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Channel: La Loge d'Aymeric
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Giselle, revue par Mats Ek

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27 décembre 2013
Ballet de l’Opéra de Lyon
Chorégraphie de Mats Ek

Giselle: Dorothée Delabie; Albrecht: Randy Castillo; Hilarion: Franck Laizet; Bathilde/Myrtha: Julia Carnicer

 

 

Pour une fois, je vois la relecture de l'oeuvre classique avant le classique. Si je ne connais pas la Giselle en tutu blanc de Coralli et Perrot, j'ai réalisé que Mats Ek avait réussi le coup de maître: faire de sa Giselle une oeuvre forte et indépendante de l'original.

 

Je ne risquais donc pas de faire comme pour le Sleeping Beauty de Bourne et penser à la chorégraphie classique en entendant la musique. J'ai tout juste reconnu la musique de la variation d'Albrecht, ici réutilisé pour une variation particulièrement expressive.

 

Giselle n'est plus une jeune allemande que le monde regarde avec tendresse à la veille de son mariage. C'est ici une folle que les gens craignent et ne comprennent pas. Au lever du rideau, Giselle est attachée par une corde tel un mouton. Elle veut s'échapper, vivre, sauter, sourire, découvrir le monde. Mais Hilarion l'attache et ne comprend pas pourquoi elle n'est pas comme les autres jeunes femmes.

 

Alors que les villageois dansent d'une façon très lourde et terrienne et qu'Hilarion leur sert de coryphée, notre joyeuse Giselle passe sa vie à explorer le plateau, en sautant gaiement et s'échappant des des obstacles. Jusqu'a ce qu'elle rencontre Albrecht. Telle Pocahontas devant John Smith, elle l'observe, comme une espèce qu'elle n'a jamais vue: un homme noir dans un costume blanc. Elle le touche et se frotte à lui comme un enfant.

 

C'est la découverte d'un monde à nouveau avec l'arrivée des citadins, les amis d'Albrecht, enfermés dans leurs robes et leurs smokings. Ils rappellent de loin les personnages de "Une sorte de..." de Mats Ek. Ils sont intrigués par ces villageois, par cet Hilarion moqueur et par cette folle qui pique Albrecht à Bathilde (qui n'a d'ailleurs pas non plus l'air désespérée).

 

Jusque là, la pièce reste une sympathique distraction, mais rien de poignant à proprement parler, ce qui n'est pas le cas de la suite.

 

Au lieu des sacro-saintes Willis, le deuxième acte se déroule dans un asile psychiatrique, où d'autres âmes égarées sont habillées de blanc et placées sous la protection de Myrtha. Cette une infirmière-bonne soeur nous rappelle la figure autoritaire de la madre de La Maison de Bernarda, en gardant toutefois un aspect maternel, féminin et protecteur. Ainsi lors de la dernière scène elle porte une à une ses aliénées hors de la scène, avec beaucoup de tendresse.

 

Alors qu'Hilarion revient voir sa fiancée, il danse une variation réellement touchante. Le gros bourru ne comprend toujours pas, et la voit s'échapper de nouveau. Elle a fini de jouer avec lui et veut d'autres jouets. Sa danse à elle est toujours très libre, mais l'asile l'a entravée, ou alors canalisée, elle semble plus nostalgique, plus humaine. Elle aurait enfin fini par apprendre à se modérer et à se tourner vers l'amour.

 

Arrive alors Albrecht, et c'est lui qui sortira métamorphosé de cet asile, il apprend avec Giselle à laisser ses a priori, pour se tourner vers plus de sincérité. Peu d'amour ici finalement, mais de l'attirance vers l'inconnu.

 

Il finira nu sur scène, un peu dans un esprit Mythe du Bon Sauvage sans doute trop vintage pour moi. Il sera accueilli par le bon et magnanime Hilarion qui l'habillera enfin. Une façon d´être purifié avant de revivre plus sereinement. On ne revoit plus Giselle, sorte d'ange incompris.

 

Giselle, revue par Mats Ek

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