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Swan Lake - "Hey DJ, Hit Me!"

Théâtre du Rond Point

Mardi 10 septembre 2013

Chorégraphie et interprétation : Dada Masilo.

Danseurs : Kingsley Beukes, Nicola Haskins, Shereen Mathebula, Songezo Mcilizeli, Ipeleng Merafe, Llewellyn Mnguni, Khaya Ndlovu, Lesego Ngwato, Thabani Ntuli, Nonofo Olekeng, Thami Tshabalala, Carlynn Williams, Xola Willie, Tshepo Zasekhaya.

 

Je ne vous ferai pas de liens entre ce spectacle et les polémiques de Millepied sur la blancheur des danseurs de Garnier ou encore sur le mariage gay. La pièce a été créée à Lyon il y un an et ces polémiques n'avaient pas pris l'envergure qu'elles ont pu avoir par la suite.

 

Dada Masilo, danseuse sud-africaine passée par l'école chorégraphique de Keersmaeker, nous parle des sujets qui lui tiennent à cœur en tant que femme, chorégraphe et sud-africaine. On passe ainsi une heure très dense à se balancer entre les diverses problématiques, passant réellement du rire aux larmes avec cette quinzaine de danseurs tous en tutus blancs. Les couleurs sont inversées, nous sommes de l'autre côté du miroir, une danseuse blanche dans la troupe et le cygne blanc n'est pas le bon.

 

Le thème le plus important concerne directement la femme comme chorégraphe. Elle nous livre une nouvelle lecture du classique des classiques, Le Lac des Cygnes. Je me suis un peu senti comme la première fois que j'ai vu les sketchs de Gad Elmaleh: "mais oui, c'est tellement ca." Sauf qu'au lieu de voir sur scène une satire de ma vie quotidienne, j'y ai vu une externalisation des sentiments de n'importe qui devant un ballet classique.

 

Un narrateur avec l'accent de Mary Poppins nous explique la vision du novice qui dit que tous les ballets ont la même histoire de prince et princesse qui ne se voient pas, se noient dans le corps de ballet. Les gestes sont décomposés, comme l'inoubliable "let´s get married dance" où les couples se tiennent main dans la main et parcourent la scène (ce qui n’est pas sans rappeler Onéguine entre autres)

 

Qui ne s'est jamais dit en plein pas de deux "allez bientôt ca part en coda" ? Ou pour les plus novices, en feu d'artifice. Et bien les danseurs ne s'embêtent pas à feindre l'étonnement. Avant que la musique ne reparte, la princesse se lance vers la salle "hey Dj, hit me up." Et les danseurs de se jeter corps et âmes dans une chorégraphie qui mêle classique, hop hop et danse africaine. En plus, on assume la musique enregistrée et de son DJ qui remplacent l’orchestre et son maestro : un ballet du XXIe siècle finalement. Les musiques de Tchaikovsky se mélangent à celles de Reich, René Avenant, Arvo Prät ou encore de Saint-Saëns pour créer une palette aussi diversifiée que la danse elle-même.

 

Mais attention on n'est pas pour autant dans la farce la plus totale. L'ensemble est si bien ficelé qu'on ne sait plus trop où l'on en est pour la danse. A-t-elle réellement dansé une diagonale de pirouettes ou de fouettés? Une fois sur deux non, le reste le mouvement des bras et un habile jeu de jambes donnent seulement l'impression de l’effort effectué. La technique n'est pas divinisée. Un saut au ballon épatant surgit sans qu'on ne le voie. Le cygne noir masculin arrive sur pointes, on a à peine le temps d'être ébahi, il est déjà reparti.

 

Un ballet qui se veut donc narratif, mais pas prétentieux. L'intrigue reprend celle, remixée, du Lac des Cygnes, avec une petite touche de Roméo et Juliette. Les parents veulent marier Siegfried à un cygne blanc "just perfect" et " so beautiful." Mais lui ne veut pas, ce n'est pas elle le problème mais lui. Il voit passer le cygne noir au loin. Le blanc danse alors un solo épatant, à la frontière du lyrisme et du cirque, comme tout ce spectacle. Siegfried préfère son pas de deux qui suit avec le cygne noir, qui lui parait beaucoup plus naturel et qui me parait encore plus beau.

 

Mariage forcé, homosexualité, racisme sont des thèmes importants, qui amènent rapidement au rejet de la part de tous, même du cygne noir qui accuse le prince de ne pas s'assumer. On arrive donc aux derniers instants de la pièce. Les tutus disparaissent, les crêtes iroquoises en plumes blanches aussi, remplacés par des crânes rasés et de longues jupes noires. On ne distingue même plus les sexes. Un à un les danseurs, trop tardivement réunis, finissent pourtant par succomber un à un. Thématique nationale du manque de cohésion face au virus du sida, fléau sud-africain.

 

On ressort de ce spectacle tout à fait ému, amusé et avec une gorge un peu noué. Une heure est passé avec autant d’émotions qu’un spectacle de trois heures. En étant superstitieux, je dirai que cette ouverture de saison promet une jolie suite !


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