureusement tout à fait statiques. Le carnaval de la dernière scène ne se reflète aucunement sur scène, le désir d’aller danser de l’ouverture non plus.

Gestion catastrophique des chœurs, ils sont heureusement mieux gérés au bal de Flora, descendant ce grand escalier plutôt élégant. Il manque néanmoins une certaine débauche que vient rechercher Violetta. Tout semble trop sage, même dans la danse des toréadors et des zingarelles, étrangement travestis. Dans ses choix, celui de filer la comparaison avec Olympia est discrète mais réussie, avec une Anina affutée comme la servante noire du fameux tableau.

J’arrive néanmoins aux points plus souriants de la soirée, à commencer par l’orchestre, qui ne semble pas avoir eu d’autres choix que de respecter la mise en scène. La direction de Ciampa est donc élégante et accompagne les chanteurs sans les oppresser. Le dernier acte est particulièrement réussi.

Damrau réussit à assouvir mes attentes, elle est réellement exceptionnelle, son Addio finale est émouvant à en pleurer. Calme de l’ensemble, elle réussit mieux dans les passages larmoyants du deuxième acte et du dernier que dans les airs plus entrainants du premier. En face, Demuro n’est pas totalement à la hauteur en Alfredo mais ce n’est pas tout à fait gênant, on voit en lui le jeune homme qui croule sous le poids social de son père et de l’amour de Violetta.

Une des autres réussites de la soirée est Ludovic Tézier, sa voix rappelle à la salle le poids de Germont, qui sert d’allégorie à la société toute entière. Ses sermons sont forts et expressifs. A l’inverse de certains autres chanteurs (et danseurs dans la version Neumeier), je vois moins le pardon chez lui au deuxième acte, qui tombe un peu dans la soupe au troisième acte.

Damrau est donc une Violetta superbe, qui reflète ce que je lis régulièrement : la Traviata est une prostituée sacrifiée sur l’autel de la morale bourgeoise.

La Traviata (Jacquot, Damrau, Tézier)

Béjart Ballet Lausanne à Versailles

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Bejart aimait voir les choses en grand. Vivant il réussissait à remplir le palais des sports; mort, sa compagnie célèbre ses 25 ans dans un Palais des Congrès plein à craquer. Nouvelle réussite cette saison, avec un programme fort et pertinent devant l'Orangerie du Château de Versailles.

Programme dans l'ensemble pertinent et logique, si ce n'était pour cette Dame aux Camélias qui tombe comme un cheveu sur la soupe entre les trois autres œuvres. Première fois que je vois une pièce de Béjart qui ne soit pas dans le très spectaculaire, mais l'endroit n'est pas adapté à cette pièce plutôt intimiste. Elisabet Ros y est certes tres belle comme souvent, mais la chorégraphie est un peu plate. Après les différentes Dames de Neumeier en début d'année à Garnier, j'ai eu du mal à m’intéresser à cet étrange morceau sur Chopin et Francesco Cilea qui manque diablement de lyrisme.

La soirée s'ouvrait sous un vent fort, dans le thème de la première pièce: 7 danses grecques. C'est une parfaite introduction à l'écriture Béjart-ienne. Sur une musique folklorique grecque, les danseurs se succèdent, formant les positions géométriques chères au chorégraphe: des ronds centrés sur un danseur, des carrés. Quelques pas folkloriques, des pointes mais pas trop, des jetés, beaucoup de spectaculaire avec notamment Oscar Chacon qui mène la troupe dans ses danses bacchanales. Chaque danse succède à l’autre avec une thématique et une structure différentes qui rendent l’ensemble intrigant et stimulant.

De Bakhti III, le balletomane averti connait la variation de Vishna pour l'avoir vu une bonne quinzaine de fois en concours de promotion, mais, comme Arepo, peu ont réellement vu l’œuvre en entier. La pièce est une sorte de Mystère hindou: une déesse, son dieu et des divinités mineures ou adorateurs qui dansent un épisode. Marsha Rodriguez y est élégante en pointes, entourée par un corps d'hommes puissants. Une pièce plutôt courte mais entrainante et éclectique.

La soirée finit avec the piece: le Boléro, qui trouve ici un emplacement de choix, après la place du Trocadéro dans le film de Lelouch. Elisabet Ros devait assumer une des dates, mais c'est finalement Julien Favreau qui danse les deux représentations. Il y est tellement captivant que je l'ai fixé pendant les 20 mn de la pièce, sans jamais pouvoir m’en détacher. J'adore la musicalité de cette pièce, avec ce pied qui bat le rythme en permanence, avec les quelques écarts que le danseur s'octroie sur le rythme continu de Ravel. Lorsque je l'avais vu avec Ros, elle exerçait une forte attraction sexuelle sur les hommes autour d'elle, une liane, un piège pour les attirer à elle. Ici, c'est un peu l'opposé, Favreau pousse les quarante danseurs sexuellement vers l’extérieur. Pas de sensualité, mais de la violence, avec une légère touche d’appréhension dans le regard.

La lumière s'allume au bout de quelques minutes, avec des lampes partout dans le jardin de l'Orangerie, on se croit en plein jour alors que la tension continue de monter pour s'abattre dans un dernier mouvement apocalyptique.

Le Béjart Ballet est une des seules compagnies à s'en sortir très bien malgré la disparition de la figure titulaire. Alors que la Forsythe Company et le Wuppertal de Pina Bausch semblent en péril, le sourire de Favreau, l'énergie des danseurs et la joie de Gil Roman aux saluts sont un gage d'avenir pour les chorégraphies de Maurice Béjart.

Béjart Ballet Lausanne à Versailles

The King and I au Châtelet

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Le Châtelet continue son offre de comédie musicale de haute qualité avec un spectacle littéralement haut en couleurs, mené par une troupe dynamique et, heureusement anglophone. Pour qui a peur des comédies musicales francisées des théâtres du IXème, le Châtelet est la seule salle à offrir des œuvres cultes ou moins connues dans leur version originale.

The King and I se met dans la suite de Sound of Music, autre chef d’œuvre du génialissime duo Rodgers et Hammerstein. Tiré d’une histoire vraie, le drame est orientalisant au possible : une gouvernante débarque au Siam avec son fils pour éduquer les enfants royaux. Entre désir d’ouverture et traditions, les liens se font et se défont entre les deux cultures, entre Anna et le roi. En plus, une histoire d'amour entre une princesse de Birmanie et un serviteur pour rajouter un peu d'eau de rose à l'ensemble.

Les musiques et les chansons semblent étrangement familières. Dès l’ouverture, je reconnais les thèmes si classiques de l’âge d’or de Broadway. Ce qui me parait étonnant est la longueur des chansons, plutôt courte dans l’ensemble. La dimension théâtrale en prend donc une sacrée importance, et heureusement que la distribution est aussi forte. L’ensemble de la troupe est ravie d’être sur scène et chacun donne de son meilleur pour livrer un spectacle entrainant.

En tête de troupe, Christine Buffle est épatante en Anna Leonowens. Elle traine ses lourdes robes à crinoline à travers la scène et les actes, moqueuse, têtue. Pour une fois, le personnage principal, quoique pédagogue et maternelle, n’est pas un exemple de sérieux ou une figure de proue pour les personnages. Son franc-parler, sa rousseur insolente mais prude, son Oxford English sont autant d’outils pour réussir le rôle comme Buffle le fait.

En face, Lambert Wilson est magistral en roi du Siam, il s’amuse à prendre un accent orientalisant, à jouer au macho, sans jamais pourtant être lourd. Il réussit à être dans l’ensemble tantôt drôle, tantôt fin et attendrissant.

La mise en scène est colorée et bariolée, aucun désir de modernisation ni de nostalgie, seule une volonté de plonger le public dans l’esprit de l’œuvre. Les clichés sont accentués, en réponse à l’œuvre : les lourdes robes, les éléphants, le trône exagérément haut, le costume Power Ranger du roi, les concubines à n'en plus finir avec leurs enfants.

La présence des enfants dans la salle et sur la scène finissent de rendre l'ensemble très sympathique. La production réussit également à rajouter quelques moments de danse particulièrement réussis, notamment une longue chorégraphie dans le dernier acte. 

Le Châtelet a donc prouvé une nouvelle fois sa capacité à créer ou recevoir des productions étrangères, prochain pari en décembre prochain avec la création de An American in Paris.

The King and I au Châtelet

Défilé, Robbins, Ratmansky

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Avant même les deux œuvres du programme, le public était réuni à Garnier pour le mythique défilé du Ballet de l’Opéra de Paris. D’autant plus mythique que c’était le dernier de Nicolas Le Riche en tant que danseur étoile. La plus jeune élève de Nanterre s’avance, entrainant avec elles ses camarades. Les danseuses du corps de ballet suivent, encadrant les premières danseuses et les étoiles en ordre inverse de nomination. Deux belles ovations pour ouvrir et fermer les étoiles femmes : Amandine Albisson et Aurélie Dupont. Si l’absence de Myriam Ould Braham se fait sentir, tout comme celles des jeunes ‘retraitées’ Letestu et Ciaravola, c’est avec plaisir que je retrouve Dorothée Gilbert sur scène.

Les hommes ensuite, avec un cri de joie personnel pour Mathieu Ganio, une ovation remarquée pour le trio Alu-Bézard-Raveau, et enfin pour Le Riche qui arrive en courant au devant de son public. Dès le rideau tombé, j’entends qu’il reçoit une ovation particulière de l’ensemble de la troupe et de l’École.

Après ce moment de frisson sous la musique de Berlioz, avec un public certes un peu froid, passons maintenant aux deux œuvres présentées. Pour être tout à fait honnête, je ne m’attendais pas à grand-chose. Si Dances at a gathering est un pur produit Robbins, il m’avait paru bien long lors de la dernière reprise. Quant à Psyché, il ne m’avait absolument pas convaincu du talent de Ratmansky, enlaidi par ses costumes et ses décors.

Finalement, les images de Dances me sont restées en tête depuis trois ans et les musiques de Chopin m’entrainaient directement vers ces souvenirs de variations. Et cette fois-ci, le temps ne m’a pas du tout semblé long. En suivant de près chaque mouvement, j’ai trouvé que chacun réussissait à transmettre une histoire.

Mathieu Ganio s’est de nouveau affirmé en danseur marron, il mène l’ensemble de la troupe et commence à s'afficher comme leader. Toujours autant d’expression, de belles lignes et d’amusement. L’autre figure de soliste est Aurélie Dupont. De Rose, elle passe maintenant à Vert, rôle marqué par les élégantes Grinsztajn et Letestu. Pas tout à fait son type de rôle, mais à une année du départ, elle essaie de nouvelles choses, plutôt entrainantes. Et si sa gestuelle n’est pas aussi altier, elle transmet une sorte de légèreté doublée d’autorité qui n’est pas désagréable.

Les trios féminins, constitués successivement de Pagliero (rose), Albisson (mauve), Giezendanner (bleu) et Daniel (jaune), sont charmants et malicieux. Mon coup de coeur va vers les deux premières, particulièrement piquantes avec Mathieu Ganio et Karl Paquette. Une impression d'innocene doublée d'une volonté espiègle avant de sombrer dans une forme de mélancolie. Daniel apporte la dose de légéreté nécessaire à l'ensemble.

Les hommes, Hoffalt (vert), Paquette (violet), Duquenne (bleu) et Thibault (rouge brique), continuent dans cet esprit là. Les images restent en tête : la ronde de Paquette et Ganio, le partenariat efficace d’Albisson et Hoffalt, l'espièglerie de l'ensemble. Thibault joue au solitaire, une sorte de contrepoids à Dupont.

Derrière la succession de morceaux de Chopin et d’épisodes dansés, une histoire commence à prendre forme grâce aux petites gestuelles de chacun. Cette histoire reste peut-être différentes pour tous, mais il me semble que la troupe a compris comment danser le mieux possible cette œuvre : y donner corps avec une dose de bonne humeur, d’énergie et, avant tout, de nostalgie. 

Après cette surprise en est venue une deuxième avec Psyché. J’ai enfin réussi à y voir une jolie chorégraphie. Il y a encore beaucoup de choses à enlever ou alléger cependant : les costumes des Zéphyrs, des femmes-fleurs, les décors grossiers et surtout ce final qui ruine tous les efforts avec les confettis, les cœurs et Psyché enceinte. Outre ceci, l’histoire se suit facilement, aidée en partie par le chœur et la musique. L’ensemble n’est d’ailleurs pas sans rappeler Daphnis et Chloé.

Laetitia Pujol est une Psyché fragile, intriguée et passionnée. Cette danseuse me plait décidément, après un Fall River de haut niveau. Du haut de ma loge, elle me parait aussi jeune que son Eros. Son expressivité donne enfin quelques reliefs à un personnage aisément fade. Ses pointes et arabesques combinées aux belles lignes de Marc Moreau nous font voir deux jolis pas de deux.

Moreau réussit brillamment sa prise de rôle, attentionné à travers toute l’œuvre, peut-être un peu stressé. Endosser un rôle de soliste lors d’une première, ce n’est pas évident pour un Sujet. De son entrée à la découverte de son cœur qui bat, il réussit à être tout à fait expressif. Une jeunesse d’Eros, une fougue qui se découvre avec l’amour, une appréhension quand Psyché disparait, une première opposition à sa mère : Moreau nous fait croire à ce mythe d’un enfant qui devient adulte.

Le reste des danseurs semble avoir compris ce qu’on attendait d’eux, c'est-à-dire peu de réflexions et beaucoup de démonstration. Ainsi Renavand s’en sort très bien en Vénus, majestueuse et hautaine ; les membres du corps font un très bon travail dans les ensembles, comme dans la scène d’ouverture.

Donc finalement, pourquoi pas y retourner, comme le 7 juillet, avec Diana Vishneva et Evan McKie ?

Défilé, Robbins, Ratmansky

Nederlands Dans Theater à Chaillot

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Je connais peu de chorégraphes aussi hypnotisant que Kylian. Son sens de l'esthétique, de la musique et du mouvement en font une figure incontournable de la scène moderne.

Le programme que le NDT 1 présente à Chaillot commence par la dernière pièce que le chorégraphe tchèque a créée avant de quitter la direction du ballet, Mémoires d'Oubliettes. J'y retrouve surtout cette opposition ombre/lumière, entre les terreurs des donjons enfouis, les phobies et, quelque part dans les mouvements, une envie de s'échapper, de se libérer.

Kylian se révèle maitre du mouvement, capable de soutenir l'instant, entre ces duos expressifs, ses solos angoissants, et cette femme qui devient folle sous son averse de canettes. Au début, de l’ennui, puis une certaine oppression de ces personnages enfermés dans le Tartare, qui perdent peu à peu le désir de se libérer ou d’exister.

Les trois pièces présentées tournent autour de l'idée de l'évasion d'un enfermement réel ou imagé, sans pour autant tomber dans le cliché de l’oppression sociale.

La troisième pièce, Shoot the Moon, est celle qui laisse le spectateur le moins perplexe en proposant d’emblée des repaires fixes. Plus littérale, elle n'en est pas moins prenante. Sol León et Paul Lightfoot, le couple à la tête de la compagnie, ont peut-être opté pour la facilite en choisissant la musique de Glass (le deuxième mouvement du Tirol Concerto pour piano et orchestre) mais celle-ci est diablement efficace. Deux femmes, trois hommes, dans une ambiance à la Katia Kabanova: tout le monde a peur de tromper l'autre, tout le monde s'ennuie dans la routine des appartements.

Les danseurs y sont beaux, expressifs, humains et touchants. Le programme distribuée indique que les néerlandais sont un peu blasés de la compagnie, mais ici à Chaillot ils détonnent et créent l'effervescence dans ce morceau qui n'est pas sans rappeler Ek, une légère dose de désespoir en plus. Le plus impressionnant est sans doute Jorge Nozal dans son solo de désespoir entre ses deux murs, qui a failli me faire pleurer avec une idée très Jeune Homme et la mort.

Entre les deux, Cristal Pite nous livre Solo Echo, une pièce que je verrais bien comme un Dances at a Gathering, sous la neige et le froid (le spectacle de la veille m’était resté en tête). La partie de campagne en est gâchée, mais on tente quand même de s'amuser. Beaucoup de nostalgie, de corps qui s'étirent et de couples qui se tirent (facile). Une musique de Brahms rappelle le contexte nordique, et cette neige qui tombe dans le fond donne des airs de forêt de Casse-Noisette, sans la magie et avec mélancolie. 

Rien de tout à fait marquant dans cette pièce, mais de nouveau une grande sensibilité et technique de la part de ces superbes danseurs, indéniablement cadrés par des maîtres de ballet et chorégraphes dynamiques et ingénieux.

Nederlands Dans Theater à Chaillot
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