Palais Garnier
19 septembre 2013
Mise en scène : Olivier Py ; Direction musicale : Marc Minkowski et les musiciens du Louvre Grenoble ; Admète : Yann Beuron ; Alceste : Sophie Koch ; Le Grand Prêtre d’Apollon : Jean-François Lapointe ; Hercule : Franck Ferrari ; Soli ténor : Stanislas de Barbeyrac ; Soli soprano : Marie-Adeline Henry ; L’Oracle : François Lis ; Soli alto : Manuel Nunez-Camelino. Apollon : Florian Sempey.
Alors que l'Opéra consacre sa rentrée aux femmes tragiques, voilà pourtant une œuvre où l'héroïne survit, ´heureuse´ avec ses enfants et son mari. Mais rien à la fin de l'œuvre, si ce n'est le texte, ne montre qu'Alceste est heureuse de la clémence des dieux de l'Enfer. Son sacrifice a été vain, elle ne mourra pas en martyre mais restera éternellement vivante au coté d'Admète. À la différence de nombreux couples lyriques, ici le couple est déjà marié. C'est comme s'ils avaient besoin de retrouver la fraicheur de leurs premiers instants. Mais rien, ni même l'approche de la mort ne réussit. Elle en est comme triste sous son voile noir que son mari n'ose pas enlever alors que le rideau se ferme. Une Ombre d'elle même, une Eurydice.
Alceste est un opéra triste, du début à la fin, à l'exception de quelques airs de liesse populaire qui ne servent que de faire valoir aux malheurs d'autrui. Nous ne voyons rien de la Thessalie, uniquement cette opposition entre les vivants et les morts (et les quasi morts en transition). C'est sans doute sur ce diptyque qu'Olivier Py choisit d'axer ses décors et costumes tout en noir et blanc.
Des artistes passent le spectacle à dessiner à l'aide de craie le décor sur des appuis noirs. Au fur et à mesure, les décors prennent forme et vie. Il suffit de quelques secondes pour effacer la porte des enfers qui a enlevé Admète et englouti Alceste et qu'elle soit remplacée par une vue calme de la mer. Cet incessant mouvement de va et vient des dessinateurs nous offre un plateau en éternel activité. Si les grands de ce monde se torturent sur la vie et la mort, les autres vivent et travaillent à l'édification des monuments et de la nature.
Je n'ai néanmoins pas tout suivi, pourquoi le premier décor est-il un dessin, certes grandiose, du Palais Garnier? Et le dernier celui du rideau de scène? Ai-je loupé un parallélisme de toute l'œuvre avec une académie de musique? Le flou s'accentue avec le troisième acte, où l'Orchestre s'est tout bonnement installé sur le restreint plateau de Garnier (on frôle la version concert, si ce n'était pour la brève utilisation de la fosse). Avec la glorification permanente, et dans l'œuvre et dans la mise en scène, d'un Apollon musagète qui, du haut de Garnier, brandit sa lyre, c'est comme si Py indiquait que la musique sauvait tout. Mais nous ne somme pas ici dans Orphée, la musique ne sert pas à accéder au royaume des morts ou à charmer les dieux. Elle est un support pour l'histoire.
Si une telle méthode de décor est tout à fait passionnante, c'est dommage que le même principe des craies soit utilisé pour énoncer sur un tableau noir des sortes de titre pour chaque passage: la mort n'existe pas, Ananké (incompréhensible pour qui n'a pas fait de grec), La musique sauve tout ou encore La nuit d'été (à peine lisible tant le tableau est humidifié). Sans doute trop intellectualisé.
L'ensemble crée une mise en scène très esthétique et dynamique, en pleine mise en valeur des chanteurs. Sophie Koch brille, et me rappelle étrangement son rôle de Freia dans Rheingold où, enlevée par les géants, elle est restituée à sa famille mais n'en est pas pour autant heureuse. Alceste parait triste en revenant dans le monde des morts. Sa voix m'enchante notamment dans ses deux premières airs, ceux où ses malheurs semblent les pires. Étonnamment par la suite, une fois son mari revenu, les frissons sont moins présents, mais elle reste globalement très émouvante et s'est bien insérée dans le travail de Py.
Du coté des hommes, je remarque notamment le grand prêtre de Lapointe, véritable second rôle de l'œuvre qui assoit directement sa voix. Admète en comparaison me semble plus pâle. S'il ne démérite pas, j'imaginais une meilleure présence. Les quatre solistes qui campent les rôles des parques, divinités mineures ou hérauts du peuple m'ont particulièrement plu, surtout le ténor dont la voix envahit l'espace et la soprano qui dépasse sans souci ses amis.
Enfin Franck Ferrari s'amuse sur scène, à jouer un Hercule tout aussi amusant qu'inutile pour l'histoire. Le deus ex machina dans sa splendeur qui, d'un coup de baguette magique libère les époux des Enfers. Py en fait donc un magicien de pacotille, qui fait sortir des mouchoirs et des colombes de son haut de forme. Sa voix puissante est un délice qui nous vivifie de nouveau quelques instants avant la fin.