Palais Garnier
28 juin 2013
Pierre Lacotte d’après Philippe Taglioni
Direction musicale : Philippe Hui
La Sylphide : Evgenia Obraztsova ; James : Mathias Heymann ; Effie : Mélanie Hurel ;
La Sorcière : Stéphane Phavorin ; Pas de deux des Ecossais : Muriel Zusperreguy, Emmanuel Thibault.
En 2009 je découvrais la danse avec Onéguine, l’année suivante je vois mes premiers Noureev, Casse Noisette et La Bayadère. Deux étapes importantes qui m’ont fait découvrir différentes visions de ce qu’on appelle des ‘classiques.’ Et ce soir avec la Sylphide, je découvre un grand ballet romantique, vu comme le premier des grands ballets classiques. C’est donc avant tout une découverte de style que Pierre Lacotte a choisi de remonter.
Légère déception donc de passer ma première soirée découverte de l’œuvre avec un couple aussi accompli que Heymann et Obraztsova, j’aurais sans doute préféré les voir un peu plus tard dans la série, une fois que je m’étais davantage approprié l’œuvre. Mais quelle introduction ils m’ont donnée! Tout ce que j’avais pu lire sur le style romantique semblait ici s’illustrer comme un cours d’histoire !
La plus grande innovation est la différence avec la plupart des grands ballets au répertoire de l’Opéra, comme les Noureev et les néo-classiques. Les premiers sont tellement explosifs, feu d’artifice, époustouflants d’énergie. Les deuxièmes retiennent notre souffle avec leur force dramatique. La Sylphide n’a rien à voir ou même à envier à ces deux catégories, tout est plutôt dans le raffinement, le détail, la minutie et la légèreté, là où les Noureev me paraissent parfois plus imposants. Les pointes ne sont pas évidentes, j'en apprécie encore plus l'élancement qu'elles offrent à la ballerine.
Alors que James doit épouser Effie, un petit être malicieux se glisse dans sa maison, inatteignable mais désirant jouer. Le jeune homme en devient fou et finit par délaisser sa fiancée. Comme le prince de la Belle et la Bête, il chasse une sorcière venue se réchauffer, qui lit l’avenir dans les mains des jeunes personnes. Effie n'épouserait pas James, mais Gurn un ami. James finit par partir à la poursuite de la Sylphide. Au deuxième acte, James continue d’essayer de l’attraper, elle s’est réfugiée avec ses amies volantes dans les bois. Il demande conseil à la sorcière pour attraper la jeune femme. Elle lui donnera un châle qui enlèvera les ailes de la Sylphide, la tuant alors. James s’effondre alors que le corps s’élève porté par les êtres blancs.
Ce qui me frappe le plus est la capacité d’Obraztsova de paraitre à la fois légère et féerique tout en gardant un caractère mutin. Elle ne semble pas amoureuse de James, elle veut s’amuser, elle sort par la cheminée, disparait dans le sol, s’incruste dans les pas de deux et pique les anneaux. Elle nous offre avec cela une technique impeccable pour la petite batterie et le bas du corps. Elle semble avoir mis de côté ses feux d’artifice de danseuses russes (en gardant les applaudissements néanmoins!). Le long tutu, les arabesques à moins de 90 degrés, me rappellent une phrase d’une professeure de Claude Bessy qui lui disait qu’elles n’étaient pas là pour danser le cancan mais un ballet. La mousseline du tutu aidant, c’est avant tout ses gestes de mains et ses mouvements de tête qui la rendent tout à fait aérienne.
En face, un Heymann en grande forme comme je ne l’avais jamais réellement vu. James est bien plus terre à terre et j’ai trouvé l’opposition entre son affirmation sur scène et l’aspect volatile d’Obraztsova tout à fait adapté et réussie. Ses manèges sont époustouflants de virtuosité et d’énergie en le combinant avec une certaine grâce : mix entre le réalisme d’Effie et l’idéal sylphidien. C’est un jeune homme mature qui désire atteindre un idéal mais ne réussit pas à l’attraper, il a un très bon air de désespéré ou plutôt de romantique qui ne sait pas qu’il l’est. Il conclue parfaitement avec une époustouflante série d’entrechats quelques instants avant de s’effondrer.
Pour revenir sur le réalisme d’Effie, je trouve que c’est un rôle qui va plutôt bien à Mélanie Hurel, danseuse que j’apprécie dans des rôles bien terre à terre. Elle semble bien innocente et amoureuse lors du superbe pas de deux (plus un) auquel nous avons droit.
A l’exception de Stéphane Phavorin (dont j’ai appris que c’était la dernière saison !) merveilleux dans les rôles de caractère comme Madge, le reste de la compagnie m’a un peu décu. Les Sylphides s’ennuyaient presque, les trois demi solistes n’étaient absolument pas en rythme entre elles ou avec la musique. L’orchestre m’a d’ailleurs bien ennuyé, la partition n’est déjà pas très amusante, une direction stimulante et mieux organisée serait appréciable. Toutefois, le pas des deux des écossais apporte une dose de fraicheur avec Zusperreguy et Thibault en bonne forme !
J’ai donc passé un bon moment avec deux danseurs de talent, interprètes jusqu'au bout des pieds, mais le ballet ne m’a pas laissé une impression impérissable. J’ai certes ressenti une idée de début XIXème devant les décors, costumes, machineries (les Sylphides volantes dans le deuxième acte) et la chorégraphie, ce ballet représente l’essence du classique. Mais les scènes du corps de ballet ne me ravissent pas plus que cela, trop de sylphides qui ne me paraissent pas bien oniriques. Je relève enfin la tête devant la course poursuite incessante et alléchante de James avec son idéal, qui finit par l’envol du corps de la Sylphide dans les cieux : l’inatteignable disparait définitivement.